A Paradise, en Californie, le 8 novembre. / Noah Berger / AP

Auprès des sans-abri du Camp Fire, la compagnie électrique PG & E n’est pas des plus populaires. « Cela fait des années qu’ils nous entubent », grogne Tim Epperson, qui a vu sa dernière heure arriver. Deux jours avant l’incendie, il avait reçu un SMS de la compagnie, mettant les résidents en garde contre des risques élevés d’incendie. « Et quand le feu s’est déclaré ? Rien », proteste-t-il.

Betsy Cowley vit à Pulga, un hameau à proximité de l’endroit où a été signalé le départ du feu. Elle affirme que, la veille, des ouvriers étaient venus vérifier les lignes de transmission, soupçonnées de provoquer des départs de feu. « Il faut mettre la compagnie devant ses responsabilités. Elle ne peut pas se contenter d’augmenter ses tarifs. Ou alors qu’elle parte et qu’on passe à l’énergie solaire », dénonce-t-elle.

Une semaine après la catastrophe, plusieurs particuliers et commerçants de Paradise ont déjà porté plainte contre PG & E pour négligence. L’action de la compagnie a perdu la moitié de sa valeur, dont 25 % mercredi 14 novembre, quand elle a informé les autorités de régulation de la SEC (le gendarme de la bourse) que son assurance ne pourrait pas couvrir les dommages et intérêts si elle devait être déclarée responsable du sinistre – qui a rasé 90 % des habitations de Paradise, à 30 km de Chico.

Le lendemain de l’incendie, PG & E avait déjà informé les autorités californiennes qu’une panne était intervenue sur une ligne de transmission moins d’un quart d’heure avant le départ du feu. Mercredi, elle a ajouté qu’une inspection aérienne avait confirmé l’incident. Le feu a été signalé à 6 h 30 du matin, et localisé à 12 km de Paradise, sous une ligne à haute tension à proximité de la rivière Feather. « Quand ils ont su qu’il y avait un incident, ils ont envoyé une équipe de six personnes, reprend Tim Epperson. Au lieu de fermer le courant. »

Les compagnies, qui sont tenues de débroussailler, sont soupçonnées de rogner sur les coûts d’entretien

PG & E a le monopole de la distribution d’électricité pour la Californie du Nord. Dans le sud de la Californie, Edison a aussi fait état de problèmes deux minutes avant le déclenchement du Woolsey Fire qui a forcé l’évacuation de Malibu et causé la mort de trois personnes. Les compagnies, qui sont tenues de débroussailler, sont soupçonnées de rogner sur les coûts d’entretien. Le sénateur de Californie, Jerry Hill, prépare une loi qui mettrait fin à l’exclusivité qui leur est accordée ou les transformerait en agences publiques. « Il est temps de réexaminer le modèle. Est-ce qu’un système de compagnie privée est ce qui convient à la Californie ? », s’est-il interrogé au micro de la radio publique KQED.

En 2017, les autorités californiennes ont établi que les équipements de PG & E, pylones et lignes, étaient fautifs dans 17 des 21 incendies les plus importants intervenus à l’automne. Huit de ces incidents ont été déférés à la justice. Pg & E répond systématiquement qu’elle n’a pas à porter le coût d’incidents aggravés par la sécheresse et le changement climatique. Un rapport de la commission californienne de supervision du secteur énergétique, qui enquête depuis trois ans sur la gestion des risques à PG & E, est attendu avant la fin de l’année.

Après le catastrophique incendie de la région viticole, le Wine Country Fire, à l’automne 2017, pour lequel elle est poursuivie, la compagnie a exercé un lobbying intense auprès de l’assemblée de l’Etat. Cet été, les parlementaires ont transigé, en adoptant une loi qui limite la responsabilité des compagnies. Le texte prévoit que, sauf négligence constatée par un juge, elles sont en droit de faire porter aux consommateurs le coût des procès. Mais la loi n’entrera en application qu’en 2019 et ne devrait pas couvrir le sinistre actuel.

En Californie, l’incendie Camp Fire devient incontrôlable