Séries : « Wolf Hall » qui rit, « Marseille » qui pleure
Séries : « Wolf Hall » qui rit, « Marseille » qui pleure
Chaque mardi, dans La Matinale, la rédaction du « Monde » vous propose une sélection de séries à tester ou à redécouvrir.
Cette semaine, outre une séquence nostalgie avec le « Muppet show », vous pourrez découvrir « Wolf Hall », sacrée « meilleure série dramatique » de la télévision britannique, plonger dans « Wayward Pines » entre horreur et science-fiction, ou constater que, décidément, la série française « Marseille » tourne à la bouillabaisse.
Miss Piggy et Kermit tirent leur révérence
The Muppets | official trailer (2015) Kermit Miss Piggy
Durée : 02:53
On a du mal à croire que le « Muppet Show », la fameuse série comique inventée en 1976 par Jim Henson (le créateur du programme pour enfants « 1, rue Sésame »), fut alors refusée par toutes les chaînes nord-américaines. Ainsi que le rappelle le documentaire de la BBC I Love Muppets (2002), c’est en Angleterre que, chaque dimanche, ces marionnettes ultra-inventives et formidablement drôles – Kermit, Miss Piggy, les deux pépés grincheux, Gonzo, le cuisinier suédois, etc. – ont trouvé leur public. Avant de devenir l’objet d’une attention mondiale, chez les jeunes comme chez leurs parents. On vit alors le « Muppet Show » partout, jusqu’en France, où les deux premières saisons ont été diffusées à partir de 1977 sur Antenne 2. Seules les trois premières saisons intégrales sont sorties en DVD aux Etats-Unis ; en France, deux coffrets de compilation ont été édités.
Le succès hexagonal de la série tient beaucoup aux comédiens doubleurs – Micheline Dax, Roger Carel, Francis Lax, Pierre Tornade et Gérard Hernandez –, qui ont totalement réécrit les blagues intraduisibles et les jeux de mots originaux. Il n’est pas certain qu’une telle équipe existe encore aujourd’hui, et c’est sûrement pourquoi « The Muppets », la nouvelle série lancée par la chaîne ABC en 2015, ne connaîtra probablement pas de diffusion française. D’ailleurs, le succès remporté il y a quarante ans n’a pas été égalé, et le 13 mai, la chaîne a annoncé renoncer à une deuxième saison.
Pourtant, les « Muppets » avaient su se réinventer sans perdre leur sel originel, en transposant leurs aventures, naguère dans un théâtre, dans le cadre d’un studio de télévision, au service du talk-show de Miss Piggy, devenue la (toujours capricieuse et soupe au lait) vedette de l’équipe. Les codes de la télévision d’aujourd’hui, à l’image du style « mockumentary » (faux documentaire) de téléréalité emprunté par exemple à « Modern Family » – avec les personnages s’adressant en « confessionnal » à la caméra – n’auront apparemment pas suffi à réunir un large public. La nostalgie n’est plus ce qu’elle était.
Renaud Machart
« Wayward Pines », entre « Lost » et « Le Prisonnier »
WAYWARD PINES Saison 1 Bande Annonce (M. Night Shyamalan)
Durée : 01:33
Ethan Burke (Matt Dillon), agent fédéral américain, part à la recherche d’une collègue mystérieusement disparue alors qu’elle enquêtait à Wayward Pines, petite ville provinciale, charmante et proprette, de l’Idaho. Victime d’un accident de voiture, Ethan se retrouve à l’hôpital de Wayward Pines, sans téléphone portable, ni effets personnels. Alors qu’il tente de les récupérer, il se rend compte qu’il est prisonnier de ce qui se révèle peu à peu être une inquiétante citadelle fortifiée, et peuplée d’étranges habitants, sous le joug d’une puissance supérieure et passablement fascisante. Les clins d’œil au « Prisonnier » (1967-1968), à « Lost » (2004-2010) et à « Twin Peaks » (1990-1991) sont appuyés, mais « Wayward Pines », que rediffuse Canal+ Séries, a trouvé son ton et sa matière entre horreur et science-fiction. R. Ma.
« Wayward Pines », de Chad Hodge et M. Night Shyamalan. Avec Matt Dillon, Carla Gugino, Melissa Leo (EU, 2015, 10 × 42 min). Sur Canal+ Séries, le vendredi 20 mai (épisodes 1 à 6), à partir de 20 h 50, et le samedi 21 mai (épisode 6 à 10), à partir de 9 heures. Et sur Canal+ à la demande (jusqu’au 21 mai).
« Marseille » tourne à la bouillabaisse
Marseille sur Netflix - Entrée Libre
Durée : 04:49
« Naufrage », « navet », « accident industriel », « bouse ». Avant même la diffusion de « Marseille » sur Netflix puis TF1, la critique a été assassine avec la première série produite en France par la plate-forme américaine de diffusion à la demande. Pourtant, les Américains avaient mis les moyens, que ce soit en termes de budget de production (huit épisodes à plus d’un million d’euros chacun) ou sur le casting, avec Gérard Depardieu en tête de gondole. Sans oublier la communication autour de Marseille, ville fantasmagorique qui sert de décor à cette série, où les élus corrompus se cramponnent au pouvoir sur fond de trahison, de violence et de racket.
Le scénario n’est pas nouveau. Mais on attendait beaucoup mieux de Dan Franck, un des meilleurs scénaristes français, à qui l’on doit, notamment, les séries « Carlos » et « Les Hommes de l’ombre ». Dès les premières images, on est consterné par une mise en scène datant des années 1970, des dialogues indigents, des comédiens et des comédiennes qui sombrent dans la caricature (notamment Benoît Magimel), la vulgarité des scènes de sexe et une intrigue dont on devine à l’avance le dénouement.
Au fil des épisodes, la série ressemble à une grande bouillabaisse. Selon quelques confidences, les relations entre le scénariste et les deux réalisateurs (Florent Emilio Siri et Thomas Gilou) n’étaient pas au beau fixe, et le résultat en pâtit.
Diffusés jeudi 12 mai en première partie de soirée sur TF1, les deux premiers épisodes de « Marseille » n’ont réuni, selon Médiamétrie, que 4,4 millions de téléspectateurs en moyenne. Une audience qui pourrait être jugée insuffisante par Netflix pour se lancer dans la production d’une seconde saison. Daniel Psenny
« Marseille », créée par Dan Franck. Avec Gérard Depardieu, Benoît Magimel, Géraldine Pailhas (Fr., 2016, 8 X 52 min). Sur Netflix.
« Wolf Hall » couronnée, que vive la BBC !
Peter Kosminsky defends the BBC - The British Academy Television Awards 2016 - BBC One
Durée : 02:53
Chaque printemps, lors d’une cérémonie très courue, la British Academy of Film and Television Arts (Bafta) met à l’honneur les fleurons de la production télévisuelle britannique. Or, dimanche 8 mai, si le monde de l’industrie télévisée présent au Royal Festival Hall de Londres était debout pour ovationner Peter Kosminsky, ce n’était pas seulement pour le prix remis au réalisateur de la série « Wolf Hall », produite par BBC2 et sacrée « meilleure série dramatique » de 2015. Cette standing ovation valait aussi et surtout pour les propos que venait de tenir le récipiendaire, très inquiet de voir le gouvernement britannique prêt à prendre les rênes de la gouvernance de la BBC, et à lui imposer ses choix. Il fallait que l’heure soit particulièrement grave, pour que l’humour dont font habituellement preuve les Britanniques dans ce genre de cérémonie, cède le pas à une accusation : rien de moins que la tentative des conservateurs au pouvoir d’« éviscérer » la BBC et Channel 4.
Face à un projet de mise au pas de la « Beeb », terme affectueux pour dénommer la télévision publique, Peter Kosminsky – rejoint dans ses propos par plusieurs personnalités au cours de la soirée – exhortait à la vigilance : « La BBC est un diffuseur public, indépendant du gouvernement, et non pas un diffuseur d’Etat dont les décisions éditoriales sont prises par le gouvernement. (…) Ce n’est pas leur BBC, c’est votre BBC. (…) Nous devrions résister et nous battre pour elle. (…) Non ! Il est grand temps de se lever et de dire non à ce dangereux non-sens ! »
« Wolf Hall » fut saluée une seconde fois, ce dimanche 8 mai, pour la prestation tout en nuances de son acteur principal, Mark Rylance, dans le rôle de Thomas Cromwell ; une reconnaissance de plus pour cet immense acteur, après l’Oscar obtenu en tant que meilleur second rôle dans Le Pont des espions, de Steven Spielberg. Martine Delahaye
« Wolf Hall », mini-série adaptée par Peter Straughan et réalisée par Peter Kosminsky. Avec Mark Rylance, Damian Lewis, Claire Foy, Jonathan Pryce, Anton Lesser (6 × 60 minutes, Royaume-Uni, 2015). En DVD chez Arte.