Vladimir Poutine qualifie les incidents en mer Noire de « mousse politique »
Vladimir Poutine qualifie les incidents en mer Noire de « mousse politique »
Par Isabelle Mandraud (Moscou, correspondante)
Le chef du Kremlin, qui s’exprimait pour la première fois sur les incidents avec Kiev, a accusé son homologue ukrainien de mener un « jeu sale » pour des raisons de politique intérieure.
Violences en mer entre la Russie et l’Ukraine
Durée : 02:51
Jusqu’ici plutôt en retrait, Vladimir Poutine a, pour la première fois, commenté en public, mercredi 28 novembre, les incidents survenus quatre jours plus tôt en mer Noire entre la marine ukrainienne et les forces de sécurité russes. Interrogé sur le sujet en marge d’un forum d’investissement organisé par la banque VTB à Moscou, le chef du Kremlin a répondu : « C’est une provocation, bien sûr ! »
Sans jamais prononcer le nom de Petro Porochenko, le chef du Kremlin a ouvertement accusé son homologue ukrainien de calculs politiques. « C’est une provocation organisée par les autorités actuelles, je pense même par son président actuel, à l’approche de l’élection présidentielle en Ukraine au mois de mars de l’année prochaine », a souligné M. Poutine. Qui ajoute : « Les sondages, si je ne me trompe pas, placent le président au cinquième rang, il y a même des chances qu’il ne passe pas au second tour, donc, il fallait faire quelque chose pour exacerber la situation et créer des obstacles infranchissables pour ses concurrents. (…) Je suis sûr de cela. »
A aucun moment, le président russe n’a évoqué les trois navires ukrainiens saisis par les forces de sécurité russes – sauf pour déclarer qu’elles avaient accompli « leur mission » et respecté « les ordres » – ni même le sort des 24 marins capturés à leur bord. Ces derniers comparaissent depuis mardi devant un tribunal russe pour être placés, les uns après les autres, en détention provisoire pour deux mois.
« C’est un incident frontalier, pas plus », a-t-il minimisé, en évoquant des éléments récents « d’une autre envergure » tels que « le rattachement de la Crimée à la Russie » en 2014, ou « la guerre civile » dans le Donbass, à l’est de l’Ukraine qui opposent les séparatistes prorusses soutenus par Moscou et les forces armées de Kiev. « Une guerre de facto, a poursuivi M. Poutine, et pourtant, aucune loi martiale n’avait été instaurée. Et là, un petit incident et on instaure la loi martiale ! C’est évident que c’est organisé à l’approche de l’élection présidentielle. »
La loi martiale, instaurée en Ukraine pour une période limitée dans dix régions frontalières de Russie, est entrée en vigueur parallèlement, mercredi. Adoptée par le Parlement ukrainien, elle avait été décrétée par M. Porochenko envers lequel M. Poutine n’a pas caché son plus profond mépris. Il ne l’avait d’ailleurs pas pris au téléphone quand son homologue ukrainien, selon ce dernier, a tenté de le joindre.
« C’est un jeu pour aggraver la situation, un jeu sale à l’intérieur du pays dans le but de vaincre ses adversaires politiques », a encore ajouté le chef du Kremlin. Avant de conclure : « Quoi qu’il se passe à Kiev, les peuples russe et ukrainien sont et resteront toujours des peuples frères. Cette mousse politique partira, et le peuple ukrainien, un de ces jours, va évaluer le pouvoir actuel comme le peuple géorgien l’a fait avec Saakachvili. » Le chef du Kremlin faisait ainsi allusion à l’ancien président de Géorgie qu’il hait. Au pouvoir dans cette ex-République soviétique de 2004 à 2013, Mikheïl Saakachvili est aujourd’hui résident aux Pays-Bas, après avoir échoué à s’implanter en Ukraine.