Vidéo de présentation de « Baldur’s Gate III », jeu vidéo annoncé sur Google Stadia, jeudi 6 juin. / Baldur's Gate 3

Chaque année, les amateurs de vélo ont le Tour de France. Ceux de tennis, Roland Garros. Et les férus de jeux vidéo, l’E3 (pour « Electronic Entertainment Expo », exposition des loisirs électroniques). Depuis 1995, le salon du jeu vidéo de Los Angeles est l’événement « gamer », lors duquel sont révélées les principales sorties jeux vidéo des mois ou années à venir, et parfois, les consoles du futur.

A première vue, le schéma de l’édition 2019 est conforme à celui des précédentes années. Le salon en tant que tel se déroulera du 11 au 14 juin, toujours au « Convention Center » du centre-ville de Los Angeles. Il accueillera les stands, conférences et événements des grands éditeurs, constructeurs, diffuseurs de l’industrie du jeu vidéo. Le gros des annonces grand public (nouveaux jeux, ou dispositifs de jeux) aura lieu en amont, principalement les 9 et 10 juin, où plusieurs acteurs majeurs, en premier lieu Microsoft, dévoileront leurs nouveautés sur écran géant, dans des conférences.

Sony, le grand absent

Côté éditeurs de jeux : l’Américain Bethesda Softworks (dont la conférence est prévue lundi 10 juin, à 2 h 30 du matin heure française), le Français Ubisoft (qui tiendra conférence lundi à 21 heures), le Japonais Square Enix (conférence mardi à 3 heures du matin) ou même l’éditeur de Fortnite, Epic Games (qui sponsorise une conférence consacrée aux jeux PC, lundi à 19 heures) feront leurs annonces comme il se doit. Et plusieurs nouveautés, plus ou moins prévues, seront démontrées aux journalistes spécialisés sur le salon, venus du monde entier (Cyberpunk 2077, Watchdogs 3, Borderlands 3…).

Le Japonais avait indiqué ne pas être assez prêt pour annoncer la PlayStation 5

Mais en réalité, l’E3 qui se profile va aussi marquer certaines transitions en cours. Avec tout d’abord un grand absent, Sony, dont les annonces tonitruantes et les bandes-annonces léchées dominaient systématiquement l’E3 ces dernières années. Sony fait cette fois l’impasse, pour la première fois depuis 1995. Ni conférence ni stand sur le salon pour le constructeur de la PlayStation 4, la console la plus vendue face à la Xbox One et à la Switch de Nintendo.

En avril, le Japonais avait indiqué ne pas être assez prêt pour annoncer sa prochaine console, l’attendue PlayStation 5, tout en dévoilant quelques bribes. Il préfère passer son tour plutôt que de paraître à la traîne par rapport à un Microsoft qui, lui, est prêt à dégainer pour la succession de la Xbox One.

Vers une bataille Microsoft-Google ?

Ce faisant, Microsoft devient le dernier constructeur traditionnel à tenir sa conférence E3, dimanche 9 juin, à 22 heures (heure de Paris). Le constructeur compte bien se servir de l’événement comme d’une rampe de lancement pour sa prochaine génération de machine. De machines au pluriel en fait, croit savoir le site spécialisé jeuxvideo.com, l’une haut de gamme, l’autre plus accessible. Sauf surprise, celles-ci seront disponibles en 2020.

L’enjeu n’est pas des moindres pour Microsoft : rattraper le retard accumulé sur le marché des consoles ces dernières années, qui n’ont pas été tendres. Si sa Xbox One reste dans la course en Amérique du Nord face à la PlayStation 4 et à la Nintendo Switch, elle est à la peine en Europe – et virtuellement introuvable au Japon.

A partir de 2019, la concurrence viendra d’un petit nouveau : Google

Et à partir de 2019, la concurrence viendra d’un petit nouveau : Google. Le géant de l’Internet a ouvert les hostilités de l’E3 2019 en présentant les détails de sa propre plate-forme de jeux vidéo dématérialisés, Stadia, dès le jeudi 6 juin.

Un dispositif de jeu en streaming, au fonctionnement hybride, mais reposant intégralement sur le cloud et la puissance des serveurs de Google, qui sera lancé en novembre prochain, en partenariat avec une vingtaine d’éditeurs majeurs. Certains d’entre eux ont même profité des annonces de Google pour confirmer des sorties : l’officialisation de Baldur’s Gate 3, par Larian Studios, a lieu lors des annonces liées à Stadia.

Si ce projet de consoles et de PC de jeux dématérialisés fonctionne à l’avenir, et tient ses promesses de démocratiser l’accès aux jeux les plus gourmands sans devoir posséder de consoles chez soi, Google a le potentiel et la force de frappe pour changer un jour la façon de consommer des jeux vidéo. A court terme, il devrait déjà faire parler beaucoup de lui dans les travées de l’E3 2019, même s’il n’y aura pas de stand Stadia à proprement parler.

Et Google a dans tous les cas grillé la politesse à Microsoft, dont l’expertise sur le sujet du cloud n’est pourtant plus à prouver. Au point que même le concurrent Sony est venu chercher son savoir-faire, en signant, en avril, un partenariat inédit d’échanges de technologies de cloud et de streaming dans le domaine du jeu vidéo.

« Halo Infinite »

Pour autant, Google n’a, avec les annonces Stadia, présenté aucune piste de développement de ses propres licences, ou de ses propres jeux, même si l’entreprise s’est dotée de son studio de développement, dirigé par Jade Raymond, l’ancienne productrice star d’Ubisoft et d’Elecronic Arts. « Cela prend du temps de créer des jeux, nous venons seulement de commencer », a répondu Google au Monde sur le sujet, actant que les annonces de jeux Google ne sont pas pour tout de suite.

Créer des jeux prend du temps : Microsoft conserve, sur ce point, une longueur d’avance

Microsoft conserve, sur ce point, une longueur d’avance, et l’E3 2019 sera aussi l’occasion de mieux présenter les prochains jeux maison, comme Halo Infinite et Gears 5. Ou les projets de nombreux de studios de développement rachetés récemment, comme Ninja Theory, Obsidian ou inXile.

Ce changement, sinon de paradigme, du moins de génération, aura des conséquences sur les joueurs, sur les jeux, mais aussi sur ceux qui les produisent. L’arrivée de nouvelles interfaces de jeux correspond habituellement à une période de contraction du marché – et souvent, à des licenciements. Activision Blizzard et Electronic Arts ont d’ailleurs annoncé, en début d’année, des suppressions de postes.

Dans ce contexte, à quoi vont ressembler les prochains jeux de Take Two, d’Ubisoft, de Bandai Namco ? Comment vont-ils anticiper et encaisser ces changements, comment vont-ils se les approprier ? Il faudra en guetter les premiers indices lors des conférences et dans les couloirs du salon.

Nintendo en vitesse de croisière

Nintendo, là-dedans, a une place particulière. Suffisamment installé et différent pour ne pas avoir à trop s’inquiéter dans l’immédiat des évolutions annoncées par Microsoft et Google dans les jours à venir, le constructeur japonais doit cependant faire face à un défi : celui de confirmer la bonne santé de sa Switch.

Après d’excellentes années 2017 et 2018 (l’année dernière en France, dix des vingt meilleures ventes de l’année sortaient des studios de Nintendo), la Switch atteint désormais sa vitesse de croisière : pour la conserver, le Japonais va devoir donner un coup de fouet à son catalogue. Certains jeux ont déjà été dévoilés : Luigi’s Mansion 3, un nouveau Fire Emblem, Animal Crossing, ainsi qu’une nouvelle génération de jeux Pokémon.

Cela suffira-t-il à la Switch de continuer à séduire de nouveaux joueurs ? Peut-être le constructeur garde-t-il dans sa manche un atout supplémentaire (nouveau modèle ? Rapprochement avec Microsoft ?), qu’il dévoilera lors des annonces vidéos dont la diffusion est programmée pour mardi à 18 heures, soit deux heures avant l’ouverture des portes du salon.