Les délégués à la convention républicaine : casse-tête arithmétique pour Donald Trump
Les délégués à la convention républicaine : casse-tête arithmétique pour Donald Trump
Le Monde.fr avec AFP et Reuters
Cruz, Kasich et le GOP misent sur une « convention négociée » et Donald Trump crie au complot tout en accusant désormais le parti républicain de lui voler la victoire.
« Je suis un nouveau venu dans le système et j’ai remporté les voix de millions d’électeurs, mais le système est truqué. C’est de l’escroquerie », a déclaré lundi Donald Trump à la chaîne Fox News. | CARLO ALLEGRI / REUTERS
La campagne de Donald Trump est en train de changer de braquet : depuis qu’il s’est lancé, le 16 juin 2015, il mène une « campagne d’insurgé ». Il a bousculé le Parti républicain et réécrit les règles du jeu à mesure que la campagne se déroulait. Cette stratégie, qui s’appuie sur des slogans simples, voire simplistes, sur les sujets de politique étrangère, lui a permis de réaliser un hold-up sur les primaires et d’évincer les caciques du parti : Jeb Bush et Marco Rubio.
Mais, après s’être focalisé sur les primaires, il réalise qu’il faut se concentrer sur un travail plus ingrat : la collecte de délégués dans chaque Etat, en vue de la convention républicaine de Cleveland, du 18 au 21 juillet.
Faible avance et convention négociée
Le magna de l’immobilier totalise 743 délégués, contre 545 pour Cruz, selon le New York Times, sur les 1 237 nécessaires pour décrocher l’investiture. Il a remporté 37 % des votes aux primaires et 46 % des délégués alloués, mais ses scores sont les plus faibles pour un candidat à la primaire républicaine, relève FiveThirtyEight.
En 2008, John McCain avait déjà pris la tête de la primaire face à Mitt Romney, avant de se débarrasser de Mike Huckabee. En 2012, Mitt Romney avait déjà décroché Rick Santorum.
Karl Rove, principal conseiller et stratège politique de George W. Bush, estime que Trump pourrait décrocher entre 85 et 90 délégués lors de la primaire de l'Etat de New York. | MIKE SEGAR / REUTERS
Face à lui, Ted Cruz et John Kasich s’accrochent. Les récentes victoires de Cruz, sénateur du Texas, ralentissent Donald Trump pour l’obtention de cette majorité absolue qui lui permettrait de décrocher l’investiture avant la convention.
Ses deux concurrents savent que Trump remportera la primaire de l’Etat de New York (95 délégués), le 19 avril : les sondages lui sont favorables, comme le suggère une enquête d’opinion de l’université de Quinnipiac. Karl Rove, principal conseiller et stratège politique de George W. Bush, estime que Trump pourrait décrocher entre 85 et 90 délégués. De fait, Cruz et Kasich ne font pratiquement pas campagne dans l’Etat de New York et n’y dépensent pas un cent.
Mais ils misent sur la suite du calendrier, qui sera plus compliquée pour lui et se clôturera le 7 juin, avec des primaires dans cinq Etats dont la Californie, où 172 délégués sont en jeu.
Cruz, Kasich et le GOP qui ont fait du « tout sauf Trump » leur mot d’ordre, misent sur une « convention négociée » dans l’hypothèse où aucun des candidats en lice ne disposerait de la majorité.
Dans ce cas, plusieurs tours de scrutin pourront être organisés avec la possibilité pour certains délégués de changer de candidat. En cas de majorité relative, les délégués à la convention sont tenus au premier tour de voter pour le candidat qu’ils représentent, mais ils sont libérés au second tour de cette obligation.
Capacité d’organisation de Ted Cruz
Le Washington Post constate que Trump est débordé par un Ted Cruz qui se montre plus habile sur le terrain, ce qui ne manque pas de sel pour un homme d’affaire qui a écrit un best-seller sur l’art de la réussite dans le monde des affaires intitulé The Art of The Deal.
Les équipes de Cruz se moquent, à raison, de la méconnaissance de Trump du système politique américain. « Le sénateur Cruz connaît les règles », indiquait sur CNN Judson Phillips, partisan de Cruz et fondateur de l’ultraconservateur Tea Party. Trump « ne connaît pas les règles, et n’a personne sur place qui connaît les règles », a-t-il conclu.
Le système d’attribution des délégués républicains est complexe puisque chacun des 50 Etats observe des règles particulières, soit à la proportionnelle, soit à la majorité simple, soit en suivant un système hybride dans lequel interviennent les circonscriptions locales, soit en mêlant proportionnelle et scrutin majoritaire, comme l’indique RealClearPolitics, dans un tableau récapitulatif des primaires qui présente les règles d’allocations des délégués.
Sur le terrain, les équipes de Ted Cruz sont très efficaces dans les Etats où les procédures de désignation des délégués sont particulièrement complexes, comme le Colorado, le 8 avril, ou en Louisiane, le 5 mars. Donald Trump y a remporté la primaire, aux voix (41,4 %), devant Ted Cruz (37,8 %), mais les deux hommes se retrouvent à égalité en nombre de délégués (18 chacun).
Politico enfonce le clou : Trump a tout simplement fait l’impasse sur le processus de sélection des 800 délégués à la convention républicaine du Nebraska qui enverront 33 délégués à la convention, qui se tiendra le 10 mai.
Les équipes de Ted Cruz sont très efficaces dans les Etats où les procédures de désignation des délégués sont particulièrement complexes. | MIKE BLAKE / REUTERS
Trump s’est insurgé lundi du fait que Cruz, arrivé troisième lors de la primaire en Caroline du Sud en février, ait récupéré samedi trois délégués, comme le souligne Politico, grâce à une réunion de circonscription dans cet Etat.
« Ils essaient maintenant de ramasser les délégués un par un », a ironisé Donald Trump sur Fox News, constatant que les équipes de Ted Cruz réussissent à récolter des délégués dans l’Iowa, l’Indiana, la Georgie ou le Tennessee. « Ce n’est pas comme cela que la démocratie est censée fonctionner. Ils leur offrent des voyages, ils leur offrent toutes sortes de choses. On peut acheter tous ces votes », a-t-il ajouté. « Qu’est-ce que c’est que ce système ? C’est un système frauduleux », a-t-il poursuivi.
Après New York, la primaire républicaine passera par la Pennsylvanie, le 26 avril, [et le Connecticut (28 délégués), le Delaware (16 délégués), le Maryland (38 délégués) et Rhode Island (19 délégués)] où Donald Trump est donné vainqueur mais où son organisation n’est pas très présente, sur le terrain. Cinquante-quatre des 71 délégués à la convention seront directement élus par les électeurs participant à la primaire et le résultat pourrait être surprenant, les électeurs n’étant pas nécessairement conscience des intentions des délégués, relève Time.
Déni de démocratie, selon Donald Trump
Donald Trump perçoit la menace du travail de terrain de Ted Cruz. Pour étoffer sa campagne, il a dépêché un directeur de campagne expérimenté pour préparer la primaire de Californie, le 7 juin.
Surtout, il a recruté Paul Manafort, un stratège républicain depuis les années 1970 au poste de responsable des conventions. En 1976, ce dernier travaillait pour Gerald Ford, qui avait emporté la nomination face à Ronald Reagan, même s’il n’avait pas, en arrivant à la convention, le nombre suffisant de délégués.
« Allez dans ces conventions locales et vous verrez les méthodes, des méthodes de la Gestapo, une tactique de la terre brûlée », a déclaré Paul Manafort, à propos de la stratégie de Ted Cruz.
Donald Trump's Convention Manager Paul Manafort (Full Interview) | Meet The Press | NBC News
Durée : 06:40
De son côté, Donald Trump se répand et crie au complot. Il accuse le Parti républicain de lui voler la victoire. « C’est un système malhonnête, a dénoncé Trump dimanche lors d’un meeting électoral à Rochester, dans l’Etat de New York. Nous sommes censés être une démocratie. Nous sommes censés être (dans un système où) on vote et où cela signifie quelque chose. »
I win a state in votes and then get non-representative delegates because they are offered all sorts of goodies by Cruz campaign. Bad system!
— realDonaldTrump (@Donald J. Trump)
« Je suis un nouveau venu dans le système et j’ai remporté les voix de millions d’électeurs, mais le système est truqué. C’est de l’escroquerie », a déclaré lundi Donald Trump à la chaîne Fox News.
Reince Priebus, le président du Comité national républicain s’est contenté de lui répondre que le processus de désignation du candidat à l’investiture est connu depuis plus d’un an et qu’il est un peu tard pour s’en plaindre.