« Guédelon 2 : une aventure médiévale » : hors du temps, dans l’espace
« Guédelon 2 : une aventure médiévale » : hors du temps, dans l’espace
Par Catherine Pacary
Sur le plus grand site d’archéologie expérimentale du monde, ouvriers et encadrants travaillent au rythme d’antan depuis vingt ans.
Bienvenue en 1250 ! Sur le chantier de Guédelon, site bourguignon mondialement connu, une bande de doux passionnés construit ex nihilo un château fort médiéval depuis plus de vingt ans, en utilisant uniquement des techniques d’époque. Un chantier débuté en 1229 (1997 pour les cartésiens) par la volonté de sa fondatrice et présidente, Maryline Martin. L’année n’a pas été choisie au hasard : « En 1229, la France vit sous la régence de Blanche de Castille, puisque Louis IX est encore en bas âge. Elle va faire face à la fronde des barons qui veulent attaquer Paris », rappelle Florian Renucci, maître d’œuvre. De nombreux châteaux vont alors être construits.
Vingt et un ans plus tard – en 1250 donc –, Maryline Martin et Florian Renucci travaillent toujours sur le plus grand site d’archéologie expérimentale du monde, aux côtés de 70 permanents et de centaines de bénévoles. La chapelle, les deux tours, les remparts sont sortis de terre et la dernière pierre devrait être posée en 1254 (2023).
Un premier documentaire, en 2015, Guédelon, renaissance d’un château médiéval (rediffusé dimanche 16 juin à 14 heures sur Arte), suivait le travail des différents corps de métier sur une saison. On découvrait alors entre autres comment un escalier hélicoïdal était érigé, après avoir hissé des pierres pesant jusqu’à 400 kg à la seule force d’un homme, marchant dans une grande roue à la manière d’un hamster – l’engin s’appelle une cage à écureuil. Le maître d’œuvre insistait alors sur la justesse du rythme de travail.
On retrouve ce « rythme » dans Guédelon 2, diffusé à l’occasion des 10es Journées nationales de l’archéologie, du 14 au 16 juin. Ce n’est en effet pas tant le fond du reportage qui passionne, structuré autour de trois chantiers principaux : la pause d’un toit conique, la conception de la porte monumentale d’entre deux tours et la pose de « fenêtres », qui ne sont pas en verre… C’est la capacité d’inventivité et d’adaptation de l’homme face à une situation inédite : « Comment, eux, faisaient-ils ? », résume Nicolas Touchefeu, maître charpentier.
Chantier archéologique de Guédelon, dans l'Yonne. Réalisation d'une voûte en pierre blanche. / LION TELEVISIONS / DR
Un seigneur fictif
Imperceptiblement, le rapport au temps a changé pour ces « œuvriers », mot inventé qui désigne un ouvrier à l’œuvre. Ici, seule l’horloge médiévale est respectée. Aucun portable en vue. Seul anachronisme imposé, le harnachement de sécurité pour les charpentiers ou les tailleurs de pierre. Au début, voir ces jeunes et moins jeunes en toge fait sourire. Eux n’y prêtent plus attention, concentrés sur leur tâche : bâtir un « château de résidence à la mode » pour le seigneur de Guédelon. Il a même fallu donner une identité à ce personnage fictif, afin d’adapter les équipements à son « statut ».
On accroche ou non. Mais il est certain que la prise de conscience écologique comme le regain d’intérêt pour les constructions en terre jouent en faveur d’une telle expérimentation. Guédelon a tout de l’écoconstruction, ce qui l’inscrit aussi dans la modernité. De même que l’exemplarité de son modèle économique. Depuis 2000, la société « Guédelon chantier médiéval » s’autofinance à 100 % grâce aux 310 000 visiteurs annuels. Du palpable, du concret pour continuer à rêver et à défier le temps. « Les gens nous demandent toujours quand sera fini le chantier, s’emballe Maryline Martin. Mais il ne sera jamais fini ! Il y aura ensuite la décoration intérieure à faire, et après, on changera de déco ! »
Guédelon 2 : une aventure médiévale, de Bianca Zamfira (Fr.-RU, 2019, 95 min). En replay sur Arte.tv jusqu’au 13 août.