Le satellite 65 West A d’Eutelsat. | DR.

Rude baptême du feu pour Rodolphe Belmer. L’ex directeur général de Canal+, qui a pris les commandes d’Eutelsat le 1er mars en remplacement de Michel de Rosen, affronte sa première crise. L’action de l’opérateur de satellites a plongé de plus de 30 % vendredi 13 mai dès l’ouverture de la Bourse de Paris avant de clôturer à – 27 %. Les investisseurs ont très mal réagi à l’alerte sur les résultats émise la veille. Le groupe, qui tablait sur une hausse entre 4 % et 6 % pour l’exercice 2016-2017, anticipe désormais un recul de son chiffre d’affaires compris entre 1 % et 3 %. Il évoque des « conditions de marchés plus difficiles » et annonce qu’« un point stratégique détaillé sera présenté en juillet » lors de la publication des résultats annuels affirme le communiqué.

Baisse de la demande

Le français, troisième opérateur mondial, est le révélateur d’une crise qui couve depuis plusieurs mois dans un secteur confronté à un recul de la demande et à des surcapacités, entraînant une pression à la baisse des prix. « Nous sommes dans une industrie connue pour sa visibilité, avec des contrats de trois à dix ans et une croissance régulière, et subitement tout cela tombe à l’eau », constate Eric Beaudet, analyste financier chez Natixis.

Depuis plusieurs mois, les autres géants mondiaux, comme les luxembourgeois SES et Intelsat, avaient alerté d’un ralentissement de leurs activités. Eutelsat restait confiant. « On le pensait immunisé de toute baisse d’activité car le groupe devait bénéficier de l’entrée en service de quatre satellites lancés depuis le début de l’année, ajoute M.Beaudet. Cela n’a visiblement pas permis de compenser la chute des prix. » La réaction a été la hauteur de la déception, vendredi, entraînant dans son sillage les autres valeurs du secteur comme SES (– 8 %) et Immarsat (– 7 %).

Les analystes chez Barclays ne s’attendaient pas à ce que les difficultés du groupe aient un impact « si fort et si rapide ». Pour eux, « une telle révision des perspectives (…) va plomber la confiance » dans l’évolution d’Eutelsat. « Nous sommes dans une industrie où les coûts fixes sont difficilement compressibles, tout ce que vous perdez en chiffre d’affaires va directement affecter le bénéfice », souligne un expert du secteur.

Concurrence avec Intelsat

« Le point noir, c’est l’Amérique latine, estime Vincent Maulay, analyste chez Oddo. Le groupe a alloué plus de la moitié de ses nouvelles capacités à ce continent, qui ne s’avère pas être l’eldorado espéré. » Or le français se trouve sur un marché où la demande des investisseurs a baissé en raison du contexte économique.

De plus, il s’est retrouvé en concurrence avec le numéro deux du secteur, Intelsat, qui a baissé les prix avec « des satellites de nouvelles générations dit HTS [high-throughput], conçus pour fournir des données en haut débit », ajoute M. Maulay.

Mais le français a aussi connu des difficultés avec un client institutionnel. « Les derniers renouvellements de contrats avec le gouvernement américain se sont traduits par un taux de renouvellement de l’ordre de 65 % compte tenu de conditions de passation des marchés plus dures et d’une forte intensité concurrentielle », reconnaît Eutelsat. Un niveau nettement inférieur aux précédents.

Image écornée

Avec cette alerte sur les résultats, Eutelsat, qui avait la réputation d’être une valeur sûre, voit son image écornée. Ce n’est certes pas la première fois que le groupe connaît une dégringolade boursière, l’action avait fortement chuté voici quatre ans après qu’il avait annoncé qu’il manquait une dizaine de millions de chiffre d’affaires pour atteindre son objectif.

Cette fois, l’alerte est plus sérieuse, d’autant que le marché spatial est aussi en pleine mutation. De nouveaux acteurs, comme les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), ont des ambitions de couverture de la planète en développant leur propre constellation de satellites. Il faudra attendre deux mois pour connaître la nouvelle stratégie de Rodolphe Belmer.

Le patron d’Eutelsat dispose d’un carnet de commandes bien garni et envisage de renforcer sa position dans la diffusion de la haute définition pour les chaînes de télévision gratuites en Europe. A lui maintenant de convaincre pour faire oublier ce funeste vendredi 13.