Sur Facebook, le jeu des statuts
Sur Facebook, le jeu des statuts
LE MONDE IDEES
Le premier réseau social au monde est le plus grand site d’hébergement d’informations personnelles. Mais ses utilisateurs publient en moyenne moins de contenus « privés » qu’auparavant.
Un logo Facebook posé sur une carte mère ( Illustration ) | DADO RUVIC / REUTERS
Moins de photos de famille, plus d’articles de presse ; moins de récits de soirées arrosées, plus de vidéos rigolotes. Sur Facebook, on ne partage plus tout à fait les mêmes choses qu’avant : les quelque 1,6 milliard d’utilisateurs du premier réseau social au monde publient en moyenne moins de contenus « privés », affirment les médias américains, citant une baisse de 21 % en un an du partage de photographies ou de statuts « personnels ». Facebook s’est refusé à confirmer ces chiffres, se contentant de réaffirmer que le nombre de partages par personne continue de croître. Les deux tendances ne seraient pas incompatibles : on peut partager plus, mais moins de choses personnelles. L’ensemble reflétant avant tout la manière dont ce réseau social, au fil de sa croissance spectaculaire, a régulièrement évolué.
Pourquoi partagerait-on moins volontiers aujourd’hui ses photos de famille ? D’abord, parce que la façon dont on partage les contenus sur Facebook a beaucoup changé. L’entre-soi des débuts a depuis longtemps disparu, et les « amis » sont plus faciles à trouver que jamais : famille, copains, collègues, tout le monde y est inscrit – on compte 30 millions d’utilisateurs en France, soit un Français sur deux.
Tout partage s’accompagne donc d’un choix, parfois cornélien : cette photo du petit dernier, faut-il la rendre visible seulement aux vrais amis ? Aux amis des amis ? Tout compte fait, ne mériterait-elle pas d’être publique ? Car Facebook, au fur et à mesure de sa croissance, a mis en place toute une batterie d’options permettant de gérer l’accès à ses publications. On ne peut pas dire que l’utilisateur n’a pas le choix : il peut décider de tout partager de manière publique, de ne rien partager, de ne partager qu’avec les amis, de tout partager par défaut mais de restreindre certaines publications, accepter ou refuser d’être identifié sur les photos, etc.
Curriculum vitae social
Pourtant, cette large palette ne satisfait visiblement pas tous les utilisateurs : alors qu’il est très simple de supprimer un message, ou encore de rendre son compte privé, un récent rapport publié par Google montre que le premier site concerné par des demandes de déréférencement au nom du droit à l’oubli est… Facebook.
Comment expliquer ce volume élevé de demandes ? Tout simplement par le fait que Facebook est actuellement le plus grand site d’hébergement d’informations personnelles. Cette attention au droit à l’oubli montre aussi que, pour les utilisateurs, la manière dont ils apparaissent sur Facebook est importante. Faisant mentir les nombreux commentateurs qui, il y a un an, prédisaient son enterrement face à la progression spectaculaire du service d’envoi d’images éphémères Snapchat, très prisé des jeunes : Facebook, affirmaient-ils, serait devenu ringard, un réseau social « de vieux » sur lequel on trouve aussi bien ses parents que son futur employeur.
En réalité, Facebook est surtout devenu un curriculum vitae social, un espace soigneusement étudié, ciselé pour renvoyer l’image de soi que l’on veut donner. C’est sans doute pourquoi il est parfois avantageux d’y partager des articles sérieux (pour montrer qu’on lit des choses intelligentes) ou des vidéos de chats (pour amuser ses amis). Et de réserver photos et messages très personnels aux grandes occasions, qui font immanquablement s’envoler le compteur des « j’aime » : naissances, mariages, et autres moments à la fois intimes et publics.