Laurent Blanc félicite Adrien Rabiot, buteur face à Chelsea, le 9 mars, à Londres. | KIRSTY WIGGLESWORTH / AP

Allait-il enfin arborer un sourire radieux et se départir de son air sévère et professoral ? En pénétrant dans l’auditorium bondé de Stamford Bridge, Laurent Blanc ne s’est pas déridé d’un iota après la victoire (2-1) du Paris-Saint-Germain sur la pelouse des Londoniens de Chelsea, mercredi 9 mars, en huitièmes de finale retour de la Ligue des champions. Arraché grâce à une passe décisive et un but de l’icône suédoise Zlatan Ibrahimovic, ce succès de prestige couronne pourtant le travail réalisé par l’entraîneur cévenol depuis son arrivée aux commandes de l’équipe de la capitale, en juin 2013.

Cette victoire en terre hostile scelle surtout la quatrième qualification d’affilée du PSG en quarts de finale de l’épreuve reine du continent depuis son rachat en 2011 par le fonds Qatar Sports Investments (QSI). Sous l’ère Blanc, c’est la troisième fois consécutive que le club figure parmi le Top 8 européen.

Devant les journalistes, le « Président », 50 ans, dont plus de quatre décennies passées sur les terrains de football, a encore semblé en quête de légitimité et sur la défensive. Soucieux de justifier ses choix, la mine renfrognée, il est revenu méthodiquement sur les dessous de son succès comme ce fut le cas après la manche aller – remportée sur le même score – par ses protégés, le 16 février au Parc des Princes. L’ancien libero légendaire des Bleus (97 sélections entre 1989 et 2000), champion du monde en 1998 et d’Europe en 2000, a insisté « sur l’expérience » que lui, « le premier »,« doit acquérir ».

Huit trophées nationaux sur neuf possibles

Fuyant depuis des mois les demandes d’interview, l’austère technicien a disserté avec gravité sur « l’aspect tactique » des matchs de Ligue des champions. « On a affaire à de grands joueurs, de grands techniciens », a confié dans un élan surjoué de modestie le Gardois, dont le bilan en tant que sélectionneur des Bleus (2010-2012) n’eut rien de déshonorant malgré une élimination (2-0) face aux tenants du titre espagnols en quarts de finale de l’Euro 2012.

Le successeur de l’expérimenté italien Carlo Ancelotti, que la presse sportive française avait élégamment qualifié de « choix par défaut » lors de son recrutement par les investisseurs de Doha, vient pourtant de faire mordre la poussière au Néerlandais Guus Hiddink, bientôt 70 ans, manageur expérimenté de Chelsea. Dans l’antre de Stamford Bridge, n’avait-il pas déjà pris sa revanche sur son prédécesseur portugais, José Mourinho, il y a tout juste un an, en terrassant les « Blues », également en huitièmes de finale de l’épreuve ? Laurent Blanc avait alors fait chuter de son piédestal le « Special One », l’arrogant technicien aux deux titres en Ligue des champions en 2004 et 2010. Il faut se rappeler que la saison précédente, pour sa première campagne européenne, Mourinho lui avait administré une leçon d’expérience en terres londoniennes, le privant du dernier carré.

Vainqueur de huit trophées nationaux – dont deux titres de champions de France – sur neuf possibles depuis sa prise de fonctions au PSG, Laurent Blanc vit sa meilleure saison en tant qu’entraîneur. Lui que son confrère Christian Gourcuff accusait, en mars 2014, de « tout déléguer » à son adjoint historique Jean-Louis Gasset, avec qui il faisait déjà la paire aux Girondins de Bordeaux et en équipe de France. En février, son contrat a été prolongé jusqu’en 2018 par les dignitaires de QSI. Même la désormais célèbre « affaire Aurier », où le latéral du PSG avait tenu des propos pas très amicaux envers son entraîneur, n’a visiblement pas déstabilisé un effectif de stars chevronnées avec lesquelles Laurent Blanc a établi un rapport de confiance.

« Je suis très fier pour notre coach », a clamé après la victoire à Londres le président qatari du PSG, Nasser Al-Khelaïfi, qui avait prévenu ses joueurs que « la défaite n’existait pas » avant la rencontre face aux « Blues ». Désireux « d’aller le plus loin possible » en Ligue des champions, l’homme de confiance des actionnaires de Doha a refréné ses ardeurs au fil des ans, accordant son discours avec celui de son entraîneur, plus enclin à pointer le « retard culturel » du PSG sur ses grands rivaux européens.

Le « Président » incarne la montée en puissance du PSG

« Le Real Madrid, Barcelone et le Bayern Munich ont une histoire européenne beaucoup plus riche que la nôtre, assurait Laurent Blanc au Monde, au printemps 2014. Mes dirigeants veulent remporter un jour cette Ligue des champions. Quand ? Vous ne pouvez pas fixer une date ou une saison précise. Quand vous arrivez une fois en huitièmes de finale, une fois en quarts ou en demies, vous vous rapprochez. » Prudent dans sa communication, jouant à l’éternel apprenti depuis son titre de champion de France décroché avec Bordeaux en 2009, le « Président » a su incarner la montée en puissance du PSG – écurie désormais dotée d’un budget pharaonique, avec plus de 500 millions d’euros cette saison – sur l’échiquier continental.

Programmé pour remporter toutes les compétitions nationales comme lors de l’exercice précédent, Laurent Blanc pourrait bientôt offrir à QSI un quatrième titre de champion de France d’affilée. Disposant de vingt-trois points d’avance sur son dauphin monégasque, le PSG sera une nouvelle fois couronné s’il s’impose chez la lanterne rouge troyenne, dimanche 13 mars, lors de la 30e journée de Ligue 1, et que l’équipe de la Principauté ne s’impose pas vendredi soir face à Reims.

Mais c’est à l’aune du parcours des Parisiens en Ligue des champions que le bilan de Laurent Blanc sera dressé, ausculté, disséqué à Doha en fin de saison. Au tour suivant, dont les manches aller et retour sont programmées les 5 et 12 avril, le technicien à l’éternelle barbe de trois jours espère surtout éviter son bourreau, le FC Barcelone, qui l’avait éliminé en quarts de finale en 2015 et deux ans plus tôt.

Car l’objectif de l’ancien défenseur des Bleus est bien de hisser pour la première fois le PSG version qatarie dans le dernier carré. Et ainsi d’égaler la performance réalisée par le club en 1995, sous l’ère Canal+. S’il y parvenait, Laurent Blanc percerait le plafond de verre qui circonscrit jusqu’à présent les visées européennes des bienfaiteurs qataris. Et pourrait enfin esquisser un sourire.