Saint-Martin : « en colère », Emmanuel Macron veut que la reconstruction aille plus vite
Saint-Martin : « en colère », Emmanuel Macron veut que la reconstruction aille plus vite
Par Cédric Pietralunga (Saint-Martin, envoyé spécial)
Le chef d’Etat est scandalisé par le retard pris dans les travaux pour reconstruire l’île après le passage d’Irma et veut « mettre la pression » sur la collectivité.
Pris par la main par des habitants, Emmanuel Macron est resté près de quatre heures dans le quartier Orléans de l’île de Saint Martin, le 29 septembre. / JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH POLITICS POUR LE MONDE
La visite avait pourtant bien commencé. « Engagement tenu, je suis là ! », s’était réjoui Emmanuel Macron au pied du Falcon qui venait de le déposer, samedi 29 septembre, sur l’île de Saint-Martin, un an après une première visite effectuée quelques jours après le passage de l’ouragan Irma. Le chef de l’État s’était à l’époque engagé à revenir auprès des habitants sinistrés, afin de vérifier l’état d’avancement des travaux de reconstruction.
« Je suis en colère. Ce que je vois me scandalise ! », s’est exclamé quelques heures plus tard le président de la République, à l’issue d’une visite organisée dans le village de Quartier d’Orléans, l’une des plus pauvres de l’île. « C’est inacceptable ce qu’on voit là, il y a des bailleurs sociaux, des grands acteurs économiques, qui louent 500 ou 600 euros des appartements où depuis un an les toits n’ont pas été refaits ! », s’est indigné le chef de l’État, entre deux averses tropicales qui ont vite transformé sa visite en parcours dantesque.
Littéralement pris par la main par une partie des habitants, Emmanuel Macron est resté près de quatre heures dans le quartier, passant d’un appartement à un autre et prenant un plaisir manifeste à bousculer le protocole de la visite qui lui avait été organisée. Averti que des travaux en urgence avaient été menés avant sa venue, le chef de l’Etat s’est volontairement laissé happer par la foule, qui voulait lui faire constater ses mauvaises conditions de vie à l’écart du parcours balisé à son intention.
Dans le Quartier Orléans, sur l'île de Saint Martin, le 29 septembre. / JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH POLITICS POUR LE MONDE
« Il faut être là, au milieu de celles et ceux qui sont dans la détresse et la colère », s’est justifié le chef de l’Etat, dans ce style thaumaturge qu’il affectionne, main sur la tête des enfants et bras entourant les épaules des plus grands. A plusieurs reprises, il a invité les ministres qui l’accompagnaient, notamment Agnès Buzyn (santé) et Annick Girardin (outre-mer), à répondre aux griefs des habitants ou à prendre leurs coordonnées, pour les recontacter plus tard et résoudre leurs difficultés.
La collectivité de Saint-Martin dans le viseur du président
Malgré la pluie, les villageois se sont pressés pour saluer le président. / JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH POLITICS POUR LE MONDE
Cyclone le plus puissant jamais enregistré dans les Antilles, Irma a provoqué les 5 et 6 septembre 2017 la mort de 11 personnes à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy. A Saint-Martin, près de 20 % des bâtiments ont été détruits ou sévèrement endommagés, notamment ceux situés en bord de mer. Au total, les dégâts ont été estimés à quelque 3 milliards d’euros, dont 1,9 milliard pour les biens assurés, un chiffre « considérable pour des îles qui comptent moins de 40 000 habitants », relève-t-on à Matignon.
Mais un an après, Saint-Martin tarde à se relever. A l’issue d’un comité interministériel qui s’est tenu le 17 septembre à Paris, le sixième consacré à la reconstruction, le premier ministre Edouard Philippe a reconnu que le compte n’y était pas. Début septembre, seulement 35 % des bâtiments détruits ou très endommagés de Saint-Martin avaient été reconstruits et seulement 68 % des indemnités dues par les assurances avaient été versées, soit 1,27 milliard d’euros, selon les calculs de Matignon.
« Je veux qu’on accélère les travaux. Les écoles n’ont pas toutes réouvert et suffisamment vite (…) parce qu’on a préféré faire des travaux ailleurs, ce n’est pas acceptable », a ainsi dénoncé Emmanuel Macron. Dans son collimateur : la collectivité de Saint-Martin, qui dispose depuis 2007 d’un statut d’autonomie lui accordant certaines compétences, assurées par l’État sur le reste du territoire national.
« Nous allons mettre la pression sur la collectivité pour que la planification des travaux se fasse », a insisté le chef de l’État, qui n’a pas hésité à mettre en difficulté Daniel Gibbs, le président (LR) du conseil territorial de Saint-Martin, lors de ses échanges avec les habitants de Quartier d’Orléans.
Emmanuel Macron lors de sa visite au village Quartier d’Orléans, le 29 septembre. / JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH POLITICS POUR LE MONDE
Une rencontre avec les professionnels du tourisme
Saint-Martin « est une île dans laquelle il y a eu trop de connivence, trop d’ententes, parfois même de la corruption, il faut que cela cesse », a même accusé le président de la République. « On va mettre plus de contrôles parce que je ne peux pas accepter ce que j’ai vu aujourd’hui », a-t-il promis.
Emmanuel Macron devait poursuivre sa visite à Saint-Martin, dimanche, par une rencontre avec des professionnels du tourisme, notamment des restaurateurs et des hôteliers, qui sont en difficulté : seulement 800 chambres devraient être prêtes pour le démarrage de la saison touristique cet hiver, selon Matignon. Le chef de l’État s’envolera ensuite pour quelques heures à Saint-Barthélemy, île également touchée mais en moindre proportion par l’ouragan Irma.