Ligue 1 : les arbitres vidéo entrent en scène
Ligue 1 : les arbitres vidéo entrent en scène
Par Corentin Lesueur
Ils vont aussi faire la Ligue 1 (2/5). Déjà utilisée lors de la dernière Coupe du monde, l’assistance vidéo à l’arbitrage (VAR) fait son entrée dans le championnat de France.
Parce qu’il n’y a pas que Neymar, Kylian Mbappé, l’OM et les tweets de Jean-Michel Aulas, Le Monde vous présente tous les jours d’ici à la reprise du championnat (vendredi 20 h 45 avec Marseille-Toulouse) les cinq autres acteurs à suivre lors de cette nouvelle saison de Ligue 1.
Mark Geiger, arbitre de la victoire de la Corée du Sud contre l’Allemagne en Coupe du monde, le 27 juin. / John Sibley / REUTERS
« Arbitrer, c’est être seul contre tous, surtout dans un monde paranoïaque où ceux qui ont un pouvoir de décision dérangent. » Le coup d’envoi de la nouvelle saison sonnerait-il la fin de l’isolement pour Mikaël Lesage et ses camarades de sifflet ? Après l’Allemagne et l’Italie, la première division française a succombé aux gages de justice et de probité de l’assistance vidéo à l’arbitrage (ou VAR).
L’arrivée des cars-régie sur les parkings de Ligue 1 est brandie comme l’arme ultime contre les polémiques et leurs échos bas du front à la porte des vestiaires et sur les plateaux télé. Ou la promesse d’un « foot amélioré, plus juste et plus propre », dixit Pascal Garibian, directeur technique à l’arbitrage (DTA).
Après le bus mutin de Knysna, en 2010, et son homologue autrement plus zélé dans la descente des Champs-Elysées, pour le retour les champions du monde le 16 juillet, un nouveau car à fort potentiel médiatique fera son apparition aux abords du Vélodrome, vendredi 10 août, pour le premier match de la saison 2018-2019 entre Marseille et Toulouse. A l’intérieur, deux assistants vidéo et un à deux techniciens-opérateurs chargés d’assurer la mission confiée à onze personnes lors de la dernière Coupe du monde : visionner autant de fois que nécessaire les actions du match sur un mur d’écrans et interpeller si besoin leur confrère sur la pelouse. Quatre situations de jeu pourront justifier le « protocole » de la VAR : un but (validé ou non) ; un penalty (sifflé ou non) ; un carton rouge (direct) ; une erreur sur l’identité du joueur sanctionné.
Une « bouée de sauvetage »
Surtout, ne jamais évoquer une éventuelle inégalité devant la technologie et la substitution du « péno ou pas péno ? » par son pendant cinéaste : « vidéo ou pas vidéo ? » Les instances du foot français le répètent aux insensibles de l’image et autres romantiques du ballon : la VAR sera partout, tout le temps. Et pas seulement quand l’arbitre esquissera un quadrilatère avec ses index.
A l’abri du tumulte du stade, les assistants pratiqueront un « contrôle silencieux » de chaque action pour n’intervenir qu’en cas d’incident non détecté par l’arbitre central ou d’« erreur claire et évidente » de sa part. Informé par oreillette, il pourra suivre aveuglément les conseils de ses aides ou compléter leur analyse par un visionnage depuis le bord du terrain.
Doté d’un arsenal omniscient alimenté par autant d’angles de vue que le commun des téléspectateurs, l’arbitre central devra résister à la tentation d’en user à chaque séquence sensible. Pour Pascal Garibian, le patron de l’arbitrage français, la vidéo n’est qu’une « bouée de sauvetage » réservée aux actions sujettes à interprétation. « Un minimum d’interventions pour un bénéfice maximum », tel est le credo du nouveau monde footballistique. « L’émotion et la fluidité » des rencontres sont convoquées pour justifier un emploi avec parcimonie de la VAR.
C’est tout le paradoxe de l’innovation. Instaurée pour faciliter la prise de décision de l’arbitre et – surtout – faire taire les acteurs (joueurs, entraîneurs et dirigeants) et observateurs toujours plus nombreux à le critiquer, la vidéo et la multitude des angles et vitesses de visionnage ne balaieront jamais la part d’interprétation du jugement. La subjectivité est sauve et avec elle l’espace des critiques du choix. Même pris à l’ombre de la guérite de plexiglas. Fredy Fautrel, référent vidéo à la Fédération française de football, l’assure : « L’arbitre reste le seul maître à bord. C’est lui, c’est son match, c’est son histoire. »
« La VAR est une vérité, mais ce n’est pas la vérité »
Grand défenseur de la VAR (et jamais le dernier à hurler à l’erreur d’arbitrage), Rudi Garcia se réjouissait de l’avènement d’un « football beaucoup plus juste », où « tout le monde sera beaucoup plus calme – les joueurs et les coachs ». Mais la saison n’a pas commencé que l’entraîneur de l’OM s’est déjà fendu d’une divergence d’interprétation avec l’homme en noir. A la sortie d’un match amical perdu contre le Betis Séville au milieu de l’été, l’entraîneur est revenu sur un penalty refusé aux siens. A tort selon lui. Pourtant, la VAR était de la partie.
« Il faut arrêter de croire que la vidéo réglera tout, calme déjà Pascal Garibian. La VAR corrigera un maximum de situations. C’est une vérité, mais ce n’est pas la vérité. (…) Le football n’est pas binaire. Il restera humain, même avec la vidéo. »
De l’humain, le DTA retient la diminution des « comportements déviants » dans les pays où la VAR a déjà été expérimentée. En Italie, les simulations auraient diminué de moitié (moins 43 %) la saison passée et les contestations, de 20 %. Des chiffres flatteurs parfois obscurcis par l’incompréhension face à certains matchs, dont le visionnage même s’est trouvé brouillé par les revirements successifs de l’arbitre.
En Ligue 1, l’écran ne s’est pas encore allumé que le dispositif compte déjà quelques dubitatifs. Bruno Génésio, entraîneur de Lyon : « Cela risque d’amener plus de polémiques et cela enlève beaucoup de pouvoir à l’arbitre. La solution idéale n’existe pas et il faut trouver la moins pire. » Assis dans un car-régie ou gambadant au milieu des joueurs, l’arbitre devrait encore rester au centre des débats cette saison. Il y a des choses qui ne changent pas.