Pour Pâques, Athènes met les abats au plus haut
Pour Pâques, Athènes met les abats au plus haut
Par Adéa Guillot (Athènes, correspondance)
Ce premier dimanche de mai est la fête la plus importante pour les Grecs orthodoxes. Un rendez-vous religieux, familial et national, qui met les abats d’agneau à l’honneur.
La boucherie ne désemplit pas, et M. Costas se frotte les mains. Dimanche 1er mai, c’est jour de fête. Les Grecs célèbrent Pâques, ou la résurrection du Christ, un événement et une réunion de famille bien plus importants que Noël pour les chrétiens orthodoxes. Et, comme chaque année, M. Costas a fait venir de son Péloponnèse natal des centaines d’agneaux qui seront sacrifiés dimanche. Un épais nuage odorant de viande grillée devrait alors recouvrir entièrement la Grèce.
Soupe d’abats en rentrant de l’église
« Monsieur Costas, vous m’avez mis de côté de bons abats bien frais ? Elles sont comment vos tripes ? », demande, toute de noir vêtue, la vieille Evdokia, une habituée de cette boucherie du quartier de Pangrati, en plein cœur d’Athènes. « Ça, c’est pour la magiritsa. Dis, la Française : tu manges bien de la magiritsa ? » Pas question de dire non. L’offense serait trop grande.
Cette soupe d’abats, préparée pendant de longues heures le samedi précédant Pâques, est le premier rendez-vous familial incontournable. On la savoure en rentrant de l’église dans la nuit de samedi à dimanche. « Après quarante jours de carême, on a enfin le droit de manger de la viande et on commence avec ça », explique le boucher.
« Mes enfants et mes petits-enfants vont venir chez moi dès samedi soir, pour qu’on aille à l’église tous ensemble », raconte Evdokia. Les plus fervents suivent toute la liturgie qui commence samedi vers 19 heures et se termine juste après minuit. Moins rigoristes, les familles ont plutôt tendance à arriver dans le dernier quart d’heure. Les jeunes enfants portent alors fièrement leur lambada, un grand cierge souvent customisé, offert quelques jours plus tôt par les parrains et marraines.
Dix minutes avant que minuit sonne, les bougies s’allument les unes après les autres. « Et puis, à minuit pile, on s’embrasse tous, on se dit Christos anesti, le Christ est ressuscité, et on casse les œufs. C’est un joli moment », affirme, prosélyte, Evdokia.
Unité nationale
« Moi, je ne suis pas très pratiquante », intervient une jeune femme venue elle aussi acheter plusieurs mètres d’intestins pour enrouler, dimanche, le kokoretzi, une autre spécialité à base d’abats, grillés, cette fois-ci. « Mais on va tous à l’église, même ceux qui ne croient pas. On peint les œufs en rouge avec les enfants, le jeudi qui précède Pâques. On suit tous l’épitaphe – le cercueil du Christ –, qui fait le tour du quartier, le vendredi. C’est culturel plus que religieux. C’est un vrai moment d’unité nationale. »
Unité nationale qui se prolonge le dimanche, donc. A l’aube, les hommes sortent les barbecues, empalent l’agneau et commencent doucement à le cuire à la broche. Les heures de cuisson sont l’occasion de passer du temps en famille. En musique, aussi. Parfois, en dansant.
Dans certains villages, toute l’opération est collective. De grandes tables sont dressées sur les places publiques. Les enfants apprennent à arroser de citron et de thym la chair craquante, et lorsque, enfin, la viande est servie, vers 15 heures ou 16 heures, accompagnée de salades parfumées, on passe à table et on admire ce savoir-vivre-ensemble.