Euro 2018 féminin de handball : avec les Bleues, la parole est (toujours) à la défense
Euro 2018 féminin de handball : avec les Bleues, la parole est (toujours) à la défense
Par Clément Martel (Nantes, envoyé spécial)
L’équipe de France doit affronter les Pays-Bas en demi-finale de l’Euro, vendredi soir à Paris.
Camille Ayglon et Beatrice Edwige font partie des pilliers de la défense bleue. / LOIC VENANCE / AFP
Un mur blanc, hérissé de bleu. Vivant, bruyant et progressant pas à pas, tel un glacier, la défense de l’équipe de France féminine de handball a éteint peu à peu, mercredi soir 12 décembre, l’équipe de Serbie, refroidie par l’ardeur tricolore (38-28). Les Bleues se sont ainsi offert l’accès aux demi-finales de l’Euro 2018. Elles affronteront les Pays-Bas vendredi dans l’enceinte du Palais omnisports de Paris-Bercy (21 heures).
Cette troisième participation d’affilée au dernier carré continental doit beaucoup à l’art de la défense développé par les championnes du monde en titre. « Notre défense, c’est notre marque de fabrique. C’est la meilleure du monde », s’exclame Allison Pineau, l’une des cadres de l’équipe de France. Tant chez les femmes que chez les hommes, cette défense est inscrite dans l’ADN du handball tricolore. Un trait d’union dans les excellents résultats de ce sport.
« Il faut remonter à l’époque de Daniel Constantini [entraîneur des Bleus de 1985 à 2001], qui racontait, avant qu’on soit champions du monde en 1995, que tout succès se construit par des racines défensives, rappelle Philippe Bana, le directeur technique national. Tu ne peux pas gagner un Euro, un Mondial ou des Jeux olympiques si tu n’as pas ce socle défensif, un truc en fond de cale qui maintient le navire à flot. »
L’influence scandinave
« Nous, les Français, on est un peu belliqueux, agressifs, et on est des Latins, remarque Olivier Krumbholz. Donc on a du caractère et on aime bien s’opposer. » Une glaise à partir de laquelle le sélectionneur des Bleues, en poste depuis vingt ans, a sculpté sa défense. « Il ne faut pas raconter de salades, pour maintenir un haut niveau de performance en défense, il faut d’abord des joueuses de talent », complète Eric Baradat, sélectionneur de l’équipe de France féminine juniors.
D’Isabelle Wendling ou Raphaëlle Tervel en 2003 à Camille Ayglon ou Béatrice Edwige aujourd’hui, la France n’en manque pas. Et Olivier Krumbholz l’assume : « Pour constituer mon groupe, je prends des joueuses d’abord fortes défensivement. »
Treize années durant, le Béarnais Baradat a été l’adjoint du Lorrain Krumbholz sur le banc bleu. Deux entraîneurs « souvent catalogués spécialistes de la défense » – une étiquette qu’ils refusent – à l’origine du savoir-faire défensif des Bleues. Le duo « a décodé les rouages de l’horlogerie défensive » des équipes de Suède, de la Norvège et du Danemark – qui raflaient tous les titres au début des années 2000 –, relate Philippe Bana. « A l’époque, les maîtresses du monde dans ce secteur étaient ces espèces de grands murs de glace scandinaves qui nous arrivaient en travers de la figure et qu’on ne comprenait pas. On avait l’impression que c’était juste des grandes alignées comme ça. »
Une fois disséqué ce modèle, les Françaises l’adoptent, en l’adaptant à leurs caractéristiques, notamment physiques. Eric Baradat n’en fait pas de mystère : « La défense 0-6 [les six défenseuses alignées le long de la zone] des Bleues s’est beaucoup inspirée de ce que faisaient les Nordiques. » « Notre philosophie défensive est d’ouvrir des espaces contraignants à l’adversaire puis de les refermer, poursuit l’ancien adjoint d’Olivier Krumbholz. Plutôt que de réagir à l’attaque de l’adversaire, on essaie de prendre l’initiative au niveau défensif, et, tout en protégeant le but, d’attaquer l’attaque. »
« Culture que l’on transmet »
Chaque coup est minutieusement préparé, chaque adversaire décortiqué. « Je suis très exigeant quant à la précision du travail défensif », souligne Olivier Krumbholz. « Je ne sais pas si vous vous imaginez à quel point on travaille en vidéo, en discussion avec les coachs, insiste l’ailière Manon Houette. Heureuse que ça paie. » Avec 118 buts encaissés depuis le début de l’Euro, la défense française est, de loin, la meilleure de la compétition.
Et les Françaises ont fait de cette science de la défense un sacerdoce. Une panoplie que l’on endosse en même temps que le maillot frappé du coq. « Une culture que l’on transmet comme une histoire qu’on raconte aux enfants, à celles qui arrivent derrière », image Philippe Bana.
S’épanouissant dans ces primordiales basses œuvres, des taulières comme Allison Pineau (sacrée meilleure joueuse du monde en 2009) acceptent de laisser d’autres mener l’attaque pour mieux « éteindre l’adversaire ». « Notre défense nous alimente en confiance, sur laquelle on surfe ensuite pour attaquer », résume l’expérimentée Alexandra Lacrabère.
A l’heure d’affronter, vendredi, les Néerlandaises en demi-finales de l’Euro, plus que jamais, la parole est à la défense.
Les demi-finales auront lieu vendredi comme prévu
Alexandre Ferracci, directeur général du comité d’organisation de l’Euro féminin de handball a assuré, mercredi soir, qu’aucun report des demi-finales, prévues vendredi 14 décembre à Paris-Bercy, n’est envisagé pour le moment, malgré le contexte sécuritaire en France et le report d’autres rencontres sportives. « Le déploiement [du dispositif de sécurité] est en cours. Nous avons fait quelques ajustements après les événements [à Strasbourg], mais pas de mesures drastiques », a-t-il expliqué. Vendredi, la demi-finale entre la Russie et la Roumanie aura lieu à 17h30, et celle entre les Pays-Bas et la France à 21 heures. Le match pour la troisième place et la finale sont prévus dimanche.