Thomas Guénolé rompt violemment avec La France insoumise : « C’est une dictature »
Thomas Guénolé rompt violemment avec La France insoumise : « C’est une dictature »
Par Abel Mestre
Le politologue, qui était candidat sur la liste pour les européennes, estime que Jean-Luc Mélenchon est un « autocrate ». Il est sous le coup d’une procédure interne pour des faits « pouvant s’apparenter à du harcèlement sexuel ».
C’est une rupture violente. Dans un long communiqué envoyé jeudi matin 18 avril, le politologue Thomas Guénolé, qui était candidat sur la liste de La France insoumise (LFI) pour les élections européennes, a annoncé qu’il claquait la porte. Avec fracas. Un départ qui survient alors que M. Guénolé fait face à une procédure interne après des « faits pouvant s’apparenter à du harcèlement sexuel » qu’il dément formellement.
« Comment peuvent-ils plaider sans relâche pour une vraie démocratie en France, eux qui organisent la France insoumise comme une dictature ? Jean-Luc Mélenchon, lui, gouverne la France insoumise en autocrate, assène entre autres celui qui était coresponsable de l’école de formation de La France insoumise. Distant des militants de terrain, l’appareil central fonctionne comme une toile d’araignée : des cercles de plus en plus étroits, jusqu’à “JLM” au centre qui in fine décide de tout ce qui compte en symbiose avec Sophia Chikirou. Manuel Bompard est leur homme de paille et leur paratonnerre. » Pour M. Guénolé, M. Mélenchon est « colérique » et ne devrait pas être candidat à la présidentielle de 2022.
Un « simulacre » de démocratie interne
Le texte de M. Guénolé entre en résonance avec les raisons avancées lors des départs récents de LFI, à savoir un manque criant de démocratie interne, un mouvement où n’existe presque aucune structure collective de débat et de décision. En janvier, une lettre interne décrivait déjà ce fonctionnement délétère. Une structure « gazeuse », selon le mot de M. Mélenchon qui, de fait, entretient un flou organisationnel. « La démocratie interne à la France insoumise est un simulacre », continue M. Guénolé, qui ambitionnait d’être candidat à Montreuil (Seine-Saint-Denis) pour les élections municipales de 2020.
Alexis Corbière, qui a toujours eu de bonnes relations avec le Breton, est abasourdi. « Je n’étais pas au courant, je ne sais pas de quoi il parle, jure-t-il au Monde. La violence de ce communiqué est incroyable… Ce sont des méthodes qui ne sont pas acceptables. Je ne sais pas ce qu’il se passe. Je suis stupéfait et je désapprouve. Je ne l’ai jamais entendu exprimer ces griefs, hier encore on discutait d’initiatives locales et il n’y avait aucun problème. Il faut arrêter ces psychodrames, il y a une volonté de faire exploser un collectif à partir d’un cas individuel. »
Selon M. Guénolé, ses critiques ont fait de lui une cible en interne. Il explique ainsi le signalement pour harcèlement qu’une militante a effectué auprès du comité électoral de La France insoumise. « Fort “opportunément”, les dirigeants de la France insoumise se mettent à employer contre moi des méthodes staliniennes : m’accuser de choses sur la base de rumeurs mais refuser de me communiquer le moindre document m’incriminant précisément ; faire pression sur moi pour que je retire “spontanément” ma candidature LFI à l’élection européenne, avance M. Guénolé. C’est pourquoi j’ai confié à mon avocat le soin de prendre toutes les mesures judiciaires nécessaires contre l’appareil central du mouvement. »
Des faits « pouvant s’apparenter à du harcèlement sexuel »
Dans un communiqué, la direction de La France insoumise est d’un avis contraire et répond ainsi : « Nous avons reçu un signalement d’une jeune femme dénonçant des faits pouvant s’apparenter à du harcèlement sexuel de la part de Thomas Guénolé. Nous avons saisi la cellule de veille et de vigilance de La France insoumise. Le dossier était en cours d’instruction. Nous découvrons avec stupeur le communiqué de Thomas Guénolé qui instrumentalise des prétextes politiques pour sa défense. Nous réaffirmons l’engagement absolu de La France insoumise contre les violences faites aux femmes, dans l’organisation comme dans l’ensemble de la société. »
Au cœur des critiques de M. Guénolé, se trouve la communicante Sophia Chikirou, qui joue un rôle important dans la campagne européenne, notamment dans la levée de fonds via l’emprunt populaire, dont elle a eu l’idée, selon plusieurs dirigeants. « Sophia Chikirou, de par sa proximité avec Jean-Luc Mélenchon en même temps qu’elle est prestataire de campagnes électorales passées et actuelles de La France insoumise via [son entreprise] Mediascop, risque objectivement une condamnation judiciaire [pour les frais de la campagne présidentielle de 2017]. La maintenir prestataire de campagnes électorales de La France insoumise, c’est donc faire peser sur le mouvement un risque judiciaire extrêmement grave. »
Pour les dirigeants insoumis, ces attaques sont aussi dues au fait que l’épouse de M. Guénolé – Katerina Ryzhakova – travaille au Média, la webtélé de gauche, lancée à la rentrée 2017 par Mme Chikirou. Cette dernière en avait quitté la présidence en juillet 2018, après plusieurs semaines de crise interne. Elle avait été remplacée par la journaliste Aude Lancelin, jusqu’à ce que cette dernière annonce son départ, il y a une dizaine de jours. Ses partisans dénonçaient un complot ourdi, entre autres, par Mme Chikirou et ses proches. Ce que la communicante dément fermement. C’est le journaliste d’investigation Denis Robert qui devrait reprendre la tête du pure-player.