Pourquoi un report du Brexit est de plus en plus probable
Pourquoi un report du Brexit est de plus en plus probable
Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)
Alors que Theresa May a encore réaffirmé, lundi, que le départ du Royaume-Uni de l’UE aurait bien lieu le 29 mars, la perspective d’un « no deal » pourrait contraindre la première ministre britannique à se résigner à un report.
Theresa May lors du sommet UE-Ligue arabe, à Charm El-Cheik, le 25 février. / Francisco Seco / AP
Après le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, la semaine dernière, Donald Tusk, à la tête du Conseil européen, a lui aussi ouvertement évoqué la possibilité d’un report du Brexit, lundi 25 février. Depuis Charm El-Cheikh, en Egypte, où il participait à un sommet entre l’Union européenne (UE) et la Ligue arabe, l’ex-premier ministre polonais, connu pour ses prises de position en défaveur du Brexit, a estimé que « dans la situation dans laquelle nous nous trouvons, une extension [de l’article 50, la procédure régissant la négociation du divorce] serait logique ».
A un mois du Brexit théorique, le 29 mars, les élus de la Chambre des communes n’ont toujours pas réussi à s’entendre pour ratifier l’accord de retrait signé par la première ministre britannique, Theresa May, et les vingt-sept autres dirigeants de l’UE fin novembre. Mi-février, dans une interview au Stuttgarter Zeitung, M. Juncker avait de son côté insisté sur le fait que « toute demande de report doit venir du Royaume-Uni. Mais si une telle demande était formulée, personne dans l’UE ne s’y opposerait ».
La première ministre a de manière répétée – et encore lundi – affirmé qu’il n’était pas question que le Brexit n’ait pas lieu le 29 mars. « Une extension de l’article 50 ne donne pas une décision au Parlement, ça ne donne pas un accord. (…) Cela ne fait que retarder le moment où vous prenez la décision », a déclaré Mme May depuis Sharm El-Sheikh. Pour autant, la peur et le rejet d’un « no deal » à la Chambre des communes pourraient contraindre Mme May à s’y résoudre.
Un report de quelques semaines ? Nécessaire, même en cas d’accord rapide
Mme May a confirmé, lundi, qu’elle ne resoumettrait au vote de ses députés l’accord signé avec les Européens que le 12 mars. A Bruxelles, tout le monde est désormais convaincu qu’elle « joue la montre » dans l’espoir que la peur du Brexit convaincra les élus britanniques, spécialement les « brexiters », de valider son plan. Pour les aider, elle espère aussi un geste – probablement plus symbolique que substantiel – des Européens concernant le très controversé « backstop », l’assurance contre le retour d’une frontière physique en Irlande, contenue dans le traité du divorce.
Mais même si cette tactique fonctionnait, il serait trop tard, à la fois pour les Européens et les Britanniques, pour valider définitivement le traité du Brexit dans les temps. Mm May n’avait-elle pas poussé l’équipe de Michel Barnier, le négociateur en chef des Vingt-Sept, à conclure un accord à l’automne dernier, au motif qu’il lui faudrait plusieurs mois pour le faire valider au Royaume-Uni ?
Les Européens sont dans ce cas de figure, tout prêt à concéder une « extension technique » de l’article 50 aux Britanniques. De six à huit semaines, selon les sources, le temps qu’à Londres toutes les lois nationales nécessaires à la mise en œuvre du divorce soient adoptées. Le temps aussi qu’à Strasbourg, le Parlement européen puisse lui aussi ratifier le traité.
Un report au-delà de l’été 2019 ? Une décision très difficile pour les 27
Et si, d’ici au Conseil européen des 21 et 22 mars, considéré à Bruxelles comme la date butoir pour solliciter un report du Brexit, les Britanniques réclamaient un sursis de plusieurs mois, au-delà de l’été 2019 ? Le quotidien britannique The Guardian, dimanche 24 février, citant des « sources européennes », assurait que le scénario d’une extension jusqu’à fin 2021 faisait partie des hypothèses envisagées.
Valider un aussi long report du divorce n’est pas du tout dans l’air du temps à Bruxelles et dans les capitales européennes, où, pour reprendre l’expression utilisée par M. Juncker en milieu de semaine dernière, la « fatigue » du Brexit se fait désormais sérieusement sentir. Le sentiment que le divorce avec le Royaume-Uni « pollue » les discussions communes depuis maintenant deux ans s’est largement répandu.
Accepter un report d’ici à fin 2019, voire davantage ? Pourquoi pas, si les Britanniques décident l’organisation d’un nouveau référendum ou convoquent des élections générales. Jeremy Corbyn, le leader du Parti travailliste, a fait savoir lundi soir que son parti était prêt à soutenir un amendement réclamant un deuxième référendum, pour faire barrage au « deal » de Mme May. Mais si c’est juste pour prolonger les atermoiements à la Chambre des communes ? « Est-ce qu’un peu plus de temps les aidera à se décider ? On en doute », souligne ainsi un diplomate d’un pays du Nord de l’UE.
Surtout, les Européens voudraient éviter que les Britanniques soient encore membres de l’Union au moment des élections européennes, fin mai, ou, à tout le moins, quand le nouveau Parlement issu de ce scrutin déterminant siégera pour la première fois, le 2 juillet. Si le Royaume-Uni devait rester membre de l’UE au-delà de ces échéances, nombre de diplomates sont formels : il faudrait qu’ils participent aux élections européennes…
Pire, peut-être : toujours à la table des discussions au Conseil européen, pour un temps indéterminé, ils pourraient continuer à être associés à la discussion cruciale du prochain budget communautaire pluriannuel (2021-2027). Ils auraient encore le moyen d’influer sur un des instruments fondamentaux de la politique commune à vingt-sept. Une ligne rouge pour certains Européens.
C’est la raison pour laquelle un « no deal » reste une hypothèse très sérieuse à Bruxelles. Pas sûr, si Londres n’a toujours pas validé le traité du divorce à l’issue d’une « extension » technique à l’été prochain, que les Britanniques réclament une nouvelle prolongation du Brexit, ou que les Vingt-Sept la valident…
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