Sélection albums : Richard Strauss, Bobby Sparks II, Richard Forster…
Sélection albums : Richard Strauss, Bobby Sparks II, Richard Forster...
A écouter cette semaine : la pharaonique « Edition Staatskapelle Dresden » par Christian Thielemann, une double ration de fusion jazz-rock, le retour d’un esthète pop australien...
- Richard Strauss
Concerto pour cor et orchestre n° 1 op. 11. Sérénade pour treize instruments à vent op. 7. Sonatine n° 1 op. 135 « De l’atelier d’un invalide ». Métamorphoses pour cordes op. 142
Robert Langbein (cor), Staatskapelle de Dresde, Christian Thielemann (direction)
Pochette de l’album « Concerto pour cor et orchestre n° 1 op. 11. Sérénade pour treize instruments à vent op. 7. Sonatine n° 1 op. 135 « De l’atelier d’un invalide ». Métamorphoses pour cordes op. 142 ». / Profil/Hänssler
Il y a entre Dresde et Richard Strauss un lien indéfectible et l’héritage du compositeur allemand résonne encore dans la capitale de la Saxe qui verra la création de huit de ses opéras. C’est cependant avec de rares œuvres pour instruments à vent, fors les Métamorphoses pour 23 cordes, que Christian Thielemann offre à la pharaonique « Edition Staatskapelle Dresden » un 44e volet discographique remarquable. Œuvre de jeunesse, le Concerto pour cor regarde encore en direction de Weber et Schumann : le cor somptueux de Robert Langbein lui rend pleine justice malgré la baguette parfois rigide de Thielemann. Dans la veine mozartienne, la Sérénade et la Sonatine, écrites aux deux extrêmes de la vie de Strauss. Là encore, les magnifiques pupitres de vents dresdois raflent la mise. Mais le tragique entre en scène avec les déchirantes Métamorphoses pour cordes composées en 1945. Strauss est anéanti pour la destruction de sa ville natale, Munich. Clarté polyphonique, profondeur du son, expressivité, la baguette de Thielemann dessine les contours d’un lamento que gravent dans leur chair les cordes de la célèbre phalange allemande. Marie-Aude Roux
2 CD Profil/Hänssler.
- Zara Levina
Chamber Music
Maria Lettberg et Katia Tchemberdji (piano), Yuri Revich (violon), Gernot Adrion (alto), Ringela Riemke (violoncelle)
Pochette de l’album « Chamber Music » de Zara Levina. / Capriccio
En 1925, Zara Levina n’a pas 20 ans quand elle écrit sa brève Sonate pour piano n° 1. Pourtant, son expression s’y trouve déjà au meilleur d’un art de synthèse. Plus vécu – elle est concertiste – qu’étudié. On y perçoit non pas l’ombre mais la flamme de Scriabine que Maria Lettberg, immense interprète du compositeur, entretient ici avec une rare subtilité. Au fil de ce programme étendu sur un demi-siècle, on a même la sensation qu’une pianiste (cette Suédoise née à Riga) en cache une autre (la compositrice, virtuose du clavier, née en Crimée en 1906 et morte à Moscou en 1976). Notamment dans la Toccata aux révolutions circassiennes et dans la Sonate pour piano n° 2 au final lisztien. Pierre Gervasoni
1 CD Capriccio/Naxos.
- Bobby Sparks II
Schizophrenia – The Yang Project
Pochette de l’album « Schizophrenia – The Yang Project », de Bobby Sparks II. / LEOPARD-DELTA MUSIC MEDIA/SOCADISC
Claviériste très sollicité depuis le début des années 1990, Bobby Sparks II propose avec Schizophrenia – The Yang Project, son premier album sous son nom, un double, un foisonnant voyage musical plutôt évocateur de la fin des années 1960 et des années 1970. Il passe par la fusion jazz-rock, parfois plus rock que jazz, le funk, par endroits la soul la plus soyeuse avec arrangements de cordes. Le plus réussi étant dans l’évocation des délires cosmico-fantaisistes de la galaxie P-Funk de George Clinton et Bootsy Collins et une approche mélodico-rythmique des claviers (instruments d’époque dont le Fender Rhodes, le Clavinet de Hohner, le Minimoog, l’ARP Odyssey, le Prophet-5…) qui place Bobby Sparks dans le sillage de Herbie Hancock. Dommage que les travers les plus démonstratifs du jazz fusion, dans lequel Return to Forever en particulier s’était perdu, viennent par moments épuiser l’auditeur. Sylvain Siclier
2 CD Leopard-Delta Music Media/Socadisc.
- Baptiste W. Hamon
Soleil, soleil bleu
Pochette de l’album de Baptiste W. Hamon, « Soleil, soleil bleu ». / BMG
Baptiste W. Hamon est né à Paris mais son cœur est ailleurs. Cet auteur, compositeur et interprète âgé de 32 ans est fasciné par les grands espaces américains, les Etats du Sud s’étendant du Texas à l’Alabama, et la musique americana par prolongement qu’il chante dans la langue de Nino Ferrer. Ce tropisme country-folk à la française, déjà bien marqué sur L’Insouciance (2016), s’étoffe sur son second opus, Soleil, soleil bleu, enregistré à Bordeaux, Paris et Londres. Un dépaysement qui se traduit sur des compositions qui varient les plaisirs : de la pop-folk radieuse Je brûle, à l’électro éthérée Comme on est bien, en passant par Coming Home interprété en anglais, où rôde le fantôme de Townes Van Zandt. Se profile parfois à l’horizon quelques nuages porteurs de vibrants regrets (J’aimerais tant que tu reviennes). Gare toutefois à la tentation de l’emphase. A noter enfin, la présence de l’Américain Will Oldham aux chœurs sur Mon Capitaine (adaptation réussie de son Black Captain) et du Finistérien Miossec en duo sur Hervé. Franck Colombani
1 CD BMG.
- Robert Forster
Inferno
Pochette de l’album « Inferno » de Robert Forster.
Avec le bassiste Grant McLennan (1958-2006), le guitariste Robert Forster a formé le noyau créatif des Go-Betweens, groupe australien dont la délicatesse, louvoyant entre spleen et allégresse, resta longtemps dans l’ombre, avant d’être justement célébrée. On attribuait jusque-là à Forster un talent pour la mélancolie, quand son regretté comparse était loué pour son savoir-faire mélodique. A 61 ans, le longiligne guitariste ne renie pas son goût des crépuscules, mais les neuf chansons d’Inferno, son septième album solo, ravissent aussi par la subtilité de refrains rappelant les meilleurs moments du groupe de Brisbane. Réalisé à Berlin par Victor Van Vugt (Nick Cave), le disque se déploie dans la chaleur d’une intimité propice aux confidences. D’une voix de conteur appréciant la littérature (l’adaptation d’un poème de Yeats, Crazy Jane on the Day of Judgement) et l’autodérision, le chanteur évoque sa carrière (Remain, No Fame), les embardées de l’existence (le merveilleux Life Has Turned a Page), en s’appuyant, comme jadis, sur la fragilité hypnotique du Velvet Underground et une grâce, un peu décalée, venue de down under. Stéphane Davet
1 CD Tapete Records/ Differ-ant.