« Jane Fonda in Five Acts » : l’icône fend l’armure
« Jane Fonda in Five Acts » : l’icône fend l’armure
Par Renaud Machart
Dans un long documentaire, l’actrice revient avec honnêteté et émotion sur les contrastes et les paradoxes de sa vie de fille, d’épouse, de mère, et d’activiste.
Jane Fonda est-elle la créature nunuche de ses tout premiers longs-métrages, la bombe intergalactique du film Barbarella (1968), la militante qui se mit à dos les forces conservatrices de son pays en plein milieu de la guerre des Etats-Unis contre le Vietnam, la reine de l’aérobic dont elle vanta les bienfaits par milliers de cassettes vidéo, l’épouse d’un magnat de la télévision, ou l’octogénaire faisant le moins son âge de la planète ?
Elle est un peu tout cela, que passe méthodiquement en revue le long documentaire « Jane Fonda en cinq actes », de Susan Lacy : « Acte I : Henry » (son père, le légendaire acteur Henry Fonda) ; puis « Roger » (le cinéaste Roger Vadim, son premier mari), « Tom » (le sénateur démocrate et militant pour les droits civiques Tom Hayden, son deuxième), « Ted » (le milliardaire Ted Turner, son troisième), et finalement « Jane », elle-même, autoportrait en guise de conclusion.
Une biographie moins lisse qu’elle n’y paraît
Derrière l’image de l’actrice impeccablement mise, fardée et coiffée (les choucroutes permanentées des années 1980, la fameuse coupe « Klute »), il y a évidemment une biographie moins lisse.
Le documentaire, en dépit de quelques séquences un peu artificieuses (Jane se rendant enfin sur la tombe de sa mère), réussit à mettre à nu quelques vérités, à travers de nombreux témoignages, dont celui de l’actrice elle-même, qui va assez loin dans l’introspection intime.
Homme peu aimant, son père méprisait et trompait son épouse, baladait sa famille d’ouest en est, selon qu’il tournait à Hollywood ou jouait à Broadway. Alors qu’elle cherchait l’approbation de ce « monument national », Jane, trop jeune, ne vit pas le désarroi de sa mère, qui se suicida.
On ne sera pas surpris que ses divers époux aient en quelque sorte servi de substitut paternel. Vadim remodèlera l’actrice en objet à fantasme dénudé dans Barbarella, chef-d’œuvre kitschissime. Tom Hayden fera d’elle une militante qui s’ignorait (« Deux ans plus tôt, je ne savais même pas où se trouvait le Vietnam… »).
Fringante comme jamais
La relation avec Ted Turner, le fondateur de la chaîne CNN, est plus ambiguë : il profitait de sa fortune dans son ranch, tandis qu’elle était à un moment critique de sa carrière, « concurrencée » par de plus jeunes actrices, mais paraissant encore trop jeune pour incarner les femmes mûres. Elle se retire des écrans, elle s’ennuie ; il la bride dans ses activités de féministe, elle le quitte après dix ans de vie commune.
Dans le documentaire, on voit Jane Fonda rendre visite à Ted Turner, quelle qualifie d’« ex-mari préféré », faire du cheval en la compagnie de celui qui, d’un an son cadet, ressemble désormais à un vieux monsieur, tandis que Jane est fringante comme jamais.
Grâce au sport, et aussi, elle l’avoue candidement, à la chirurgie esthétique : « J’aime le visage de Vanessa Redgrave, j’aimerais tant avoir le courage d’accepter de faire mon âge. Mais je ne l’ai pas. » Pourtant, avoue-t-elle paradoxalement, être « parfaite est une perte de temps, un chemin empoisonné »…
Et elle retravaille : depuis Sa mère ou moi ! (2005), de Robert Luketic, Jane Fonda, qui rompait avec quinze ans d’absence au cinéma, a retrouvé le succès, grâce aussi à la télévision où, dans la série Grace et Frankie, sur Netflix, elle constitue un duo du tonnerre avec sa copine Lily Tomlin.
Jane Fonda in Five Acts, documentaire de Susan Lacy (EU, 2018, 133 min). www.ocs.fr