Clinton, Trump, Sanders jouent à « qui est le meilleur New-Yorkais ? »
Clinton, Trump, Sanders jouent à « qui est le meilleur New-Yorkais ? »
Par Audrey Fournier
Les candidats américains déploient beaucoup d’efforts dans leur campagne de communication pour convaincre l’électorat de cet Etat.
Les primaires dans l’Etat de New York, qui se tiennent mardi 19 avril, ont donné lieu à une belle bataille de communication entre trois candidats ayant mis en avant un ancrage local. Chez les démocrates, Bernie Sanders a vu le jour à Brooklyn et Hillary Clinton y fut sénatrice, alors que le républicain Donald Trump, lui aussi enfant du pays, a fait de la Grosse pomme son terrain de jeu pour ses opérations immobilières.
Cet Etat offre un cadre idéal pour le storytelling politique. Berceau de l’immigration, de la réussite individuelle, des valeurs progressistes, New York fut aussi le théâtre de deux événements fondateurs du XXIe siècle américain, les attentats du 11-Septembre et la crise financière de 2008.
Si Bernie Sanders remporte haut la main le trophée du meilleur accent, Donald Trump est le seul de ces trois candidats à ne jamais avoir quitté la ville. Quant à Hillary Clinton, elle a bien essayé de prendre le métro avec une Metrocard (les « tokens » ont disparu depuis 2003), mais ça ne s’est pas bien passé : elle a dû s’y reprendre à plusieurs reprises – à sa décharge, « swiper » la Metrocard demande un certain coup de poignet.
Hillary Clinton needs five swipes to enter NYC subway
Durée : 00:21
Bernie Sanders, entre immersion et pédagogie
En difficulté face à Mme Clinton dans les sondages, mais à la tête d’un trésor de campagne colossal amassé grâce aux dons individuels, M. Sanders est le candidat qui a le plus investi en communication.
America | Bernie Sanders (New York)
Durée : 01:01
L’adversaire d’Hillary Clinton reste fidèle à sa ligne socialiste et rassembleuse, à travers une déclinaison de son clip « America » (basé sur le titre de Simon et Garfunkel, de 1968), taillée pour le public new-yorkais.
La vidéo commence avec de grosses ficelles : sur la route, la caméra filme deux panneaux indiquant Washington Boulevard et Lincoln Tunnel, deux axes new-yorkais bien nommés, qui renvoient judicieusement à la genèse du pays. Le clip enchaîne ensuite les gros plans sur les travailleurs − le barbier, le pizzaïolo, le barman, mais aussi le fermier qui élève du bétail « upstate » −, en alternance avec des images de meetings dans l’Etat qui ont attiré les foules.
Le sénateur du Vermont a par ailleurs mis en scène son quartier général de campagne à Brooklyn à travers une série de clips destinés à conquérir l’électorat démocrate non blanc, qui soutient plutôt Clinton.
The Inspiring Passion at Bernie Sanders’ New Brooklyn Campaign Office
Durée : 02:47
Autre vidéo qui s’adresse directement aux minorités, celle réalisée par le cinéaste afro-américain Spike Lee. Très sobre, elle fait intervenir des représentants de toutes les communautés, dont des célébrités, qui viennent au micro faire l’éloge des prises de position du candidat.
These Are Mothers and Fathers, Sons and Daughters
Durée : 00:33
Une campagne new-yorkaise sans référence à Wall Street ne serait pas complète. Dans « Art of the steal », une vidéo pédagogique, M. Sanders dénonce la collusion entre les intérêts de la finance ultralibérale et l’agenda fiscal de Washington.
Art of the Steal | Bernie Sanders
Durée : 00:31
Dans cette autre vidéo, plus directe, il attaque non seulement les milliards engrangés par Wall Street, mais aussi ceux qui en profitent. Hillary Clinton et le financement de sa campagne électorale sont pointés à mots couverts.
$200,000 | Bernie Sanders
Durée : 00:31
Enfin, il fallait bien une séquence émotion pour ce natif de Brooklyn. Cela s’appelle « Bernie in Brooklyn », et c’est une conversation filmée avec l’acteur Mark Ruffalo. Cette déambulation des deux hommes dans le quartier, assortie d’images d’archives et d’illustrations, tape au cœur des électeurs que M. Sanders peut encore espérer convaincre.
Bernie in Brooklyn
Durée : 05:54
- Hillary Clinton : battre Trump, coûte que coûte
Confortée dans les sondages, Hillary Clinton n’a pas eu beaucoup d’efforts à déployer pour être certaine de l’emporter face à son rival démocrate. Elle a donc consacré l’essentiel de sa campagne de communication new-yorkaise à attaquer Donald Trump, dont les opinions vont, selon elle, à contre-courant de l’électorat de cet Etat.
Reprenant des slogans rassembleurs, qui étaient jusqu’ici plutôt la marque de M. Sanders (« Nous sommes différents, mais ensemble nous pouvons faire le meilleur »), elle fustige les efforts de M. Trump pour diviser l’électorat et flatte le bon sens de ce dernier : « A nous, on ne la fait pas. » En utilisant le « nous », elle se considère à part entière comme membre de la communauté locale.
Hillary Clinton: 'New York' | Campaign 2016 Celebrating the diversity of New York - LoneWolf
Durée : 00:31
Pour fignoler son image auprès des électeurs, il lui suffit en outre de mettre en avant des « endorsements » bien choisis. Le clip « Decision » rappelle que deux grands titres de presse locaux, le New York Times et le New York Daily News, ont d’ores et déjà fait le choix de l’ex-first lady.
L’habillage est minimal : des portraits de New-Yorkais de diverses origines alternent avec des images assez banales de la candidate en campagne dans la ville.
Decision | Hillary Clinton
Durée : 00:32
- Donald Trump en sous-régime
Chez M. Trump, le service est pour le moins réduit. Il faut dire que son principal adversaire, Ted Cruz, est menacé de « gamelle » dans cet Etat réputé « libéral », au sens américain du terme. Il a d’ailleurs exprimé tout son dégoût pour les « New York Values » dans un clip diffusé en début d’année. Même John Kasich, le gouverneur de l’Ohio qui fait figure d’outsider dans le camp républicain, devrait rassembler plus de voix.
Dans ce contexte, le milliardaire s’est contenté d’un clip fourre-tout diffusé à la radio, qui résume son programme en une minute, avec un simple « I love New York, tout le monde sait ça » en guise de préambule.
A-t-il vraiment besoin d’en faire plus, dans une ville où des tours entières portent son nom ? Donald Trump est, depuis le début de la course, un des candidats qui a le moins dépensé en campagnes de publicité, a calculé le New York Times, tout en étant celui qui a bénéficié de la plus importante couverture médiatique.