Sieste, zénitude et gros muscles : Medhy Metella, l’héritier de la natation française
Sieste, zénitude et gros muscles : Medhy Metella, l’héritier de la natation française
Par Elisabeth Pineau
Engagé en individuel sur 100 m et 100 m papillon aux championnats d’Europe à Glasgow, le nageur représente l’un des principaux espoirs de médaille d’une natation tricolore à la recherche de nouveaux leadeurs.
Medhy Metella, en 2010, à Singapour. / ALPHONSO CHAN / AFP
« Il faut connaître le diplôme de l’échec : si on n’a pas le diplôme de l’échec, on ne connaîtra pas la victoire. » Platon ? Aristote ? Non. Mehdy Metella. Depuis les retraites de Yannick Agnel, Fabien Gilot, William Meynard, Frédérik Bousquet, Camille Lacourt et la parenthèse de Florent Manaudou qui ressemble de plus en plus à un renoncement, la natation française se cherche de nouveaux chefs de file capables d’entraîner la relève dans leur sillage.
Sur le papier, Metella, 26 ans, est le candidat idoine. Il y a un an tout juste, il expropriait Yannick Agnel et devenait à son tour le Français le plus rapide sur 100 m hors combinaisons, avec un 47 s 65 claqué en demi-finales des championnats du monde à Budapest. Avec le valeureux Jérémy Stravius, 30 ans, qui n’a loupé aucune sélection depuis 2009, il représente l’une des plus sérieuses chances de médaille française chez les hommes lors des championnats d’Europe à Glasgow (du 3 au 12 août).
Mais du petit frère de Malia (vice-championne olympique en 2004 à Athènes et vice-championne du monde en 2005 à Montréal, retraitée depuis 2009), on ne sait finalement pas grand-chose. Peu de portraits fouillés lui ont, jusque-là, été consacrés. Peu ou pas d’interviews. Tout juste a-t-on appris en sondant les bas-fonds d’Internet une passion pour BFM-TV après ses retours d’entraînement. En compétition, il écoute du son « un peu hardcore dans le rap français », du genre Kalash Criminel, dévoilait-il à L’Equipe l’été dernier. Et ne rate jamais l’heure de la sieste. « Tout dépend du sommeil. Si je ronfle, c’est sûr que je vais nager vite, mais si je ne ronfle pas, ça va veut dire qu’il y a un souci », répétait-il au sortir des bassins, à Budapest.
« Une intelligence folle dans l’eau »
Dans la capitale hongroise, Philippe Lucas avait prédit que ces championnats seraient « le moment » de Metella. Cela se résuma plus exactement à un quart d’heure de célébrité. En pulvérisant son record personnel (48 s 08) de près d’une demi-seconde en demi-finales de la course reine, les médias l’avaient propulsé en vingt-quatre heures d’outsider à favori : « Et si Mehdy Metella devenait le nouveau roi du 100 m ? », s’emballaient plusieurs d’entre eux. Mais en finale, il dut se contenter du bronze. « C’est une médaille, on s’est battus pour l’avoir, on a travaillé comme des chiens », dira-t-il, dans l’une de ces métaphores canines qu’il affectionne.
Mehdy Metella, au côté de Fabien Gilot, Florent Manaudou et Jérémy Stravius, médaillés d’argent sur le relais 4 x 100 m aux JO de Rio, en 2016. / CHRISTOPHE SIMON / AFP
Champion du monde 2015 à Kazan et vice-champion olympique en 2016 avec le relais 4×100 m, il venait de glaner sa première récompense au niveau mondial en individuel. Le résultat d’un assagissement opportun chez un gamin qui a longtemps eu tendance à se disperser. Depuis la saison 2017, Metella, licencié au Cercle des nageurs de Marseille (CNM), est plus motivé, plus casanier. Plus scrupuleux diététiquement parlant, aussi, lui qui avait débarqué à Marseille en affichant près de 105 kg sur la balance. Fini les combos hamburger – frites au fromage – milk-shake au beurre de cacahuète comme cela lui arrivait d’avaler la veille d’une finale majeure.
Gabarit très musculeux pour un nageur (1,91 m pour 94 kg, 2,02 m d’envergure), le Guyanais a longtemps été éclipsé chez les juniors par le surdoué Agnel, son aîné d’un mois et huit jours : « On se connaît depuis qu’on a 14 ans. C’est mon frère sauf que lui est blanc et moi, noir », résuma-t-il un jour non sans sagacité. Il a ensuite suivi une progression constante, dans l’ombre du Nîmois et de Manaudou.
Formé au sein du club toulousain des Dauphins du TOEC, il décroche sa première médaille continentale en petit bassin à Chartres en 2012 avec le bronze sur 100 m papillon. En septembre 2013, il part s’installer dans le club devenu, sous l’impulsion de son manager, Romain Barnier, la capitale de la natation tricolore : le CNM. « Mehdy est attiré par les paillettes », cinglera Michel Coloma, son ex-directeur sportif à Toulouse.
Trois ans plus tard, aux championnats d’Europe de Londres, Metella repart bronzé sur 100 m papillon : « Moi, maintenant, je ne suis personne dans cette natation mondiale, je n’ai pas encore fait mon petit nom », relativise-t-il à l’époque. « C’est un gars bien, il a la tête sur les épaules et est toujours de bonne humeur », observe Julien Issoulié, le nouveau directeur technique national de la Fédération française de natation, qui voit en lui « un garçon d’une intelligence folle dans l’eau. Tous ses entraîneurs vous diront qu’il est hyper aquatique, très à l’aise, très coordonné. C’est un vrai bel athlète qui a envie de porter la natation tricolore. »
Pas de danse en chambre d’appel
Prêt, donc, à assumer un statut de leadeur qui fait actuellement défaut à l’équipe de France ? « Je ne sais pas s’il a cette envie mais, en tout cas, il l’est naturellement. Même s’il est discret, il a quand même envie de montrer qu’il est le patron et qu’il peut en amener d’autres dans son sillage, comme il l’a montré aux championnats de France », ajoute le DTN.
A Saint-Raphaël, fin mai – où la FFN avait instauré des règles de qualification draconiennes pour Glasgow, après l’échec de Rio –, le nageur a été sacré sur 100 m papillon, 50 m et 100 m, distance sur laquelle son chrono de 48 s 42 ne lui vaut que la 19e meilleure performance mondiale de la saison (la 6e européenne), loin derrière le Russe Vladimir Morozov (47 s 75), qui a pris la tête des bilans mondiaux devant le Japonais Katsumi Nakamura (47 s 87) et le Brésilien Pedro Spajari (47 s 95).
« C’est quelqu’un qui marche aux sensations. Des fois, il se loupe peut-être à cause de son détachement, mais souvent il gagne grâce à ça », analyse Julien Issoulié. Comme aux Mondiaux de Budapest où il avait semblé hermétique à la pression, se mettant à danser en chambre d’appel juste avant sa demi-finale stratosphérique. Bluffant tous ses adversaires, dont l’Américain Nathan Adrian, champion olympique 2012. « Il m’a dit : “Pourquoi tu danses ?” Je lui ai répondu que je n’avais pas de stress », rigolait Metella.
Sur les réseaux sociaux, début juillet, il convoquait Confucius : « Tous les hommes pensent que le bonheur se trouve au sommet de la montagne alors qu’il réside dans la façon de la gravir. » Sur les collines écossaises, Medhy Metella est attendu comme le premier de cordée d’une natation française qui aimerait bien retrouver les sommets.