La ministre du travail, Muriel Pénicaud, quitte l'Elysée, le 10 décembre 2018, après une réunion avec le président de la République, les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique social et environnemental ainsi que les responsables syndicaux. / LAURENCE GEAI POUR " LE MONDE"

La ministre du travail, Muriel Pénicaud, a affirmé dimanche 6 janvier avoir débloqué 32 millions d’euros pour payer les salaires de quelque 58 000 personnes au chômage partiel du fait de la crise des « gilets jaunes » qui « fragilise l’emploi ».

« Au 4 janvier, c’est 58 000 salariés qui sont touchés (…). J’ai débloqué l’argent nécessaire il y a quelques semaines. Aujourd’hui, on en est à 32 millions d’euros gagés », a-t-elle déclaré lors de l’émission « BFM Politique ». « Dans 92 % des cas, ce sont des PME dans le commerce, la construction, l’artisanat, un peu dans l’industrie aussi », a-t-elle précisé. « Ce sont 4 millions d’heures de travail potentiellement perdues », a-t-elle chiffré. « C’est aussi un des effets de la violence. Cela fragilise l’emploi et nos petits commerces, cela m’inquiète beaucoup », a-t-elle ajouté.

Le chômage technique ou partiel, aussi appelé « activité partielle », permet de suspendre ou de réduire temporairement l’activité des salariés tout en leur assurant une rémunération financée par l’Etat ou l’Unedic. A propos de l’impact plus général sur l’économie, elle a estimé, sans citer de chiffres, que « l’effet indirect [était] monstrueux ». « On le voit sur les investissements étrangers, sur la confiance à investir… il y a déjà des effets négatifs », a-t-elle déclaré.

Moins 0,1 point de croissance

Lundi 10 décembre, Bruno Le Maire avait estimé sur RTL que les troubles liés aux manifestations des « gilets jaunes » avaient fait perdre 0,1 point de croissance à la France sur le dernier trimestre de l’année 2018.

Une analyse quantitative à laquelle souscrit également la Banque de France, qui a annoncé, à la suite du ministre des finances, diviser par deux le taux de croissance du PIB français qu’elle prévoit pour le quatrième trimestre, le faisant passer de 0,4 % à 0,2 %. « L’activité des services décélère sous l’effet du mouvement [des « gilets jaunes »]. Les transports, la restauration et la réparation automobile régressent », ainsi que l’hôtellerie, constate notamment la banque centrale française sur la base d’une enquête de conjoncture. Les autres services, et notamment les services aux entreprises, « restent dynamiques ».

Rien à voir avec Mai 68

Cette perte de croissance n’est pour autant pas comparable avec les épisodes de Mai 68 ou de novembre-décembre 1995. Durant ces deux mouvements sociaux, l’économie française avait été confrontée à des « blocages de production », quand, actuellement, les blocages concernent davantage la distribution, soulignait Denis Ferrand, directeur général de l’institut privé Rexecode, interrogé par Le Monde au début du mois de décembre.

Ce dernier rappelle en effet qu’en 1968 la croissance s’était effondrée de 5,3 % au deuxième trimestre, pour rebondir violemment de 8 % au troisième. En 1995, c’est entre 0,2 et 0,3 point de PIB qui s’était évaporé en fin d’année. Pour Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Ostrum Asset Management, la configuration actuelle ressemble plus aux événements de 2010, avec les mobilisations contre la réforme des retraites durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy.