On a testé… « Dark Souls 3 », la difficulté sublimée en apothéose
On a testé... « Dark Souls 3 », la difficulté sublimée en apothéose
Par Daniel Andreyev
Le dernier volet de la saga reste fidèle aux valeurs de la série, notamment sa difficulté, tout en proposant une expérience vraiment immersive.
Dark Souls, la série culte, s’achève, mardi 12 avril, avec la sortie en Europe de Dark Souls 3 sur PC, Xbox One et PlayStation 4 (déconseillé aux moins de 16 ans). Pour le jeu de rôle japonais qui a rendu ses lettres de noblesse au mot « défi », c’est une question d’honneur. Il part sur une apothéose.
Depuis qu’elle existe, Dark Souls est sans doute la série de jeux la plus gratifiante et la plus intimidante qui soit. Une joie toute simple, c’est d’y trouver un feu de camp, seul moment de répit et de solitude dans un monde hostile où la mort est omniprésente. Explorer cet univers, c’est retrouver la mélancolie de la visite des ruines d’un asile de fou dans une contrée lointaine : le temps, la rouille et la poussière ont recouvert l’histoire de ce monde. C’est au joueur seul, prisonnier dans un corps immortel, de recoller les morceaux et comprendre ce qui arrive, du mieux qu’il peut. Et pour cela, il va affronter les pires ennemis des terres de Lothric, ce qui implique dragons, chevaliers, prêtres fous, papes maudits et également un arbre géant aux parties génitales purulentes. C’est Donjons & Dragons à son meilleur.
DARK SOULS Ⅲ GamePlay Footage 【PSX 2015】
Durée : 04:07
Pourtant, Dark Souls 3 est, en apparence, l’épisode le plus direct de la série. Là où ses prédécesseurs s’exploraient de manière concentrique, en va-et-vient, en augmentant son rayon d’action comme pour une battue, cet épilogue donne l’impression de filer tout droit. Jusqu’à ce qu’il éclate entre les mains du joueur. Son concepteur, From Software, n’a pas changé sa formule... sauf que pour le troisième et dernier acte de cette épopée, il déploie le tapis rouge.
Scénario fouillé
Il n’est bien entendu pas nécessaire de connaître tout le « lore » – le contexte scénaristique – de la série pour se lancer dans Dark Souls 3. C’est d’ailleurs l’épisode où les éléments narratifs sont encore plus effacés, s’appuyant souvent sur des clins d’œil, comme une récompense aux fans fidèles. Depuis 2009, Dark Souls s’exprime d’avantage par son architecture. Elle est ici encore plus gigantesque. Le réalisateur Hidetaka Miyazaki prouve encore la finesse de sa conception. Ce n’est pas seulement la construction des décors qui est hors du commun : il s’agit ici de tous les éléments de créations, qu’ils soient mécaniques, narratifs, esthétiques ou sonores qui s’entremêlent pour former un tout. C’est un design total au service d’une expérience unique.
Les combats ont changé, ils sont plus vifs et rapides que d’habitude. Ce changement, il est dû à Bloodborne. Cousin de la série, le jeu a redéfini la norme de l’expérience Souls. On y affrontait ses ennemis à l’aide du duo arme blanche-tromblon. Sans aller jusqu’à l’arme à feu, Dark Souls 3 a musclé le rythme des affrontements pour obliger l’aventurier à ne pas rester passif derrière un bouclier. Les ennemis sont aussi plus nombreux, déboulant en horde dès qu’ils vous repèrent. L’influence de Bloodborne se sent jusque dans le design des donjons et des bourgs. From Software est un éditeur où la création semble perpétuelle, toujours dans l’autoréférence, comme dans un roman épique où l’on découvre de nouvelles reliques et de nouveaux donjons à chaque fois qu’on y replonge. C’est difficile : on meurt, on ressuscite, mais c’est à chaque fois qu’on est le plus proche de la mort que l’aventure est la plus excitante.
Si l’expérience est difficile, les ombres d’autres joueurs hantent le monde de Lothric. On sait qu’on n’est jamais seul dans notre défi. Le mode PvP, où l’on affronte d’autres joueurs, est aussi très riche. On peut toujours faire appel à des amis, via des options simplifiées, reprenant dans les grandes lignes celles du premier opus. Il est toutefois possible de verrouiller sa partie par un mot de passe comme dans Bloodborne. Pour la première fois, on peut aussi se parler par chat vocal. La communauté Souls est une de ces belles réunions qui se réapproprient le système Dark Souls pour en faire autre chose, avec ses codes. C’est plus qu’une petite fonction sociale, le jeu en ligne y est un véritable rendez-vous.
Commencée comme un jeu de niche difficile avec Demon’s Souls, la série a ensuite évolué pour devenir un succès populaire et un objet de culte. Ce qui est peut-être devenu son principal handicap. Comment faire quelque chose de nouveau chaque année ? Ce troisième volet, si respectueux de la formule qu’il en devient classique, n’est lui-même pas exempt de défauts. Les ralentissements sont fréquents, tout du moins dans une version pré-patchée du jeu. L’écriture elle-même souffre de ce succès, avec des dialogues un peu paresseux, proches d’un fan-service pas toujours très subtil. Dark Souls 3 doit lutter contre la figure du premier épisode, œuvre à la fois culte et fondatrice.
Le défi des boss
L’enjeu pour Dark Souls 3, c’était aussi de maintenir la tension lors des combats contre les boss. Quand on est une suite, il n’y a plus l’effet de surprise. Ce qui reste après toutes ces années, c’est le défi extrême des affrontements. Quand toutes les grosses productions baissent le niveau pour des raisons commerciales, pour plaire à un plus large public, Hidetaka Miyazaki et From Software ne transigent pas. On va mourir des dizaines de fois contre le même grand chevalier qui nous extermine en deux coups. On comprend, on analyse, on réfléchit car il n’y a pas d’autres choix. Devenir le Dark Soul implique de sortir de sa zone de confort. Poussé dans ses derniers retranchements, le joueur va progresser et prendre confiance. A la fin, on finit par vaincre l’ennemi presque sans se faire toucher, parce qu’on l’a dans la peau. Les mains tremblantes, on comprend qu’il ne suffit pas de battre son adversaire, il faut aussi élever son jeu au rang d’art. Comme un maître.
Dark Souls 3. | From sofware
Résultat, quand s’achève Dark Souls 3, on est traversé par un sentiment de satisfaction. Il faut de l’orgueil pour finir cette aventure qui s’achève comme le dernier tome d’un roman intense. Comme un livre dont vous étiez le héros. Dans ce Retour du roi, on s’est réjoui, on a crié, on a pleuré. Genou à terre, on a parfois remis à plus tard. Souvent, on a failli renoncer. C’est là toute la beauté de Dark Souls, le seul jeu qui se permet de nous faire la leçon, à chaque recoin de donjons : il ne faut jamais abandonner. On est beaucoup plus fort qu’on ne le croit.
L’avis de Pixels
C’est plutôt pour vous si…
- Vous aimez les défis.
- Donjons & Dragons vous manque.
- Vous avez envie d’un jeu épique et intelligent à la fois.
- Vous êtes intrigué mais un peu craintif face à la difficulté de la série : Dark Souls 3 est le plus accessible des épisodes.
Ce n’est plutôt pas pour vous si…
- Vous avez les nerfs sensibles.
- Vous aimez les jeux modernes qui vous indiquent précisément ce qu’il faut faire, avec une carte et des petits réticules partout.
On a aimé…
- Les châteaux, les villages dévastés, les cathédrales maudites…
- Un final grandiose.
- Les boss !
- Le jeu en ligne, beau et éloquent.
On n’a pas aimé…
- Les ralentissements.
- Penser aux autres jeux dont les aspirations semblent si petites et modestes comparées à Dark Souls 3.
La note de Pixels : 666