« Folle nuit russe » : vingt-quatre heures dans la vie d’une ville à la dérive
« Folle nuit russe » : vingt-quatre heures dans la vie d’une ville à la dérive
Par Jean-François Rauger
Un retour drôle et terrible sur les années Eltsine
Pour son premier long-métrage, Anja Kreis adopte le principe d’un récit unanimiste, d’un brassage de personnages divers, dont le spectateur est invité à suivre les actions, l’espace de quelques heures. On devine, dans le projet du film, la volonté d’extraire un échantillon de temps tout à la fois indifférent mais déterminant, atone et signifiant. La cinéaste prélève un morceau d’un monde à la fois proche et lointain, fixé dans un passé récent, celui de la fin des années 1990 en Russie, dans la ville d’Ivanovo pour être précis, longtemps un centre de l’industrie textile russe, célèbre pour l’importance du nombre de femmes qui y vivaient.
Un jeune homme, de retour du service militaire en Tchétchénie, retrouve sa petite amie qui ne songe qu’à perdre immédiatement sa virginité avec lui. Deux amies, Témoins de Jéhovah, font du porte-à-porte, se heurtant à une hostilité peu amène de la part des habitants d’un immeuble qu’elles dérangent. Une femme invite un homme à dîner. Celui-ci se perd, en se goinfrant éhontément, dans l’évocation d’un passé où les usines tournaient à plein rendement avant de tenter de séduire son hôtesse qui l’abat d’un coup de fusil.
Humour désespéré
Des projets de départ, une sortie en boîte de nuit, une crise de jalousie, une errance dans les rues de la ville ponctuée par la rencontre avec trois Tchétchènes tour à tour engageants et menaçants. Voici quelques-uns des événements au cœur desquels sont plongés les divers personnages du récit dont certains ont en tête le projet de quitter le pays.
La sourde tension qui s’affirme au fur et à mesure de la progression du récit donne au spectateur le sentiment d’une catastrophe imminente, au-delà des éclats de violence qui ponctuent, voire concluent, le récit. Peinture d’une société tout à la fois résistante, résiliente aussi, et perpétuellement au bord de l’abîme, Folle nuit russe est traversé par un humour désespéré, la description parfois gogolienne de personnages et de situations plongés dans un monde absurde et sans avenir, ni horizon visible. C’est à la fois drôle et terrible.
Folle Nuit Russe de Anja Kreis - en salles le 17 juillet
Durée : 01:39
Film russe de Anja Kreis. Avec Aleksey Solonchev, Kseniya Kutepova, Ekaterina Vinogradova (1h17 min). Sur le web : ascdistribution.com/project/folle-nuit-russe, www.facebook.com/ascdistribution