Marine Le Pen à l’Assemblée nationale, le 18 septembre 2018. / CHARLES PLATIAU / REUTERS

La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a décidé, mercredi 26 septembre, de réduire de deux à un million d’euros la saisie judiciaire des subventions publiques allouées au Rassemblement national. « C’est une première victoire », a déclaré à l’issue de l’audience Me Rodolphe Bosselut, avocat du RN. Il a précisé que le parti allait se pourvoir en cassation.

Le parti d’extrême droite avait immédiatement fait appel pour contrer cette ordonnance de saisie. Le parquet général avait demandé la confirmation de la mesure, inédite pour un parti politique.

Soupçons de « système » organisé

Depuis cet été, le parti agite la menace d’un dépôt de bilan et a lancé un appel aux dons pour « payer les salaires », qui lui a permis à ce jour de récolter plus de 600 000 euros, selon Marine Le Pen. Mise en examen dans ce dossier pour « complicité d’abus de confiance », tout comme le parti, elle doit être réentendue en octobre par les juges.

Les magistrats chargés du dossier évoquent « le risque » que le parti, « très endetté », ne se serve de cet argent pour rembourser ses emprunts et ne soit plus en mesure de payer les amendes ainsi que les dommages et intérêts en cas de condamnation à un procès.

A huit mois des européennes, l’affaire empoisonne le parti, déjà renvoyé en procès pour des soupçons d’escroquerie aux frais de l’Etat lors des législatives de 2012.

A l’instruction depuis 2016, le dossier porte sur un possible « système » organisé par le parti et sa présidente — ce qu’ils contestent — pour financer des salaires de ses permanents sur les deniers de l’Union européenne, en détournant les enveloppes des eurodéputés réservées à l’emploi d’assistants parlementaires.

L’information judiciaire cible 17 députés et les contrats d’une quarantaine d’assistants parlementaires. Les juges envisagent désormais d’alourdir la quinzaine de mises en examen déjà ordonnées, en les requalifiant en « détournements de fonds publics ».

La survie du Rassemblement national « mise en péril »

Ouverte en 2015 après un signalement du Parlement européen, l’enquête repose en partie sur le rapport de l’Office de lutte anti-fraude (OLAF) et sur les « nombreux indices » réunis par les enquêteurs français. Parmi lesquels, « l’absence totale ou quasi totale de travail d’assistants parlementaires », relèvent les magistrats dans leur ordonnance.

A leurs yeux, le Front national a organisé ce système de détournement « de manière concertée et délibérée ». Le préjudice, contesté par le parti, est évalué par le Parlement européen à 6,8 millions d’euros entre 2009 et 2017.

De son côté, le parti dénonce une mesure sans fondement légal et contraire au pluralisme démocratique consacré par la Constitution. « La survie même du Rassemblement national, premier parti d’opposition de France, est donc mise en péril », estime son avocat, David Dassa-Le Deist.

Il aurait fallu prouver que l’argent saisi soit le produit de la fraude, or il n’y a aucun lien possible entre la dotation attribuée par le ministère de l’intérieur et l’affaire des eurodéputés, soutient-il. Quant au risque d’« insolvabilité », il est écarté, le parti étant assuré de recevoir plus de 4 millions d’euros d’aides publiques annuelles pendant la mandature.

Le RN fait valoir aussi que le Parlement européen a déjà lancé des procédures pour récupérer les sommes liées à des emplois d’assistants litigieux.