Aux Etats-Unis, la presse s’agace de l’insolent rebond de Facebook après son amende record
Aux Etats-Unis, la presse s’agace de l’insolent rebond de Facebook après son amende record
L’amende de 5 milliards de dollars qui lui a été infligée n’aura que des conséquences limitées pour l’entreprise, mais démontre une évolution des pratiques des régulateurs américains.
Une amende record, et puis… rien, ou presque. Après la révélation, dans la presse américaine, du montant de l’amende que le régulateur américain compte infliger à Facebook après le scandale Cambridge Analytica – 5 milliards de dollars (4,43 milliards d’euros) –, c’est presque comme si le géant du Web n’avait rien senti. « Cinq milliards, c’est beaucoup d’argent pour tout le monde. Tout le monde sauf Facebook, écrit le professeur John Naughton, spécialiste des nouvelles technologies, dans une tribune sur le site du Guardian. C’est l’équivalent d’un mois de chiffre d’affaires, et la Bourse le sait. La valorisation de l’entreprise en Bourse a grimpé de six milliards après l’annonce. C’est une amende dont la conséquence directe a été d’augmenter la fortune personnelle de Mark Zuckerberg. »
De l’autre côté de l’Atlantique, le ton n’est guère moins cynique. « Cette amende est une plaisanterie embarrassante », écrit The Verge, l’un des sites de référence consacrés aux nouvelles technologies aux Etats-Unis, dans un article très sévère. « Les amendes et les sanctions ne sont efficaces que lorsqu’elles montrent qu’il y a des conséquences pour une entreprise se comportant mal. Mais Facebook s’est constamment mal comporté depuis sa création, et n’a reçu que des tapes sur la main de la part des autorités et des récompenses du marché. »
Un rapprochement du modèle européen
Un constat largement partagé aux Etats-Unis par les candidats à l’investiture démocrate, dont la sénatrice Elizabeth Warren, qui écrit sur Twitter que le régulateur américain « a permis à Facebook de s’en tirer à bon compte ». Le Washington Post estime que c’est l’approche globale des régulateurs qui n’est plus adaptée à des sociétés comme Facebook ou Google, et que leurs efforts devraient plutôt porter sur l’encadrement des pratiques publicitaires en ligne. Reprenant l’analogie de l’avocat spécialisé dans les lois antitrust Damien Geradin, le quotidien note que l’écosystème actuel de la publicité fonctionne comme une salle de ventes aux enchères qui serait « l’agent de l’acheteur et aussi l’agent du vendeur ».
L’approche européenne, qui allie davantage qu’aux Etats-Unis les sanctions financières à un durcissement du cadre légal, semble faire des émules parmi les Américains. « Les termes du débat ont changé, se félicite dans les colonnes du New York Times Tommaso Valletti, économiste en chef de la division antitrust de la Commission européenne. La question n’est plus de savoir s’il faut intervenir, mais comment. » L’accord signé avec le régulateur américain prévoit d’ailleurs toute une série d’obligations, encore non détaillées, auxquelles Facebook devra également se soumettre.
Cette amende « est loin d’avoir sorti Facebook du viseur des régulateurs », rappelle toutefois le Financial Times. Le géant d’Internet fait face à toute une série d’autres procédures aux Etats-Unis, pour une part très politiques – le président Donald Trump a multiplié, ces deux dernières années, les critiques contre le réseau social, qu’il accuse, sans preuves réelles, de parti pris pro-démocrate. Le réseau social est également convoqué fin juillet à des auditions parlementaires au sujet de son projet de monnaie électronique Libra, que les Etats-Unis semblent vouloir encadrer strictement.