Mark Zuckerberg annonce un virage vers un Facebook « plus privé »
Mark Zuckerberg annonce un virage vers un Facebook « plus privé »
Par Damien Leloup
Le PDG de Facebook a présenté plusieurs évolutions à venir sur Instagram, Facebook Messenger et WhatsApp, lors de la conférence annuelle Facebook F8.
Mark Zuckerberg présente la nouvelle interface de Facebook à Facebook F8, le 30 avril. / « Le Monde »
Qui êtes-vous, et qu’avez-vous fait de Mark Zuckerberg ? C’est la question qu’on pouvait se poser, mardi 30 avril, lorsque le créateur de Facebook a pris la parole pour sa traditionnelle conférence à Facebook F8, l’événement du réseau social consacré aux développeurs.
Immédiatement après être monté sur scène, M. Zuckerberg s’est en effet lancé dans un vibrant plaidoyer pour la vie privée, expliquant que c’est sa protection « qui nous donne le pouvoir d’être nous-mêmes », tandis que le slogan « Le futur est privé » s’affichait sur l’écran géant derrière lui. Oubliées les remarques, certes anciennes, du fondateur qui estimait que la vie privée était un concept dépassé ; relégué aux oubliettes, l’ancien slogan de l’entreprise, abandonné il y a deux ans, qui voulait « Faire du monde un lieu plus ouvert et connecté ».
Bien sûr, entre-temps, le scandale Cambridge Analytica de 2018 et l’utilisation de données Facebook par des acteurs politiques ont considérablement endommagé l’image de l’entreprise. « Je comprends très bien que beaucoup de gens se demandent si nous sommes sérieux [quand nous annonçons un grand virage vers la vie privée]. Nous n’avons pas la meilleure réputation sur le sujet en ce moment, pour le dire gentiment, a reconnu M. Zuckerberg avec un rire gêné. Depuis quinze ans, nous nous sommes concentrés sur la construction de l’équivalent d’une place du village numérique, publique. (…) Mais nous avons aussi besoin de l’équivalent numérique de nos salons. »
Les attentes des utilisateurs
Cette nouvelle philosophie n’est pas seulement politique : elle résulte aussi d’une bonne compréhension des attentes des utilisateurs, a expliqué M. Zuckerberg, qui en veut pour preuve le succès des « stories » et des petits groupes de discussion sur Facebook, Instragram et WhatsApp : « Plus que jamais, nous avons besoin de ce sentiment d’intimité », a-t-il dit. Facebook explique avoir commencé à retravailler tous ses services pour y inclure davantage de protection de la vie privée, à la fois en créant davantage d’espaces plus privés, en améliorant la sécurité des communications, ou encore en réduisant le temps pendant lequel les messages restent disponibles. M. Zuckerberg a également expliqué, sans entrer dans les détails, que l’entreprise étudiait la manière d’intégrer les questions de vie privée directement dans le code informatique de ses applications et services.
Mais les annonces d’évolutions concrètes étaient plutôt limitées. L’application Messenger, présentée comme « centrale » dans la nouvelle vision de Mark Zuckerberg, utilisera, à terme, le chiffrement de bout en bout, une technique de protection efficace, par défaut. Les messages de l’application disparaîtront aussi au bout d’un certain temps par défaut. Mais contrairement à ce qu’espéraient les défenseurs de la vie privée, M. Zuckerberg n’a pas annoncé la mise en place immédiate de ces mesures attendues, se bornant à dire que l’entreprise travaillait à ce que ces deux options puissent être mises en place.
Un communiqué de Facebook, publié par erreur une heure avant la conférence, avant d’être supprimé, était pourtant plus affirmatif, mais la mention du chiffrement de bout en bout a disparu du texte finalement publié. « Nous donnerons peut-être l’impression que nous n’avançons pas assez vite au début, mais nous sommes résolus à bâtir les produits que souhaitent les utilisateurs », a dit M. Zuckerberg. « Ce n’est pas simplement une question d’ajouter quelques nouvelles fonctionnalités ; [l’évolution de Facebook] ne va pas se produire dans la nuit, et nous n’avons pas encore toutes les réponses », a-t-il reconnu.
Les groupes Facebook toujours plus mis en avant
Sur Facebook, en revanche, M. Zuckerberg a expliqué vouloir toujours davantage privilégier les groupes, une fonctionnalité que le fondateur met fortement en avant depuis deux ans. De nouvelles versions de l’application et du site, qui seront rapidement accessibles, donneront encore davantage de place à cette fonctionnalité, tout en abandonnant largement la couleur bleue historique du service pour le blanc. Autre nouveauté, une fonction « secret crush » permettra également de signaler discrètement un intérêt amoureux pour un « ami » - l’outil, qui rappelle par certains côtés l’archaïque « poke », ne sera pas disponible en Europe ni aux Etats-Unis.
« Nous voulons rendre les communautés aussi centrales que les amis » pour les utilisateurs de Facebook, a-t-il annoncé. « Nous nous concentrons fortement sur le fait d’identifier les groupes qui diffusent de la désinformation », a-t-il ajouté. Cette fonctionnalité est très utilisée par des groupes politiques, et notamment, en France, par le mouvement des « gilets jaunes ». Facebook a procédé, ces derniers mois, à la suppression de plusieurs groupes importants, au Royaume-Uni et en Espagne notamment, qui diffusaient des thèses conspirationnistes ou d’extrême droite.
M. Zuckerberg n’a également montré aucun signe qu’il souhaitait revenir en arrière sur une autre évolution controversée : l’intégration croissante de ses principaux services, Instagram, WhatsApp et Facebook Messenger. Un nouvel onglet dans l’application Messenger présentera bientôt l’activité de tous les « amis » de l’utilisateur sur Facebook et Instagram dans une même page ; « il n’y aura aucun contenu public, uniquement des posts privés », a expliqué M. Zuckeberg. Une présentation quelque peu étonnante, alors que le partage des données entre les différents services de Facebook est l’un des sujets les plus sensibles… pour les défenseurs de la vie privée.
Lors du rachat de WhatsApp, Facebook avait promis que les données des utilisateurs ne seraient pas mélangées à celles des utilisateurs de Facebook, mais depuis janvier l’entreprise a fait allusion à plusieurs reprises à la création possible de ponts entre les applications, provoquant l’inquiétude des régulateurs de la vie privée. La vision historique de M. Zuckerberg a peut-être évolué, mais elle ne semble pas tout à fait avoir disparu.