Le succès des ventes aux enchères en ligne
Le succès des ventes aux enchères en ligne
Par Roxana Azimi
Les maisons de ventes se sont lancées dans les ventes entièrement dématérialisées. Pour le moment, les objets dispersés sont souvent de prix modeste.
« L’Inconscience professionnelle » (1996), du peintre congolais Chéri Samba. Acrylique sur toile. Estimation : 7 000 ‒ 10 000 euros. Vente en ligne du 15 au 25 mars par Sotheby’s. / SOTHEBY'S
Voilà une dizaine d’années, les maisons de ventes ont permis à leurs clients d’enchérir en direct par le biais d’Internet. Mais depuis peu, elles se sont engouffrées dans la brèche des ventes entièrement dématérialisées. Christie’s a donné le tempo en 2011 en dispersant en ligne les effets les moins spectaculaires de l’actrice Elizabeth Taylor (1932-2011). Depuis ses rivales comme les maisons plus modestes, mais dynamiques, à l’instar de Le Brech & Associés, se sont engouffrées dans la brèche.
Le succès est tel que Sotheby’s, qui a débuté avec dix-sept vacations online only en 2016, en a organisé pas moins de quatre-vingt-dix-huit en 2018. Artcurial vient de rejoindre la ronde avec six ventes programmées au premier semestre, dont une consacrée au couturier Martin Margiela jusqu’au 11 mars.
Certaines ventes numérisées se tiennent en complément de vacations bien réelles. Christie’s disperse ainsi du 8 au 15 mars la collection d’art contemporain très « british » de la pop star George Michael, décédé en 2016, en sus d’une vente organisée à Londres le 14 mars. Si les pièces les plus importantes de la collection des marchands d’art Marianne et Pierre Nahon sont dispersées à Paris les 19 et 20 mars chez Sotheby’s, cinquante-huit lots ont été aiguillés sur une plate-forme en ligne du 15 au 25 mars.
Ces opérations entièrement dématérialisées ont d’abord charrié des questions : comment s’assurer de la qualité et de l’authenticité d’une œuvre sans l’acheter ? Mais les rapports d’état, directement attachés au descriptif des lots, tout comme les détails photographiques et autres effets de zoom ont vaincu les dernières réserves.
Ces vacations dématérialisées touchent désormais un public plus large, plus international, plus jeune et moins familier des arcanes du marché. « Les ventes uniquement en ligne ne sont pas un canal essentiel en termes de chiffre d’affaires, mais indispensables pour toucher de nouveaux clients », indique Guillaume Cerutti, directeur général de Christie’s : 41 % des nouveaux acheteurs de la maison ont été recrutés par ce biais. Chez Sotheby’s, un Canadien de 17 ans, inconnu au bataillon, a acheté en janvier pour 800 000 dollars (705 750 euros) des skateboards estampillés « Supreme » dans une vente online only.
Les multiples privilégiés
Les objets dispersés uniquement en ligne sont souvent de prix modeste. « Certains objets en dessous de 1 000 euros n’ont pas vocation à être vendus à l’hôtel Dassault, estime François Tajan, président délégué d’Artcurial. En plus notre clientèle est mondiale. Un acheteur qui habite à Stockholm ne va pas prendre l’avion pour voir un objet à 500 euros. »
Arman, sans titre. Empreinte de statuette (1963), peinture sur papier au format 21 x 32,5 cm. Estimation : 5 000 ‒ 8 000 euros. Proposée en ligne du 15 au 25 mars par Sotheby’s. / SOTHEBY'S
Le périmètre reste pour l’heure limité autour du multiple : horlogerie, mode, estampes. Avec succès. Christie’s a même cessé depuis 2016 ses ventes physiques de céramiques de Picasso pour en orchestrer quatre annuelles en ligne. En cinq ans, les objets proposés sont aussi montés en gamme, avec une valeur moyenne de 8 300 dollars (7 320 euros) chez Christie’s. Avec quelques pointes spectaculaires : Sotheby’s a vendu en ligne en décembre 2018 un livre de poèmes de John Donne (1572-1631) datant de 1630 pour la bagatelle de 475 000 livres sterling (552 425 euros).
Chaque société a son modus operandi. Tajan a mis en place deux dispositifs, l’un du type eBay où les lots sont en ligne pendant dix jours avec possibilité d’enchérir chaque jour, et celle online only live qui se tient à heure précise. La plupart des opérateurs permettent aux acheteurs d’enchérir sur Internet sur une durée de cinq à dix jours. Dès que leur dernière enchère est dépassée, ces derniers sont prévenus par courriel et peuvent décider de renchérir, ce jusqu’à ce que sonne la fin des adjudications.
« Ce dispositif permet aux gens de tous les continents de participer, indique Noah Wunsch, directeur mondial e-commerce de Sotheby’s. Quand une vente se tient à une heure précise à Paris ou à New York, vous devez tenir compte du décalage horaire, et ce n’est pas confortable pour les clients qui se trouvent ailleurs. Avec ce dispositif, ils savent qu’ils ont plusieurs jours pour intervenir. » Alors que numérique rime bien souvent avec accélération, les ventes online only offrent un privilège rare, celui de prendre son temps.