L’Italie, premier pays du G7 à emprunter les « nouvelles routes de la soie » chinoises
L’Italie, premier pays du G7 à emprunter les « nouvelles routes de la soie » chinoises
Par Jérôme Gautheret (Rome, correspondant)
Plusieurs contrats ont été signés lors de la visite du président chinois, Xi Jinping, notamment dans le secteur des télécommunications.
Le président chinois Xi Jinping, le 23 mars à Rome. / Giuseppe Lami / AP
Les oranges sanguines de Sicile pourront désormais prendre l’avion pour la Chine. Vendredi 22 mars, en marge de la visite en Italie du président chinois, Xi Jinping, le vice-premier ministre, Luigi Di Maio (Mouvement 5 étoiles, M5S), a annoncé triomphalement cette nouveauté, rendue possible par un accord avec le géant du commerce Alibaba.
L’annonce pourrait sembler anecdotique, alors qu’au même moment étaient conclus 29 contrats dans tous les domaines, pour un montant qui pourrait atteindre 20 milliards d’euros, mais il n’en est rien. En mettant l’accent sur celle-ci, le ministre italien du développement économique entend souligner trois choses. D’abord que le rapprochement italo-chinois ne concerne pas uniquement les ports et les routes maritimes, ensuite qu’il ne s’agira pas seulement d’exporter des produits de luxe et de l’industrie mais aussi de l’agroalimentaire. Enfin – et surtout –, il s’agit de lever une inquiétude : les « nouvelles routes de la soie », qui font rêver l’Italie, ne seront pas à sens unique.
La visite de trois jours du président chinois, du 21 au 24 mars – qui est suivie d’un séjour en France jusqu’au 26 –, était préparée au millimètre. Une tribune de Xi Jinping au Corriere della Sera à la veille de son arrivée en Italie, des pages de publicité dans la presse économique pour vanter les potentialités infinies de la Chine… Jeudi et vendredi, les rues chaotiques du centre-ville de Rome avaient été bouclées, et même nettoyées avec un zèle inhabituel.
Les alliés de l’Italie troublés
L’ensemble de cette chorégraphie était tendu vers un moment capital : la signature du mémorandum marquant l’adhésion de l’Italie au projet des « nouvelles routes de la soie ». En présence de Xi Jinping et du président du conseil italien, Giuseppe Conte, Luigi Di Maio et le président de la commission nationale de développement et de réformes chinois, He Lifeng, ont apporté, samedi, leur signature à cette déclaration d’intention. Certes, il ne s’agit là que d’un texte aux termes vagues et peu contraignants, mais pour la diplomatie chinoise, cette signature est une avancée considérable : pour la première fois, un pays membre du G7 adhère au grand projet économique et géopolitique de Xi Jinping.
Puis le président chinois a remercié ses hôtes et s’est envolé vers la Sicile avec son épouse, pour une escapade privée de quelques heures dont l’écho est censé provoquer dans les mois prochains une explosion du tourisme chinois sur l’île.
Cette signature n’est pas du goût des alliés traditionnels de l’Italie, Europe et Etats-Unis en tête. Le président Sergio Mattarella s’est employé à les rassurer, affirmant que « l’Italie ne rompra pas ses alliances ». Mais le simple fait que le chef de l’Etat lui-même doive le rappeler montre bien l’ampleur du trouble.
Le président chinois Xi Jinping et son homologue italien Sergio Mattarella, le 23 mars à Rome. / HANDOUT / AFP
L’ouverture des ports de Gênes et de Trieste à des concessionnaires chinois a pu susciter ces derniers jours de nombreuses inquiétudes, mais ce sont surtout des accords portant sur les télécommunications, et la mise en place prochaine des réseaux 5G, qui inquiètent. Jusqu’au dernier moment, les alliés traditionnels de l’Italie ont espéré que les télécommunications ne figureraient pas dans l’accord, et la Maison Blanche elle-même a fait pression en ce sens. En vain.
Si le chef du gouvernement, Giuseppe Conte, et le M5S ont salué ces accords, il n’en est pas allé de même de leur partenaire Matteo Salvini, qui, durant toute la visite, a multiplié les manifestations de mauvaise humeur. Boudant ostensiblement les cérémonies et le dîner officiel de vendredi soir, le chef de la Ligue (extrême droite) était samedi à Cernobbio, en Lombardie, pour un rassemblement de chefs d’entreprise. « Qu’on ne vienne pas me dire que la Chine est un pays de marché libre », a-t-il attaqué, avant d’affirmer sa volonté d’avoir des assurances « dès qu’il s’agit de sécurité nationale ». Pourtant, il y a quelques semaines encore, la Ligue semblait la plus désireuse de parvenir à un accord… Le retournement, en quelques jours, est spectaculaire. Comme si la perspective d’une rupture avec le M5S et d’une arrivée prochaine à la tête du gouvernement rendait soudain Matteo Salvini attentif à ne froisser personne.