Grégory Villemin avait été retrouvé mort dans la Vologne, une rivière des Vosges, le 16 octobre 1984. / EMMANUEL FOUDROT / REUTERS

C’est l’une des pierres angulaires de l’affaire Grégory. La Cour de cassation dira, mardi 19 février, quel sort elle réserve à la garde à vue de Murielle Bolle en 1984 – que le Conseil constitutionnel a récemment frappée d’inconstitutionnalité.

Placée en garde à vue quelques jours après la mort de Grégory Villemin – retrouvé mort dans une rivière des Vosges le 16 octobre 1984 – Murielle Bolle, alors âgée de 15 ans, avait accusé son beau-frère Bernard Laroche d’avoir kidnappé le petit garçon de 4 ans en sa présence. L’adolescente avait ensuite répété ses propos devant le juge d’instruction, avant de se rétracter en dénonçant la pression des gendarmes. C’est cette volte-face qui est encore aujourd’hui au cœur de l’enquête.

Désireuse de gommer définitivement ses déclarations d’adolescente du dossier, Murielle Bolle, qui clame son innocence ainsi que celle de Bernard Laroche, avait obtenu en novembre une grande victoire devant le Conseil constitutionnel.

Les « sages » lui avaient donné raison en estimant que ses droits fondamentaux de mineure n’avaient pas été respectés en 1984 ; la loi d’alors ne prévoyant pas de garanties telles que la notification du droit de se taire ou la présence d’un avocat en garde à vue. Il appartient désormais à la Cour de cassation de tirer les conséquences de cette déclaration d’inconstitutionnalité sur le plan judiciaire.

Vers l’annulation des procès-verbaux

Si les hauts magistrats suivent le Conseil constitutionnel, ce qui paraît probable, les procès-verbaux de cette garde à vue de 1984 devraient être annulés. Dans cette hypothèse, la Cour de cassation devrait renvoyer le dossier devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel pour qu’elle réexamine la requête en annulation de la garde à vue et de tout élément du dossier s’appuyant sur les déclarations de l’adolescente.

Sur le plan juridique, l’avocat de Murielle Bolle, Emmanuel Piwnica, demande à la Cour d’annuler partiellement un arrêt de la cour d’appel de Dijon du 16 mai 2018, en ce qu’il refusait d’annuler les procès-verbaux de cette garde à vue. Lors de l’audience, le 22 janvier, l’avocat général s’était également prononcé pour une telle annulation.

De son côté, l’avocate des parents de Grégory Villemin avait demandé le rejet des recours de Murielle Bolle. « Les Villemin n’ont rien contre Murielle Bolle. Tout ce qu’ils veulent, c’est la vérité », avait plaidé Me Claire Waquet.

L’annulation de la garde à vue de 1984 affaiblirait encore l’une des plus célèbres enquêtes criminelles françaises, déjà minée par d’innombrables errements, sans toutefois y mettre un terme.

De possibles nouvelles mises en examen

L’affaire, encore non élucidée, a connu un rebondissement spectaculaire en juin 2017 avec les mises en examen de Mme Bolle et du couple Jacob, grand-oncle et grand-tante de Grégory, pour le rapt mortel de l’enfant – poursuites annulées depuis pour des questions de procédure. L’accusation privilégie désormais la thèse d’un « acte collectif » avec Bernard Laroche. Ce dernier a été abattu par Jean-Marie Villemin, le père de Grégory, en 1985.

Les propos de Murielle Bolle en 1984, qui ne lui avaient pas valu de poursuites à l’époque, apparaissent toutefois sans incidence sur sa mise en examen en 2017. Celle-ci résultait, selon la cour d’appel, d’« éléments nouveaux ». Cette mise en examen et celle des Jacob, annulées en mai 2018, pourraient donc être de nouveau ordonnées une fois tous les recours purgés.

Par ailleurs, Murielle Bolle demande à la Cour de cassation de reconnaître « la partialité avérée » du juge Simon, qui a enquêté entre 1987 et 1990. Une « partialité » contre les Bolle qui « suinte », selon son avocat, des « carnets » intimes du juge versés au dossier après sa mort. Les Bolle y étaient qualifiés de « voyous ».

Murielle Bolle cherche en conséquence à faire annuler tous les actes d’enquête du juge Simon, mais aussi un arrêt de non-lieu qui, en 1993, avait notamment innocenté la mère de Grégory Villemin. De quoi faire bondir l’avocate des parents Villemin : Murielle Bolle « voudrait qu’on refasse complètement l’histoire parce que l’histoire lui pèse », avait affirmé Claire Waquet.

Comprendre l'affaire Grégory en 4 minutes
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