Quel est le point commun entre Babe le cochon, les aliens de Prometheus, et le personnage de Maz dans Star Wars VII ? Un homme : Neal Scanlan, professionnel des effets spéciaux depuis 1984 et Le retour du magicien d’Oz. A l’occasion de la sortie du Réveil de la Force en DVD, Blu-Ray et VOD le 16 avril, Pixels s’est entretenu avec celui qui a supervisé les 110 créatures du film – dont l’immense majorité en costumes et animatroniques plutôt qu’en images de synthèse. Et l’a interrogé sur ses relations à ces bestioles faites de poil, de fils électroniques et d’amour.

Star Wars VII introduit plusieurs nouvelles créatures majeures. L’une des plus importantes est Maz Kanata, qui ressemble à une sorte de croisement entre Yoda et E.T. Pourriez-vous expliquer comment est né son design ?

Maz Kanata dans Star Wars VII a été imaginée par J.J. Abrams. | Disney

J.J. Abrams avait déjà une certaine idée du personnage et de son importance. Or pour que vous puissiez vous identifier à une créature, il y a certaines règles à respecter, comme le fait qu’elle ait des yeux expressifs et un visage qui ne soit pas abstrait. Yoda était une bonne base de départ, très emblématique, on s’en est beaucoup inspiré, tout en essayant de prendre un peu de liberté. C’est comme ça que nous sommes arrivés à Maz.

Snore, le spectre géant, est l’un des personnages les plus contestés à la sortie du film, avec sa stature plus proche d’un personnage du Seigneur des Anneaux que d’un Star Wars classique. Pourquoi cette apparence ?

C’était voulu. Il faut à un moment donné un personnage de grande taille, impressionnant, mais en même temps on voulait qu’il paraisse à la fois effrayant et distant, comme un observateur, d’où l’idée de l’hologramme.

D’un point de vue pratique, quelle créature a été la plus difficile à concevoir ?

Le gros hippopotame que l’on voit boire de l’eau au début. Nous ne savions pas comment faire, personne n’avait tenté quelque chose comme ça, on s’est donc inspiré de War Horse. Nous avons placé cinq personnes dans la créature, une dans chaque jambe et une dans la tête. C’était un vrai défi, effrayant mais très drôle.

Le "Happobore" en plein tournage. | David James pour Disney

En tant que créateur, avez-vous un attachement particulier pour les créatures à qui vous donnez naissance ?

Je suppose, oui. J’ai beaucoup d’attachement pour Babe, le cochon, c’était un film fantastique, qui m’a permis de gagner un oscar. Dans tout film on s’implique, il faut mettre de la passion, et donc forcément, oui, on s’attache aux créatures.

Est-ce qu’il vous est déjà arrivé d’être dégoûté par vos propres bestioles, quand vous cherchiez à les rendre particulièrement ragoûtantes ?

Je n’ai jamais été dégoûté ou horrifié par une de mes créations, même dans Prometheus, où il y a pourtant un alien qui sort d’un ventre. C’est très gore dans le principe, mais en réalité c’est très drôle à faire.

Prometheus étend l'univers très codifié de la série Alien, avec ses créatures célèbres. | Prometheus

Justement, pour vous, quelle a été la différence entre Star Wars et Prometheus ?

Prometheus a été fabuleux, parce que Ridley Scott est un type génial, qui a lui aussi cette approche classique des effets spéciaux, mais Star Wars est le meilleur film sur lequel j’ai travaillé. Prometheus s’inscrivait dans une série très codifiée, les « Aliens », alors que « Star Wars » est un monde très ouvert où tout est possible, il n’y a pas de limites. Non seulement les gens ne vous en veulent pas si vous créez quelque chose qui n’existait pas avant, mais c’est même exactement ce qu’ils veulent. C’était une occasion géniale.

Une fois que les films sont terminés, qu’advient-il des créatures que vous avez mises en place ?

LucasFilm est très bien pour ça : ils les archivent, les scannent, les dessinent, et les stockent en attendant que leur futur soit décidé. Certains seront réutilisés, d’autres serviront dans des conventions pour fans, où ils seront exposés.

En France, à Lyon, un musée des effets spéciaux récupère et restaure de nombreux célèbres animatroniques d’Hollywood, comme le tricératops de Jurassic Park ou la reine Alien de Aliens vs Predator. Quand on fait votre métier, est-ce qu’il y a un désir de voir ses créations finir dans ce genre de musée ?

W.A.

Si ça ne tenait qu’à moi, oui, et j’adorerais voir ce musée. Les gens ont besoin de voir les effets spéciaux, car découvrir une maquette en vrai, c’est une expérience tout autre que de la voir dans un film.

Mais le silicone employé dans les maquettes de créatures vieillit très mal, ce qui rend leur conservation difficile, n’est-ce pas ?

C’est vrai. Quand on a commencé à travailler sur le personnage de Chewbacca, on a voulu voir le costume d’époque, et celui-ci s’était considérablement dégradé, il était vieux, tombait en lambeaux. C’est un peu triste, mais en même temps ce n’est pas grave. Pour moi, c’est comme une momie égyptienne. Paradoxalement, voir ce vieux costume attaqué par le temps, ça me le rend réel. Oui, les créatures vieillissent.

On vous sent attaché au dépérissement de ces êtres de fiction. Non ?

On pourrait faire des répliques pensées pour la conservation, mais ce vieillissement, ces bouts qui partent, ils montrent petit à petit ce qui est caché sous la fausse peau, ils montrent les entrailles mécaniques des créatures. Et c’est très bien, en fait. Vous savez, j’ai appris le métier en visitant des musées, et se confronter à la chose réelle, c’est un bon point d’entrée dans les effets spéciaux.