La très controversée et stricte loi allemande sur les contenus illégaux publiés sur les réseaux sociaux a fait sa première victime, un an et demi après son entrée en vigueur. Et, sans surprise, il s’agit de Facebook.

La justice allemande a infligé mardi 2 juillet une amende de 2 millions d’euros au réseau social. Elle lui reproche de ne pas communiquer fidèlement le nombre de commentaires haineux qu’elle supprime.

En effet, la loi sur l’amélioration de l’application du droit dans les réseaux sociaux (« NetzDG ») prévoit deux types d’obligations pour les entreprises du Web. D’abord, celle de supprimer sous 24 heures certains messages (diffamatoires, haineux ou colportant des infox) qui leur sont signalés. Ensuite, elles doivent publier, tous les six mois, le détail des contenus supprimés et les motifs qui ont présidé à leur disparition.

Facebook, dans ses deux rapports publiés depuis l’entrée en vigueur de la loi, a expliqué avoir reçu 2 752 contenus au total en 2018. Une bagatelle, quand on le compare aux plus de 520 000 signalements traités par le seul réseau social Twitter, pourtant de taille moins importante. La raison ? Contrairement à ses deux principaux homologues, Twitter et Google, il faut se rendre dans une page spécifique, nichée dans les paramètres du réseau social, pour signaler un contenu en vertu de la NetzDG. Il est impossible de le faire directement depuis un contenu posté sur Facebook alors que, sur Twitter, il suffit de cliquer sur le bouton « Signaler ce tweet » présent sur chaque message.

Un formulaire « caché »

C’est justement cela que reprochent les autorités allemandes à Facebook. Le formulaire relatif à la loi allemande est de fait « caché », reproche l’Office fédéral de la justice (BfJ), pour qui les utilisateurs sont incités à signaler les contenus par la voie interne de Facebook. Or, « le nombre de signalements utilisant le formulaire classique est considérable » fait valoir le BfJ, qui réclame que les rapports de Facebook fassent la recension des contenus supprimés selon les deux méthodes.

Ce mécanisme conduit finalement les rapports à être partiels et à ne dévoiler qu’une toute petite partie des contenus qui leur sont signalés. Et cela permet à Facebook, selon plusieurs experts, de limiter le nombre de contenus qui pourraient justifier une amende s’ils n’étaient pas retirés en vertu de la loi.

Cela fait plusieurs mois que Facebook est accusé, en Allemagne, de ne pas jouer le jeu de la NetzDG en proposant deux manières de signaler les contenus problématiques. Le réseau social, lui, se défendait en expliquant que la loi imposait de rendre le formulaire de signalement NetzDG accessible à tous les internautes, même ceux qui ne sont pas inscrits sur Facebook.

« Nous voulons supprimer les discours haineux aussi rapidement et efficacement que possible et mettons tout en œuvre pour cela. Nous respectons nos obligations de transparence : nous avons dévoilé de manière complète et précise le nombre de signalements que nous avons reçus », s’est défendu Facebook dans un communiqué. Le réseau social, qui peut faire appel de cette décision, n’a pas encore décidé s’il comptait le faire.

Cette sanction est aussi un moyen, pour les autorités allemandes, de prouver l’efficacité de cette loi contestée. Alors qu’elles s’attendaient à être saisies de plus de 25 000 plaintes consécutives à des refus de suppression de la part des réseaux sociaux, elles n’en avaient reçu, selon un décompte fourni le 27 juin au Monde, que 1 047. Encore aujourd’hui, certaines forces politiques comme les libéraux réclament sa suppression, ou, comme les Verts, son aménagement en profondeur. Il y a, au minimum, un consensus pour la modifier à court terme : la loi doit justement faire l’objet d’une étude d’impact de la part du gouvernement, d’ici à la fin de l’année 2020. En France, une loi similaire est sur le point d’être débattue à l’Assemblée nationale à partir de mercredi 3 juillet.