L’origine québécoise du « mentorat »
L’origine québécoise du « mentorat »
Par Pierre Jullien
Le mot de l’emploi de Pierre Jullien. Né au Québec, le mentorat permet à un débutant de bénéficier des conseils et des connaissances d’une personne plus expérimentée. Un système encore récent en France.
Le 23 mars 2016, mentors et mentorés travaillent sur un moteur dans l'atelier de réparation automobile du pénitencier d'Etat de Louisiane, aux Etats-Unis. | Gerald Herbert / AP
Le Danemark est aujourd’hui érigé en modèle pour son système de mentorat contre la radicalisation djihadiste. Lancé officiellement par le gouvernement en septembre 2014, ce système est fondé sur des contacts réguliers entre un jeune signalé et un adulte référent, son mentor.
Le prix LVMH pour les jeunes créateurs de mode ou le prix « Incubateur » du concours international Google Science, outre un chèque d’un montant substantiel, récompensent les gagnants d’un accompagnement sous la forme d’un « mentorat ».
Les nouveaux sachants
Sylvie Husson et Sandra Lacut relèvent, pour leur part, dans un récent répertoire consacré à la « novlangue du monde du travail » publié par l’AFP, la notion de « mentorat inversé » : le « partage de connaissances entre des employés jeunes et subalternes, très au point dans les nouvelles technologies, et des plus anciens ».
Le Petit Larousse illustré en donne comme origine le Québec (Canada) qui définit une « aide apportée à un débutant par son mentor », « mentor » désignant, en France, un « guide attentif », et au Québec, une « personne expérimentée qui contribue, bénévolement ou non, au développement personnel ou professionnel d’un débutant ».
L’Office québécois de la langue française donne pour définition du mot : « Aide personnelle, volontaire et gratuite, à caractère confidentiel, qui est apportée par un mentor sur une longue période, pour répondre aux besoins particuliers d’un mentoré en fonction d’objectifs liés à son développement personnel et professionnel ainsi qu’au développement de ses compétences et de ses apprentissages dans une activité donnée », avant de préciser qu’« il ne faut pas confondre le mentorat avec d’autres formes d’aide, comme le tutorat et l’entraide entre pairs ».
L’usage de ce mot – synonyme de management, tutorat, parrainage, coaching – semble récent dans notre pays. En attestent les archives informatisées du Monde qui en relèvent la première utilisation en 1996.
Mais rendons à Mentor ce qui revient à Mentor ! Dans la mythologie grecque, Mentor est le précepteur de Télémaque, fils d’Ulysse. « Fénelon a continué et développé cette fiction dans son Télémaque [1699], et fait de Minerve sous la figure de Mentor le gouverneur de ce jeune prince », explique Littré, qui ne reconnaît pas « mentorat », tout comme le Trésor de la langue française informatisé.
Ainsi, le nom de Mentor, dès le début du XVIIIe siècle, passe dans le langage courant pour désigner une personne expérimentée qui accompagne dans un rôle formateur une autre personne, souvent plus jeune et moins expérimentée. Mythologie toujours, un mentor ne doit pas être confondu avec un pygmalion, « personne amoureuse d’une autre et qui la conseille et la façonne pour la conduire au succès » (Le Petit Larousse).
Entre intelligence et mensonge
Dans la famille du mot, dont les principaux ancêtres latins sont mens (« intelligence », « pensée ») et mentior (« mentir »), « mandarin » (…) « s’appliquait autrefois aux hauts fonctionnaires d’un certain nombre de pays d’Asie. Altéré par le portugais mandar, « ordonner, commander », c’est un emprunt au malais mantari, lui-même emprunté au sanskrit mantrin, « conseiller d’Etat » ; un mantra, est un conseil, une formule sacrée, une prière brahmanique », explique le site associatif Projet Babel.