Le grand rabbin d’Argentine grièvement blessé lors d’un cambriolage à son domicile
Le grand rabbin d’Argentine grièvement blessé lors d’un cambriolage à son domicile
Par Christine Legrand (Buenos Aires, correspondante)
L’agression a été dénoncée comme un acte antisémite par les associations juives locales.
Le grand rabbin Gabriel Davidovich, au siège de l’AMIA (l’association mutuelle israélite argentine) à Buenos Aires, le 28 avril 2018. / HO / AFP
La communauté juive argentine, la plus importante d’Amérique latine, était sous le choc après l’agression dont a été victime, lundi 25 février à Buenos Aires, le grand rabbin Gabriel Davidovich. Agé de 56 ans, il a été hospitalisé dans un état grave, avec neuf côtes brisées et un poumon atteint.
Le grand rabbin se trouvait, avec son épouse, à son domicile dans le quartier de Once, quand plusieurs hommes ont fait irruption et l’ont violemment battu. « Nous savons que vous êtes le rabbin de l’AMIA » – l’association mutuelle israélite argentine, cible d’un attentat en 1994 –, ont lancé les assaillants, avant de dérober de l’argent et des effets personnels, puis de prendre la fuite, selon un communiqué de l’AMIA.
Départs du pays
Les associations juives locales ont dénoncé un acte antisémite, même si le rabbin lui-même a dit ignorer les véritables motivations des attaquants. « Ça peut être un vol ou une question politique… Je ne sais pas si c’était une attaque antisémite », a-t-il affirmé au journal Clarin depuis son lit d’hôpital.
L’agression a été condamnée par Israël alors que d’autres actes antisémites ont eu lieu dernièrement dans d’autres pays, notamment en Europe.
La communauté juive argentine compte actuellement 190 000 membres, contre 300 000 il y a vingt ans, la grave crise économique de 2001 ayant conduit de nombreux juifs argentins à quitter le pays.
Le président de la Délégation des associations israélites argentines (DAIA), qui rassemble les institutions juives d’Argentine, Jorge Knoblovits, a dénoncé « un acte antisémite » ajoutant qu’il y avait « dans le monde beaucoup de place pour l’ignorance et, là où il y a de l’ignorance, il y a un espace pour les antisémites ».
Profanation de tombes
L’agression contre le grand rabbin d’Argentine s’est produite au lendemain de la profanation de neuf tombes dans un cimetière juif de la province de San Luis (Centre-Ouest du pays) où des pierres tombales ont été détruites.
« La communauté est en état de choc, très préoccupée [par l’attaque du grand rabbin]. Il faut que les autorités fassent en sorte que cela ne se reproduise pas », a déclaré Tomy Saieg, un ancien président de l’AMIA. Il s’est montré étonné de cette agression, estimant que les juifs d’Argentine vivent habituellement à l’abri de l’antisémitisme existant dans d’autres pays.
« Il ne faut pas oublier, a-t-il toutefois ajouté, que l’Argentine a reçu des nazis en fuite et que deux attentats antisémites ont été commis sur son sol. »
En 1992, 29 personnes sont mortes quand l’ambassade d’Israël a été soufflée par l’explosion d’une voiture piégée. Le 18 juillet 1994, le bâtiment abritant des institutions juives, dont l’AMIA, a été pulvérisé par une bombe, faisant 85 morts et 300 blessés, l’attentat le plus meurtrier de l’histoire du pays. Il n’a jamais été revendiqué, encore moins élucidé. Une enquête est toujours en cours.
Quand un procureur pointait le rôle de Téhéran
Chargé du dossier en 2005, le procureur Alberto Nisman a été retrouvé mort en janvier 2015, à son domicile, dans des conditions mystérieuses. Il accusait formellement le gouvernement iranien d’être le commanditaire de l’attentat et le mouvement chiite libanais Hezbollah d’en être l’auteur. Trois jours avant sa mort, le magistrat avait accusé l’ancienne présidente péroniste Cristina Fernandez de Kirchner (2007-2015) et d’autres membres de l’exécutif de « trahison à la patrie », les soupçonnant d’avoir cherché à faire innocenter les prévenus iraniens en échange de contrats avec Téhéran par le truchement d’un mémorandum d’accord avec l’Iran signé en 2013.
Auparavant, Alberto Nisman avait également accusé l’ancien président péroniste Carlos Menem (1989-1999) et ses collaborateurs de l’époque d’avoir substitué des preuves de l’attentat dans le but d’incriminer un délinquant local et de faire dévier l’enquête d’une piste syrienne.
Un procès pour entrave à la justice commencé il y a quatre ans devrait prendre fin ce jeudi 28 février avec un verdict contre M. Menem et douze autres prévenus.