Dans la fiction aussi, Google est devenu incontournable
Dans la fiction aussi, Google est devenu incontournable
En vingt ans d’existence, Google a envahi le champ du cinéma et des séries télévisées. Personnage principal ou secondaire, la marque est moquée, admirée, utilisée, détournée… mais jamais sans son accord.
Qu’on le regrette ou qu’on s’en félicite, les services proposés par Google ont transformé le quotidien de bien des gens… et devraient donc, naturellement, avoir aussi singulièrement facilité celui des héros de fiction. Quel agent secret, quelle amoureuse transie, quelle flic lancée sur l’enquête de sa vie, pourraient se passer des services de Google, de Street View, de Gmail ?
Pourtant, la plupart y arrivent très bien, comme s’ils vivaient dans une curieuse réalité alternative où l’entreprise américaine n’aurait pas envahi chaque aspect de notre vie quotidienne. C’est que Google ne transige pas avec son image, et n’est pas prêt à laisser son logo, son moteur de recherche ou ses différents produits faire des apparitions dans le premier nanar venu.
Dossier préalable
En théorie, pour avoir le droit de faire figurer Google au casting de son œuvre de fiction, il faut ainsi fournir à l’entreprise américaine un résumé du projet, une description de l’utilisation qui sera faite du produit, pages de scripts à l’appui, ainsi qu’une « maquette visuelle », histoire de prouver que le produit Google ne ressemblera pas à une page Lycos circa 1998.
L’entreprise formule aussi d’autres demandes étrangement spécifiques, comme le fait que le personnage qui utilise un produit Google doit, de préférence, se servir du navigateur Internet Chrome et être connecté à son compte Google. Mais ces critères, assure Google, sont facultatifs.
Pour ceux qui n’auraient pas envie de s’embêter, pas de panique : des alternatives existent. Bing, de Microsoft, a par exemple été très content de payer pour apparaître dans The Amazing Spider-Man (Marc Webb, 2012). D’autres préfèrent utiliser des moteurs de recherche factices : certaines entreprises en proposent d’ailleurs des prêts à l’emploi.
Scènes tournées dans les locaux
L’autorisation n’a pas dû être trop difficile à obtenir pour le film Lion de Garth Davis (2016), avec Dev Patel et Nicole Kidman. M. Patel y joue un jeune Indien, Saroo, exilé en Australie, qui retrouve le village de son enfance en se fiant uniquement à quelques bribes de souvenirs et à… Google Earth. Une bien belle histoire (vraie) et une jolie pub pour l’entreprise.
LION Bande Annonce VF (2016) Nicole Kidman
Durée : 02:26
Encore mieux : Les Stagiaires (The Internship, Shawn Levy, 2013), dont le scénario même (deux quadragénaires, joués par Vince Vaughn et Owen Wilson, qui cherchent à se faire embaucher chez Google) semble être une publicité pour le programme de recrutement de l’entreprise.
D’après Google, officiellement simple consultant technique, il n’y a eu aucun échange financier avec le studio. Cela n’empêche pas la marque d’être citée à répétition, et certaines scènes sont même tournées dans ses locaux, avec présence, à l’écran, de ses employés. Tous les produits Google y sont montrés sous un jour positif, et, selon CNN, une scène où l’on voyait une voiture sans conducteur Google faire une sortie de route a été supprimée du script à la demande de la marque. Sergey Brin, cofondateur de Google, fait même une apparition.
Larry Page, l’autre cofondateur, l’a lui-même déclaré quelques semaines avant la sortie du film : « je pense que la raison pour laquelle nous nous sommes impliqués [dans ce film], c’est parce que les sciences informatiques souffrent d’un déficit d’image ».
Les Stagiaires : Bande annonce VF HD
Durée : 02:29
Ressort comique
Plutôt qu’un sujet d’émerveillement, Google peut aussi, dans la fiction, n’être qu’un simple ressort comique. On se souvient notamment du clin d’œil de la série The IT Crowd : « si vous tapez Google dans Google, vous pouvez casser Internet » (Graham Linehan, 2006-2010).
La série Arrested Development (Mitchell Hurwitz, depuis 2003) en a même fait un gag récurrent. Celle-ci met régulièrement en scène l’un de ses personnages principaux, Michael Bluth, au volant de ce qui ressemble beaucoup à une des voitures qu’utilise Google pour sa technologie Street View.
Est-ce faute d’autorisation ? En tout cas, le logo Google, que ce soit sur la portière de la voiture ou sur la façade du bâtiment où Michael Bluth prend ses cours d’autodéfense, est systématiquement (et très grossièrement) flouté. Arrested Development, qui, n’a pas peur de la mise en abîme, s’amuse de l’impossibilité d’utiliser la marque Google en interdisant même à ses personnages d’en prononcer le nom. Ceux-ci, au lieu de parler de « googler » quelque chose, terme pourtant passé dans le langage courant, conseillent ainsi de faire un « something search ».
Jen thinks typing Google into Google can Break the Internet - The IT Crowd Shorts
Durée : 00:42
Enceintes connectées
Dernièrement, ce sont les enceintes connectées de Google, une marque dont l’image n’est pas automatiquement associée aux concepts de « fun » et de rigolade, qui ont prêté à rire. Dans les récentes fausses publicités du jeu télé Burger Quiz par exemple, qui voient Jean-Paul Rouve discuter avec son enceinte connectée (ici appelée, par prudence, « Moogle ») des cas de conscience de cette dernière.
Maligne, la série d’animation South Park (Trey Parker et Matt Stone, depuis 1997) ne fait pas qu’en parler : dans un épisode de la saison 21, ses personnages s’adressent carrément et directement aux enceintes connectées. Quand ils s’exclament « OK Google » ou « Alexa », les enceintes Google et Amazon des salons des spectateurs dressent l’oreille et prennent docilement note qu’il leur faudra acheter « des gros seins », « des grosses boules velues » et autres « chips aux nichons ».
Dans Les Simpson (Matt Groening, depuis 1989) enfin, on apprend au détour de l’épisode de Noël 2011 qu’en 2041, Google aura asservi la moitié de la planète, mais restera malgré tout, d’après Lisa Simpson, « un super-moteur de recherche ».
South park alexa
Durée : 00:25
Source d’inquiétude
Car Google est aussi, pour les créateurs et les inventeurs de futur, une source d’inquiétude. En témoigne la série Mr. Robot (Sam Esmail, depuis 2015), qui fait d’E Corp, sorte de vision d’un Google dégénéré ayant englobé tout l’univers du numérique et de la finance, le grand méchant loup contre lequel lutte une petite bande d’« hacktivistes » prêt à mettre à bas son joug dictatorial.
Plus près de nous, The Good Wife (Robert et Michelle King, 2009-2016) décrit les travers d’une société baptisée Chumhum. A l’évidence une critique de Google et des GAFA, des conditions de travail et salariales de leurs employés, des voitures sans conducteur ou encore du biais raciste de certaines de ces technologies.
MR ROBOT - Bande Annonce Officielle VOSTFR [HD]
Durée : 01:00
Enfin, le film The Circle (James Ponsoldt, 2017), adapté du roman de Dave Eggers, est une critique virulente des réseaux sociaux et des GAFA en général. Difficile de ne pas voir l’ombre de Google ou Facebook derrière le fameux « cercle » qui menace la vie privée des Américains, même si les entreprises ne sont, évidemment, jamais citées.
Le mantra de Google a beau être « Don’t be evil » (« Ne faites pas le mal », qui figurait en introduction du code de conduite de l’entreprise jusqu’en avril 2018), les scénaristes et les romanciers ne peuvent pas s’empêcher d’y deviner une potentielle menace.