L’ancien président François Hollande en mai 2017. / POOL / REUTERS

Garder la main sur ce qu’on dit de son bilan et exprimer ses inquiétudes politiques. François Hollande a, une nouvelle fois, fait entendre sa petite musique, mercredi 6 février, lors d’une conférence à l’Institut de sciences politiques de Paris. Devant un amphithéâtre plein à craquer, l’ancien président de la République a livré sa vision de l’actualité de la social-démocratie en Europe. Et profité pour donner son avis. Sur la situation sociale dominée par le mouvement des « gilets jaunes » et sur l’état de la gauche à quelques mois des élections européennes.

L’ancien chef de l’Etat est inquiet devant la montée des populismes dans les différents pays de l’Union européenne. Il ne s’en cache pas et veut tenter de peser sur le discours de la gauche. « La fleur est-elle fanée ? » l’a lancé le représentant de l’association étudiante invitante. Non mais elle est à la peine a répondu M. Hollande. Après avoir rappelé « qu’élection après élection, pays après pays », tous les modèles de la social-démocratie étaient en crise, il a remarqué que, partout, le socle électoral de cette gauche de gouvernement s’était rétréci. Il veut toutefois croire qu’il reste une « place » pour ce courant politique.

« Socialisme de la personne »

En grande forme, François Hollande a vite enchaîné avec la situation de la gauche française. Face à un duel de plus en plus insistant entre un vaste centre et l’extrême droite, la gauche doit retrouver un projet de gouvernement à travers ce qu’il a appelé « un socialisme de la personne », capable de proposer des réponses « socialement ajustées » au plus près des aspirations des électeurs. Une manière de se placer en conseiller en chef pour les prochaines batailles. Il en a profité pour défendre son bilan notamment la taxe à 75 % sur les hauts revenus – « j’ai l’impression que cela revient dans l’actualité », s’est-il amusé – le prélèvement à la source « réussi » ou la redistribution territoriale « nécessaire ».

Interrogé sur la crise des « gilets jaunes », M. Hollande n’a pu s’empêcher de lancer quelques piques à son successeur : « Il faut savoir prendre du recul à un moment, trouver un interlocuteur et il n’y en a pas de meilleur que les syndicats », a-t-il souligné. Un peu plus tard, évoquant le Brexit, il remarque : « C’est une drôle d’idée de faire des référendums car à un moment cela peut avoir des conséquences fâcheuse. » « Je le dis en passant », a-t-il souri. Une manière de critiquer la gestion trop solitaire et jupitérienne d’Emmanuel Macron qui a ravi la salle.

Ton professoral

Mais l’ancien numéro un du PS a réservé ses principaux « conseils » à son parti. En réponse à l’inventaire sévère de son quinquennat dressé par Olivier Faure, patron des socialistes, il a observé qu’il ne fallait jamais « s’autoflageller » en politique. « La gauche est là pour que la colère puisse trouver sa traduction, pour qu’on puisse penser qu’un progrès est possible. Moi, je préfère avoir une vision qui fait 28 % que celle qui fait 6 % », a-il encore taclé, faisant référence au score de Benoit Hamon en mai 2017, comme à celui annoncé pour une liste socialiste aux européennes. Et d’ajouter sur un ton professoral que si la gauche veut espérer un retour, « en être digne », il faut qu’elle « s’organise » et assume son « identité ».

François Hollande ne s’est pas privé de faire la leçon à son successeur en expliquant qu’il fallait rassembler « autour de la force principale (le PS) et être clair sur les intentions, les projets et les propositions ». Très critique à l’égard des tentatives d’Olivier Faure de faire liste commune avec Place publique de Raphaël Glucksmann, il a conclu : « Un rassemblement, ce n’est pas une incantation, ce n’est pas une prière. »

Les accents étaient autant ceux d’un ancien chef de camp socialiste que d’un candidat putatif. Mais il s’est bien gardé d’y faire allusion, esquivant toutes les questions des étudiants le titillant sur la question, préférant parler de « ses rencontres » lors des séances de dédicace de son livre, Les leçons du pouvoir : « Ils me parlent de ce qu’on a fait pour eux. » « François veut poser des jalons crédibles pour la gauche, pour 2022. Pas forcément pour lui », jurait une proche à la fin de la conférence. L’impression au bout de deux heures de débat est tout autre.