Nello Musumeci avec le président de Forza Italia, Silvio Berlusconi, à Catane, en Sicile, le 2 novembre. / ANTONIO PARRINELLO / REUTERS

Les urnes avaient été scellées pour la nuit, dimanche 5 novembre au soir, laissant en apesanteur les candidats, les observateurs et les électeurs, qui avaient été moins nombreux que jamais (46,7 %) à se déplacer pour les élections désignant simultanément le gouverneur et le Parlement de Sicile. Nello Musumeci, soutenu par l’ensemble des forces de la droite sicilienne, était annoncé en tête dans les sondages de sortie des urnes, mais avec une avance de 3 points sur Giancarlo Cancelleri, le candidat du Mouvement 5 étoiles, bien trop faible pour lui permettre de plastronner.

Le dépouillement a commencé lundi matin à 8 heures, et s’est poursuivi péniblement toute la journée, si bien qu’à 17 heures, 60 % des bulletins étaient comptabilisés. Cette extrême lenteur, explicable par l’incroyable complexité du mode de scrutin sicilien, confirme pour l’heure la tendance fixée par les instituts de sondage : avec plus de 39 % des voix sur sa personne (et 37 % pour les listes le soutenant), Nello Musumeci devrait succéder à Rosario Crocetta (centre-gauche) au poste de gouverneur de Sicile.

Ce résultat confirme la dynamique en faveur des coalitions de centre-droit qu’on a pu observer dans toute l’Italie lors des élections locales des derniers mois. Mais il souligne également qu’à l’intérieur de cette alliance l’équilibre a bien changé. Ainsi la liste des berlusconiens de Forza Italia, habituel centre de gravité de toute la droite, réalise-t-elle à peine 16 %. A l’inverse, les postfascistes de Fratelli d’Italia peuvent se targuer de la victoire d’un candidat issu de leurs rangs, tandis que la liste qu’ils ont menée avec Matteo Salvini (Ligue du Nord) réalise un score très inattendu, de près de 5 %.

Le refus d’un rôle de supplétifs

Les composantes les plus radicales de la droite ne manqueront sans doute pas de faire valoir que la dynamique électorale est de leur côté, au moment de constituer une alliance nationale dans laquelle ils refuseront de se contenter du rôle de supplétifs qui leur était dévolu lors des précédentes campagnes victorieuses de Silvio Berlusconi. La présidente de Fratelli d’Italia, Giorgia Meloni, n’a pas manqué de le souligner, lundi 6 novembre, affirmant que ce résultat démontrait « que les élections ne se gagnent pas au centre », et appelant à la constitution d’une alliance fondée sur la « clarté » et le refus des compromis.

De son côté, l’impressionnant score de 35 % réalisé par Giancarlo Cancelleri confirme une fois de plus la solidité du socle électoral des 5 étoiles, beaucoup plus homogène que celui de ses concurrents. Les listes 5 étoiles, en revanche, ont eu moins de succès, ne récoltant que 28 % des suffrages. Si la formation protestataire a, selon Beppe Grillo, remporté une « victoire morale », elle n’en a pas moins échoué à remporter une élection qui, il y a quelques mois encore, lui semblait promise.

Parmi les prétendants à la présidence de la région autonome, seul Fabrizio Micari était fixé sur son sort dès dimanche soir. C’est qu’avec 19 % des voix, plus de quinze points derrière ses deux concurrents, la défaite de la coalition de la gauche et du centre, qu’il conduisait, est cuisante. Certes ce revers personnel est atténué par une meilleure tenue des listes de centre-gauche, qui totalisent 27 %, mais pour le PD, qui obtient un peu plus de 13 % des voix, le coup est rude.

Un premier ministre figure de repoussoir

Victime à la fois du bilan décevant des cinq années à la tête de la région, de la sociologie électorale (la Sicile est traditionnellement une terre démocrate-chrétienne et conservatrice, et la victoire de Rosario Crocetta en 2012 était surtout due aux divisions de la droite), mais aussi d’une campagne qui n’a jamais réussi à démarrer, Fabrizio Micari paie également les divisions de son camp. Ainsi le bon résultat de Claudio Fava (7 %), soutenu par tout ce que la gauche compte d’opposants à Matteo Renzi, explique-t-il une grande part de sa déconfiture.

Si l’ancien premier ministre a été remarquablement discret dans la campagne sicilienne, il n’en a pas moins fait figure de repoussoir pour de nombreux électeurs de gauche, qui contestent sa personne, mais aussi une politique d’alliance avec le centre et la droite, vouée à l’échec selon eux. A cet égard, les résultats détaillés des diverses listes sont encore plus éclairants. Ainsi les centristes d’Alliance populaire, le parti dirigé par le ministre des affaires étrangères, Angelino Alfano, dont l’apport devait initialement permettre au centre-gauche de rivaliser avec ses deux adversaires, se sont-ils effondrés, atteignant à peine les 5 %.

Si Nello Musumeci l’a finalement emporté de peu, il n’aura pas, loin de là, les mains libres pour gouverner. En effet, les soixante-dix députés sont élus à la proportionnelle, avec une prime majoritaire de six députés à la coalition arrivée en tête. Dans cette assemblée, les forces disparates qui le soutiennent, n’ayant pas atteint les 40 %, ne disposeront donc pas de la majorité absolue.

Les infinies particularités de la politique sicilienne obligent à la prudence quant aux conclusions nationales à tirer de ce résultat, à quatre mois des élections législatives. Il se pourrait bien, en revanche, que l’après-vote soit très riche en enseignements sur les tractations qui ne manqueront pas d’avoir lieu au lendemain du scrutin national, en mars.