En Alabama, la fumette mène à perpète
En Alabama, la fumette mène à perpète
M le magazine du Monde
Le sort de Lee Carroll Brooker, 76 ans, a ému l’Amérique. Handicapé et vétéran de l’armée, il risque de finir sa vie derrière les barreaux pour avoir cultivé un peu de cannabis.
L'Alabama conserve une des législations les plus sévères des Etats-Unis en ce qui concerne le cannabis. | Abir Sultan / EPA
Vivre en Alabama et cultiver du cannabis au fond de son jardin. Ces deux caractéristiques combinées ont suffi à gâcher la (fin de) vie de Lee Carroll Brooker. Ce septuagénaire purge une peine de prison à vie pour avoir fait pousser quelques dizaines de plants de marijuana, destinées, selon lui, à un usage personnel et curatif. Pensait-il, comme nombre d’Américains, profiter des vertus médicinales du haschisch pour soulager des douleurs chroniques ? Les autorités judiciaires ne l’ont pas vu ainsi et ont estimé que ce vétéran de l’armée américaine, handicapé, aujourd’hui âgé de 76 ans, se livrait à un « trafic de drogue ».
Aucune possibilité d’appel
Arrêté avec son fils en 2011, Brooker fait depuis les frais de l’une des législations les plus sévères du pays en matière de détention et de consommation de cannabis. L’Alabama est l’un des rares Etats américains avec le Dakota du Sud, la Louisiane et le Mississippi à condamner automatiquement à la perpétuité réelle toute personne trouvée en possession de plus de 1 kilo de marijuana et ayant déjà fait l’objet d’une condamnation. Les plants de M. Brooker pesaient 1,2 kilo et l’homme avait été condamné vingt ans plus tôt à dix ans d’emprisonnement pour vol à main armée. La peine plancher lui a donc été appliquée, sans possibilité d’appel.
Le juge qui l’a condamné en était navré, expliquant que s’il avait pu se montrer moins sévère, il l’eût fait. Et l’an dernier, alors que la justice de l’Etat venait de rejeter l’appel de M. Brooker, le Chief Justice de la Cour suprême d’Alabama, Roy Moore, avait même estimé cette sanction « excessive et injustifiée », invitant l’Etat à revoir sa justice pénale. Les avocats de M. Brooker se sont donc tournés vers la Cour suprême des Etats-Unis, estimant que le sort réservé à leur client relevait d’une punition « cruelle et inhabituelle » violant le 8e amendement de la Constitution.
Un symbole des excès de la justice
Les juges devaient annoncer ces jours-ci leur décision de réexaminer ou non ce cas, symbolique des outrances de la machine judiciaire, auquel le New York Times a consacré le 14 avril un éditorial indigné. L’affaire choque d’autant plus l’opinion que le débat sur les peines minimales obligatoires, notamment appliquées depuis vingt-cinq ans dans les affaires de drogue sans violence, est relancé régulièrement par le président américain Barack Obama, qui prône une réforme du système.
Les malheurs de Lee Carroll Brooker surviennent aussi alors que la société se montre moins répressive à l’égard de la marijuana. Vingt-trois Etats et le district de Columbia autorisent son usage à des fins médicales ; quatre ont légalisé sa culture, en quantité limitée, et sa consommation à des fins récréatives. Visiblement, M. Brooker ne vivait pas au bon endroit.
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