En Allemagne, Annegret Kramp-Karrenbauer ne veut pas apparaître comme une « mini-Merkel »
En Allemagne, Annegret Kramp-Karrenbauer ne veut pas apparaître comme une « mini-Merkel »
Par Thomas Wieder (Berlin, correspondant)
« AKK » a été élue de justesse à la présidence du parti conservateur. Elle succède ainsi à Angela Merkel.
Annegret Kramp-Karrenbauer, à Hambourg, le 8 décembre. / KAI PFAFFENBACH / REUTERS
C’était le 18 janvier, à 4 h 22 du matin. La BMW avait roulé toute la nuit. Partie de Sarrebruck, près de la frontière française, elle n’était plus qu’à une demi-heure de Berlin où Annegret Kramp-Karrenbauer avait un énième rendez-vous avec le Parti social-démocrate (SPD) en vue de former une coalition. Mais ce matin-là, la voiture s’est écrasée contre la glissière de sécurité, et il s’en est fallu de peu que l’accident soit mortel.
Après quelques jours d’hospitalisation, la ministre-présidente de la Sarre a repris le travail, frustrée d’avoir manqué la fin des négociations. « C’est comme si un joueur de foot manquait une finale de coupe du monde parce qu’il s’était blessé juste avant. C’est difficile, mais ça vous apprend quelque chose : personne n’est irremplaçable », déclarait-elle, à sa sortie d’hôpital, au quotidien Bild.
Depuis, « AKK » a su se rendre indispensable. Début février, alors que beaucoup la voyaient entrer dans le nouveau gouvernement d’Angela Merkel, elle a préféré rejoindre l’Union chrétienne-démocrate (CDU) comme secrétaire générale. Sur le moment, beaucoup ont été étonnés par ce choix d’une tâche ingrate et moins en vue qu’un maroquin ministériel. Dix mois plus tard, le calcul a été payant : vendredi 7 décembre, « AKK » a succédé à Mme Merkel à la présidence de la CDU.
Des sketchs pendant le carnaval
Agée 56 ans, cette catholique pratiquante, mère de trois enfants, a plus d’humour qu’elle ne le laisse transparaître sur les plateaux télés, où elle a le regard souvent sévère derrière ses épaisses lunettes. Coiffée d’un torchon et affublé d’un balai, elle se met en scène, chaque année, pendant le carnaval, dans des sketchs où elle incarne une femme de ménage au franc-parler et au fort accent sarrois qui sont autant de commentaires, souvent piquants, sur la vie politique. Une chose, en revanche, ne l’a fait pas du tout rire : qu’on la qualifie de « mini-Merkel ». Elle l’a redit, vendredi, à Hambourg : « Je suis telle que je suis. »
Classée à gauche sur le terrain social, partisane du salaire minimum quand son parti y était opposé, favorable à des quotas pour les femmes en politique, idée que Mme Merkel n’a jamais reprise, « AKK » est aussi beaucoup plus conservatrice que la chancelière sur les sujets de société.
Nommée, en 2000, ministre de l’intérieur de la Sarre, elle s’est forgée une réputation de femme à poigne et, si elle a soutenu la politique d’accueil des réfugiés en 2015, au nom des valeurs chrétiennes, cela ne l’a pas empêchée, par la suite, de mener une politique de grande fermeté, faisant de la Sarre l’un des Länder, avec la Bavière, procédant proportionnellement au plus grand nombre d’expulsions d’étrangers en situation irrégulière.