A l’approche de Cannes, les films de prestige avec de grands noms au générique se raréfient. Ce qui laisse plus d’espace aux auteurs méconnus, cette semaine José Luis Guerin ou Claire Simon, aux divertissements qui fleurissent à l’approche des vacances scolaires (Le Livre de la jungle) ou à des rééditions inattendues – les courts-métrages de Fatty Arbuckle.

Parler l’amour : « L’Académie des muses », de José Luis Guerin

FA - L'Académie des muses de José Luis Guerin - SORTIE LE 13 AVRIL 2016
Durée : 01:53

Défini par l’auteur comme une « expérience pédagogique », ce long-métrage assemble, dans une université catalane, autour d’un professeur de littérature, un aréopage féminin dans lequel le maître cherche la figure de la muse. Entamé sur le mode du documentaire – on croit, à raison, que le professore (il est italien) Raffaele Pinto a réellement créé un atelier de recherche sur les équivalents contemporains de la Béatrice de Dante, ou de l’Héloïse d’Abélard – le film du cinéaste catalan glisse vers la fiction, un labyrinthe de désirs et d’attractions dans lequel se perd le protagoniste. Au fil des séquences, il perd sa position centrale au profit de celles qu’on avait d’abord prises pour ses élèves. Les dialogues éthérés, les visages filmés à travers les vitres ou les pare-brise disent à la fois l’exaltation érotique du langage et la souffrance de l’amour. Alors qu’on craignait au départ de respirer la poussière des amphithéâtres, on se laisse prendre au parfum capiteux d’un film doux et cruel. T.S.

Film espagnol de José Luis Guerin. (1 h 32).

Petite grenouille et les fauves de pixels : « Le Livre de la jungle », de Jon Favreau

Le Livre de la Jungle - Extrait : Shere Khan
Durée : 00:59

A sa mort, en 1966, Walt Disney laissait derrière lui un long-métrage, le dernier qu’il ait supervisé en personne, Le Livre de la jungle. Un demi-siècle plus tard, le studio qu’il a fondé propose une nouvelle version des contes de Rudyard Kipling. L’animation bon enfant a laissé la place à l’alliage des prises de vues réelles (qui montrent Neel Sethi, le jeune interprète du rôle de Mowgli, la « petite grenouille », jeune humain abandonné dans la forêt, recueilli par une panthère qui l’a confié à une meute de loups) et une faune de pixels d’une vraisemblance saisissante. Panthère, ours et python ont la voix de Ben Kingsley, Bill Murray ou Scarlett Johansson, et donnent à ce divertissement spectaculaire une dynamique tour à tour comique et tragique bien plus proche de l’esprit de Kipling que ne l’était le dessin animé de 1967. T.S.

Film américain de Jon Favreau, avec Neel Sethi. (1 h 42).

Un autre livre de la jungle : « Le Bois dont les rêves sont faits », de Claire Simon

LE BOIS DONT LES REVES SONT FAITS bande-annonce
Durée : 01:42

Au fil des saisons, la réalisatrice a filmé le bois de Vincennes. Devant sa caméra elle fait surgir des communautés éphémères – Cambodgiens de Paris réunis pour le Nouvel an, cyclistes filant sur les allées et des solitudes irrémédiables – ermite dans une cabane, prostituée prisonnière de son petit bout de forêt. Claire Simon confère à ce coin de Paris, où l’on n’est jamais loin du périphérique, autant de magie que la forêt de Brocéliande. T.S.

Documentaire français de Claire Simon. (2 h 36).

La revanche d’un rond : trois courts-métrages de Roscoe « Fatty » Arbuckle

Rival de Chaplin jusqu’en 1921, ce garçon tout rond au visage ravissant faisait preuve à l’écran d’une agilité et d’une souplesse inouïes. Derrière la caméra, il orchestre une folie burlesque qui emporte tout sur son passage. En 1921, un scandale sordide brise sa carrière. Accusé de viol, il faudra trois procès pour l’innocenter définitivement, mais il ne retrouvera jamais sa popularité. La ressortie en salle de trois de ses meilleurs films courts permet de découvrir la débauche d’énergie qui alimentait son cinéma, préfiguration des univers de Tex Avery ou de Jim Carrey. I.R.

Trois courts-métrages de Roscoe Arbuckle. (1 h 03).