Crash en Ethiopie : « L’avenir du 737 MAX n’est pas remis en cause »
Crash en Ethiopie : « L’avenir du 737 MAX n’est pas remis en cause »
Guy Dutheil, journaliste spécialiste des transports au « Monde », a répondu à vos questions après que plusieurs pays ont interdit les appareils dans leur espace aérien.
Un Boeing 737 Max cloué au sol sur l’aéroport de Jakarta, le 13 mars 2019. / WILLY KURNIAWAN / REUTERS
Deux jours après le crash de l’avion d’Ethiopian Airlines qui a fait 157 morts dimanche 10 mars, plusieurs pays ont interdit le Boeing 737 MAX de leur espace aérien. Guy Dutheil, journaliste spécialiste des transports au « Monde », a répondu à vos questions.
DragonCoyote : Comment se fait-il que le Boeing 737 MAX continuait à circuler même après le crash de la compagnie indonésienne Lion Air, qui a eu lieu fin octobre 2018, tuant 189 personnes ?
Guy Dutheil : Parce que les autorités internationales de l’aviation n’avaient pas encore décidé d’interdictions de survols de territoires ou d’immobilisation de l’appareil.
May : Avez-vous plus d’informations sur le présumé bug informatique qui serait, a priori, à l’origine de l’accident ?
Dans l’attente des conclusions des enquêtes sur les deux accidents, les suspicions se portent sur le « MCAS », un système informatique de stabilisation de l’avion. D’ailleurs, la FAA, l’Agence fédérale de l’aviation civile américaine, a demandé à Boeing d’apporter des modifications à ce système au plus tard en avril.
Nghiep : Les pilotes peuvent-ils désactiver le dispositif anti-décrochage automatique mis en cause ?
Le dispositif prend les commandes tant que le pilote ne le désactive pas. Mais d’après nos informations, les pilotes des Boeing 737 MAX n’ont pas été formés pour utiliser les nouveaux systèmes de l’avion, ils ont seulement été informés des nouveautés qui équipaient ce nouvel appareil par rapport au 737 de première génération.
Sleipnir64 : S’il s’avère que l’avion est défectueux, est-ce que le 737-MAX est définitivement décrédibilisé ? Boeing pourra-t-il sortir par le haut de cette crise ?
Les causes des deux crashes ne sont pas pour l’heure déterminées, cependant, des spécialistes estiment qu’il faudra plusieurs semaines voire plusieurs mois pour trouver une solution aux problèmes de l’avion. Mais l’avenir du 737 MAX n’est pas remis en cause, loin de là. Et 5 000 sont déjà commandés par les compagnies du monde entier.
Charles Gourmelon : Est-ce que le constructeur enregistre déjà des annulations de commandes ?
Non, pas pour l’instant, en revanche des compagnies clientes du 737 MAX, comme Norwegian, ont demandé à Boeing des indemnités pour l’immobilisation de leurs appareils déjà livrés.
Robin : Boeing a-t-il arrêté ses livraisons du modèle B737 MAX depuis cet accident ?
Sans les arrêter, Boeing a dû limiter ses livraisons du fait des interdictions de survols de territoires prononcées par de nombreux pays et des autorités de l’aviation.
Nghiep : Y-a-t-il des passagers aux Etats-Unis qui ont refusé de monter dans les 737 Max ?
Oui, des passagers ont refusé de monter à bord, d’autres essaient de trouver des vols effectués par d’autres appareils. Le Wall Street Journal indique même à ses lecteurs le moyen de savoir sur quel type d’appareil le vol qu’ils ont réservé sera effectué.
EveJ : Quelles sont les réactions des syndicats de pilotes, notamment aux Etats-Unis ?
Pour l’instant, un seul syndicat de pilotes aux Etats-Unis a indiqué à ses adhérents qu’ils pouvaient refuser de prendre les commandes du 737 MAX.
Kris : Y a-t-il déjà eu par le passé des interdictions de survol de territoires à un modèle d’avion ?
En 2013, les autorités de l’aviation civile, notamment américaines, avaient interdit de vol, pendant trois mois, le 787 Dreamliner après des incidents avec les batteries électriques de l’avion.
Laurent : Est-il normal que la FAA n’ait pas pris de mesures coercitives à l’égard du 737 MAX alors que beaucoup de pays le font ? Y a-t’il une pression de Boeing pour que ses avions continuent de voler aux Etats-Unis ?
Le refus de la FAA d’immobiliser l’avion aux Etats-Unis interroge la communauté des pilotes et de nombreuses autorités de l’aviation civile dans le monde. Alors que les crashes des deux 737 MAX ont causé la mort de près de 350 personnes, ils sont toujours autorisés à voler aux Etats-Unis. En 2013, la FAA avait interdit de vol pendant trois mois le 787 de Boeing pour des problèmes de batteries électriques, qui n’avaient pourtant fait aucune victime.
Lecteur de Lyon : Les problèmes constatés sont-ils liés aux moteurs de l’avion ?
Ce ne sont pas les moteurs qui sont en cause selon de nombreux spécialistes, en revanche, comme ils sont plus volumineux et lourds, ils sont placés plus en avant sur les 737 MAX qu’ils ne l’étaient sur la précédente génération de l’avion. Ce qui modifie le profil aérodynamique de l’appareil. C’est l’une des raisons qui a obligé à développer le système MCAS censé corriger la stabilité de l’avion.
Lecteur de Lyon : Concernant le pilotage automatique, est-ce que Boeing a tenté de copier Airbus pour faire un boeing 737 Max beaucoup plus assisté ?
Le 737 MAX vient rompre avec la philosophie traditionnelle de Boeing qui donnait la prééminence au pilote sur la technologie, à l’inverse d’Airbus qui privilégiait la technologie par rapport au pilote. C’est le cas avec le système MCAS qui prend le pas sur l’action du commandant le bord tant que celui-ci ne le désactive pas.
Winbread : Pourquoi Boeing a pris le risque de modifier son système alors que celui de la génération précédente donnait a priori satisfaction ?
Parce que le design de l’avion a dû être adapté à des moteurs plus puissants, plus lourds et plus volumineux qui ont été placés plus en avant et ont modifié le profil aérodynamique de l’avion. C’est notamment pourquoi Boeing a développé son système MCAS.
Mirage : Savez-vous si Boeing avait envisagé une mise à jour du logiciel après le crash du 737 MAX de Lion Air ?
Non l’avionneur attend les conclusions de l’enquête sur cet accident.
Bubu : Qu’en pensent les gens d’Airbus, grand rival de Boeing ?
L’avionneur européen ne se réjouit pas des malheurs de son rival américain, notamment lorsque la sécurité des passagers est en jeu. De plus, Airbus sait qu’à court terme il n’aurait pas la capacité de « chiper » des clients à Boeing. En effet, comme son rival américain, il a déjà bien du mal à augmenter ses cadences de production pour satisfaire ses clients.
Luc : Depuis le crash, quelle a été l’évolution du cours de Bourse de Boeing ?
Lundi et mardi, l’action de l’avionneur américain a plongé ce qui a affecté grandement sa capitalisation boursière.