Vivendi prend une participation de 15 % dans la Fnac
Vivendi prend une participation de 15 % dans la Fnac
Le Monde.fr avec AFP
L’apport d’argent frais pourrait permettre au distributeur d’améliorer son offre de rachat de Darty
Lundi 11 avril, Vivendi et la Fnac ont annoncé « un partenariat stratégique », au terme duquel le groupe présidé par Vincent Bolloré entrera au capital de l’enseigne de produits culturels. Le géant de la musique et des médias va bénéficier d’une augmentation de capital réservée d’un montant de 159 millions d’euros, à un prix de 54 euros par action. Cette opération lui permettra de détenir environ 15 % de la Fnac et de détenir autant de droits de vote.
La part détenue par le groupe Artemis, holding familial de l’entrepreneur François Pinault, par ailleurs propriétaire du groupe de luxe Kering, sera diluée à l’issue de l’opération : il détiendra environ de 33 % du capital de l’enseigne, contre 38,8 % aujourd’hui. Mais Artemis conservera « son rôle d’actionnaire de référence », précise l’enseigne dans un communiqué publié lundi soir.
Cette augmentation de capital sera soumise à l’aval des actionnaires de la Fnac le 17 juin, lors de leur assemblée générale. Si elle est votée, Vivendi entrera au conseil d’administration de la Fnac. L’enseigne présidée par Alexandre Bompard s’est engagée à lui accorder deux sièges au sein d’un conseil qui en compte dix.
L’apport de cet argent frais et l’appui de Vincent Bolloré tombent à point nommé. Depuis l’automne, le distributeur aux 3,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires se débat pour mener à bien une OPA sur Darty. En novembre, la Fnac avait obtenu l’accord du conseil de Darty pour un rachat combinant échange d’actions et paiement en liquide. Mais le 18 mars, les administrateurs de l’enseigne au logo rouge et blanc avaient fait volte-face et s’étaient ralliés à la contre-offre du groupe sud-africain Steinhoff, maison-mère de Conforama.
Réalisée entièrement en cash, au prix de 125 pence par action, cette opération a pour l’instant la préférence des actionnaires du groupe Darty, coté à la Bourse de Londres. L’opération valorise le spécialiste de l’électro-ménager à 865 millions d’euros, soit quelques petits millions de plus que ce que proposait la Fnac (859 millions environ).
Depuis, la Bourse parie sur une surenchère de la Fnac. Le titre Darty ne cesse de gagner de la valeur : il se négociait plus de 130 pence ces derniers jours. « La Fnac peut se montrer un peu plus agressive », avancent les analystes financiers de CMC-CIC. Cette effervescence est attisée par les déclarations successives de l’enseigne de produits culturels. Lundi 11 avril, en même temps qu’elle annonçait son accord avec Vivendi, la Fnac a appelé dans un communiqué distinct les actionnaires de Darty à la patience. L’enseigne « recommande vivement aux actionnaires de Darty de ne prendre aucune décision concernant leurs actions à court terme », a-t-elle indiqué. C’est la deuxième fois depuis la mi-mars que la Fnac fait cette demande.
Plus grande puissance d’achat
A Ivry-sur-Seine, au siège de l’enseigne de produits culturels, M. Bompard s’active. Le rachat de l’enseigne d’électro-ménager, numéro un du marché français, est censé apporter à la Fnac une plus grande puissance d’achat et compresser ses coûts d’exploitation. Pour mener à bien cette première opération de croissance externe, le jeune patron « a fait le tour des banques », croit savoir une spécialiste de la distribution. Pour séduire les actionnaires de Darty, Alexandre Bompard doit augmenter la part de liquidités de son offre. Réalisée principalement par échange d’actions, sur la base d’un titre Fnac contre 37 de Darty, cette proposition a déjà été abondée par 95 millions d’euros en cash, en novembre 2015.
Cinq mois plus tard, les 159 millions d’euros apportés par Vivendi pourraient venir financer une surenchère. « Cette opération nous donne une plus grande flexibilité financière », reconnaît le porte-parole de la Fnac. Au passage, l’enseigne gagne un « actionnaire de poids, alors qu’Artemis a vocation à terme à sortir du monde de la distribution », soulignent les analystes de CMC-CIC.
Mais le calendrier est serré. Lundi 11 avril, Steinhoff a officiellement lancé son OPA. « Les actionnaires de Darty ont jusqu’au 2 mai pour apporter leurs titres », a annoncé le sud-africain. « Fnac étudie actuellement sa position », a réagi l’enseigne de produits culturels, tout en rappelant son rival à ses obligations. « Conforama s’est engagé dans son accord de coopération avec Darty à maintenir son offre ouverte pendant au moins 60 jours à compter du 11 avril 2016 », fait valoir l’enseigne. Comprenez : la Fnac estime avoir jusqu’au 11 juin pour surenchérir sur son rival. Il y a fort à parier que les actionnaires de Darty se détermineront à la dernière minute.
Outre la « flexibilité financière » que lui apporte l’accord avec Vivendi, la Fnac vante également les mérites d’un « partenariat stratégique ». « Ce projet a été mené de manière autonome, nous y travaillons depuis plusieurs mois », jure le porte-parole du distributeur.
S’ils n’étaient pas utilisés pour s’offrir Darty, les 159 millions d’euros apportés par Vivendi doivent permettre de financer « plusieurs chantiers ». L’enseigne dit vouloir notamment bénéficier des positions africaines de M. Bolloré. L’entrée au capital de Vivendi lui permettrait « d’accélérer l’internationalisation de la Fnac, notamment en Afrique subsaharienne », avance le groupe introduit en Bourse en 2013. L’enseigne aux 199 magasins dans le monde est déjà présente sur le continent africain, notamment en Côte d’Ivoire. L’appui de Vivendi permettrait aussi « d’accélérer la mutation de la Fnac », en développant son activité d’abonnements et en mettant en avant ses contenus culturels « à l’instar d’Amazon ».
De son côté, Vivendi estime possible de développer des partenariats de distribution de produits culturels avec l’enseigne, qui réalise 85 % de son activité dans les magasins. Le groupe évoque aussi l’accès à la base de données des clients de la Fnac (5,6 millions de titulaires de la carte Fnac, dont 3,6 millions en France).
D’autres s’interrogent sur les réelles intentions de M. Bolloré, habitué aux prises de contrôle rampantes, comme il l’a démontré chez Havas ou Vivendi. Le « deal » ne convainc d’ailleurs guère les spécialistes. « Cette opération inattendue risque de réduire la lisibilité de la stratégie de Vivendi », notent les analystes de CMC-CIC.