« On va tout péter » : un western social à La Souterraine
« On va tout péter » : un western social à La Souterraine
Par Jacques Mandelbaum
Le documentariste Lech Kowalski a filmé, en immersion, la lutte des ouvriers de l’équipementier automobile GM&S, menacés par une liquidation judiciaire.
Depuis les années 1970, les compressions, délocalisations et autres fermetures d’usines qui accompagnent le vaste mouvement de désindustrialisation de la France nourrissent les riches heures du documentaire, qu’il soit ou non militant. Encore est-il difficile, sur ce sujet sensible, de ne pas l’être un peu, dès lors que les cinéastes se mettent généralement du côté de la passion des personnages en lutte et en souffrance, plutôt que du côté refroidi des réducteurs de coûts et de têtes. Cette vaste chaîne de films, où le meilleur côtoie le moins bon, produit une dramaturgie propre, où les réminiscences du western abondent : le combat de la dernière chance, le stoïcisme, la solidarité entre les hommes, la trahison à ciel ouvert, le suspense de la survie ou de la mort.
Autant dire que peu de ces films finissent bien, et que le paradoxe relevé naguère par Jean-Louis Comolli à propos du très beau Coûte que coûte (1995), de Claire Simon – quelque chose du genre « le combat échoue mais le film réussit » –, y est toujours garant des meilleurs du lot. On comptera parmi eux On va tout péter, signé par le Polonais Lech Kowalski, qui a passé quelques chaudes semaines aux côtés des ouvriers de l’équipementier automobile GM&S à La Souterraine, dans la Creuse, à partir du moment où il apprit que ces travailleurs, suspendus à une procédure de liquidation judiciaire qui risquait de les transformer en chômeurs, menaçaient de faire exploser leur usine.
Extrême solitude du combat
Entrant dans le détail du film, on y apprend que les choses sont plus compliquées. Que le candidat Macron s’était engagé auprès des ouvriers en lutte. Que les commanditaires Peugeot et Renault s’étaient également portés garants de leurs carnets de commandes. Tout cela pour se retrouver à la fin du processus avec un repreneur proposant de garder 120 ouvriers sur 277, et assurant que les mêmes tâches pourront y être exécutées. Une certaine amertume gagna donc les salariés, dont les actions se firent, quoique toujours dans le respect de la loi, de plus en plus désespérées.
Une litanie de blocages, de chaînes humaines, de sit-in s’ensuivirent, inexorablement rompus et brisés par la maréchaussée. C’est cela précisément que filme Lech Kowalski, au plus près, en immersion, dans une chronique agitée, intempestive, mais aussi patiente, confraternelle, qui capte l’extrême dureté de la situation, l’extrême solitude de ce combat, et l’abîme d’incertitude et de rancœur sur lequel il débouche.
Q&A ON VA TOUT PETER (Blow It to Bits) avec Lech Kowalski
Durée : 19:07
Documentaire français de Lech Kowalski (1 h 39). Disponible jusqu’au 22 août sur arte.tv.