En 2008, alors qu’il encourait la prison à vie, Jeffrey Epstein avait été condamné à dix-huit mois de prison. / Uma Sanghvi / AP

Jeffrey Epstein, 66 ans, milliardaire américain, a été arrêté samedi 6 juillet aux Etats-Unis à son retour de France, pour des accusations de « trafic sexuel », et doit comparaître lundi devant un tribunal fédéral à Manhattan.

Cet ancien gérant de fonds spéculatifs a été interpellé samedi dans un aéroport du New Jersey, alors qu’il revenait de Paris à bord de son jet privé. Le bureau du procureur américain à Manhattan a rendu public, lundi, un document de 14 pages, dévoilant de nouvelles accusations de trafic sexuel et de complot de trafic sexuel à son encontre, entre 2002 et 2005, affirmant qu’il avait abusé de dizaines de mineures, certaines âgées de 14 ans, moyennant le versement de sommes d’argent, en cash, dans ses résidences de Manhattan et de Palm Beach, en Floride. Il aurait, en outre, payé certaines de ses victimes pour qu’elles recrutent, pour lui, d’autres proies dans leur entourage.

Chaque accusation est passible d’une peine d’au moins dix ans d’emprisonnement, avec la possibilité d’une peine d’emprisonnement à perpétuité. Le ministère de la justice cherche également à saisir le manoir d’Epstein, situé dans l’Upper East Side de Manhattan, où se sont produits certains des crimes présumés. Les enquêteurs y ont trouvé des photos dénudées de mineures, a affirmé lundi lors d’une conférence de presse Geoffrey Berman, le procureur du district sud de New York. « Il y a des dizaines de victimes à New York et des dizaines de victimes en Floride », a souligné M. Berman. Jack Goldberger, l’avocat de Jeffrey Epstein, a déclaré qu’il plaiderait non coupable.

Ses victimes affirmaient depuis des années que la justice le traitait différemment des autres justiciables, en raison de sa richesse et de ses relations politiques. / STEPHANIE KEITH / AFP

Accord controversé

Déjà accusé il y a plus de dix ans de recourir aux services de dizaines de prostituées mineures, notamment dans sa grande demeure de Palm Beach, en Floride, M. Epstein avait été condamné en 2008 à dix-huit mois de prison. Alors qu’il encourait la prison à vie, avec un acte d’accusation fédéral de 53 pages détaillant ses turpitudes, il était parvenu à un accord controversé de négociation de peine en acceptant de plaider coupable pour le seul chef d’avoir sollicité les services de prostituées mineures.

Cet accord obtenu avec le procureur du district sud de Floride de l’époque, Alexander Acosta, contre des informations sur la faillite de la banque d’investissement Bear Stearns, selon le site d’information Daily Beast, lui avait permis d’écourter à treize mois sa peine et de bénéficier d’un aménagement favorable de ses conditions.

Depuis des années, l’accord était contesté en justice par plusieurs victimes d’Epstein qui estimaient qu’elles n’avaient pas été entendues, en violation de la loi sur le droit des victimes, et que le milliardaire était traité différemment des autres justiciables, en raison de sa richesse et de ses relations politiques, relève le Washington Post. Après la vague #metoo, il était curieux que l’affaire Epstein n’ait toujours pas éclaté au grand jour, constate le New York Times, alors que depuis des années plusieurs femmes l’accusaient.

Interrogations sur un membre de l’administration Trump

Aujourd’hui ministre du travail de Donald Trump, M. Acosta avait été rattrapé par cette affaire en novembre 2018 à l’issue d’une enquête fouillée du quotidien Miami Herald, qui l’avait appelé à démissionner en estimant l’ancien procureur fédéral « compromis éthiquement » dans le scandale Epstein. Le département de la justice a ouvert une enquête pour examiner si ses représentants avaient commis une « faute professionnelle » dans l’instruction des affaires concernant M. Epstein.

Cet épisode avait mis en lumière les puissantes relations du financier, qui a entretenu des liens avec Donald Trump, l’ex-président démocrate Bill Clinton ou encore le prince Andrew, fils de la reine britannique Elisabeth II, qui a rejeté ces accusations. Donald Trump avait fait l’éloge d’Epstein dans une interview au New York Magazine en 2002. « Je connais Jeff depuis quinze ans. Un type génial. C’est quelqu’un avec qui on s’amuse bien. On dit même qu’il aime les belles femmes autant que moi, et que beaucoup d’entre elles sont plutôt jeunes. Ça ne fait aucun doute : Jeffrey a une bonne vie sociale », déclarait alors le promoteur immobilier.