A East Los Angeles, Bernie Sanders drague la population hispanique
A East Los Angeles, Bernie Sanders drague la population hispanique
Par Aude Lasjaunias (Los Angeles, Californie)
Le candidat à l’investiture démocrate multiplie, depuis quelques jours, les réunions de campagne en Californie, où la primaire se déroule le 7 juin.
Le candidat à l’investiture démocrate en vue de la présidentielle de novembre, Bernie Sanders, le 23 mai à East Los Angeles. | DAVID MCNEW / AFP
Depuis plusieurs semaines déjà, Bernie Sanders ne cache pas ses intentions : le sénateur du Vermont et candidat à l’investiture démocrate à la présidentielle de novembre joue son va-tout sur la Californie. L’Etat le plus peuplé des Etats-Unis votera le 7 juin dans le cadre des primaires partisanes. Et, si M. Sanders semble désormais quasiment dans l’impossibilité de briguer la nomination du parti face à sa rivale, Hillary Clinton, il entend bien marquer un peu plus les esprits en s’imposant sur ces terres, les plus importantes pourvoyeuses de délégués (475) à la convention de Philadelphie, qui se tiendra du 25 au 28 juillet.
Le sénateur, actuellement devancé en nombre de délégués et dans les sondages par l’ex-First Lady, multiplie depuis quelques jours les réunions de campagne à travers la Californie. Dans la matinée du lundi 23 mai, c’est à East Los Angeles que celui qui se présente comme un « socialiste démocrate » a rassemblé ses partisans. Un lieu savamment choisi : le quartier connaît une forte influence latino-américaine, communauté dont les électeurs sont réputés favorables à Mme Clinton. Or, depuis l’été 2014, la population hispanique est plus nombreuse que la population blanche dans cet Etat.
« La cause est juste, c’est le moment »
Une heure avant l’ouverture officielle des portes, prévue à 9 heures, et alors que l’équipe du candidat a prévenu par e-mail que ce dernier ne prendrait la tribune que vers midi, des dizaines de personnes (jeunes, vieux, latinos, blancs ou noirs) se massent déjà devant les portiques de sécurité du Lincoln Park. Au fil des minutes, la foule grossit de manière exponentielle, forçant des vendeurs ambulants de badges et autres tee-shirts à l’effigie du sénateur à traverser une partie du parc pour satisfaire les clients.
Un petit groupe met, sur l’herbe à disposition des participants, des pancartes dessinées pour l’occasion : « La cause est juste, c’est le moment. » « Nous sommes la haute société. » Les volontaires de l’équipe de campagne de Bernie Sanders sillonnent, quant à eux, la queue, rappelant que dans la soirée les inscriptions sur les listes électorales de Californie seront clôturées.
Rassemblement de campagne du candidat à l’investiture démocrate, le 23 mai. | DAVID MCNEW / AFP
Une fois autorisés à passer le dispositif de sécurité, les sympathisants du sénateur du Vermont se pressent au plus près du pupitre, où dans près de deux heures, leur candidat prendra la parole. Une dame hispanique d’une cinquantaine d’années, bénévole à East Los Angeles, décide de chauffer un auditoire qui ne demandait que ça. A ses « Bernie ! », la foule répond « Sanders ! » d’une seule voix. Même scénario quand elle lance : « A quoi ressemble la démocratie ? » « C’est à ça que ressemble la démocratie. »
Vient ensuite un spontané : « Sí, se puede » (« oui nous le pouvons » en espagnol), comme si l’un des objectifs de ce mercredi était de faire taire les détracteurs du sénateur qui le jugent impopulaire auprès des minorités et majoritairement soutenus par un électorat blanc.
Le groupe de musique chargé de faire patienter le public chante d’ailleurs en espagnol et, quelques minutes avant l’arrivée de Bernie Sanders, se succèdent à la tribune les figures latino-américaines anonymes ou connues : une mère et son fils, une jeune immigrée mexicaine, Bill Velazquez, responsable du collectif Latino Outreach for Bernie 2016 (sensibilisation des Latinos pour Bernie), Jesús « Chuy » García, qui fut candidat à la mairie de Chicago en 2015, ou encore l’actrice Rosario Dawson.
« Pas là pour la victoire »
Le soutien d’un électorat bigarré n’est plus à démontrer dans l’auditoire de ce mercredi matin. Reste désormais la question majeure de ses aspirations : espèrent-ils encore une victoire de leur favori à la primaire démocrate ? Alors qu’il faut 2 383 délégués pour s’assurer la nomination du parti, Mme Clinton compte d’ores et déjà le soutien de 2 293 d’entre eux (1 768 remportés lors des primaires et 525 superdélégués), tandis que M. Sanders ne dispose du soutien que de 1 533 (1 494 remportés lors des primaires et 39 superdélégués).
Dans les rangs des partisans, l’envie d’y croire se heurte désormais à la réalité. Nombre d’entre eux – élus, personnalités, figures du parti, etc. – soulignent l’injustice du processus de désignation, qui accorde 15 % des voix lors de la convention de Philadelphie. « Comment voulez-vous que Bernie Sanders, qui fustige l’establishement et à un passé indépendant, puisse compter sur leur appui », résume un jeune homme d’une vingtaine d’années.
Le candidat à l’investiture démocrate en vue de la présidentielle de novembre, Bernie Sanders, le 23 mai à East Los Angeles. | DAVID MCNEW / AFP
Une charge relayée depuis le pupitre par Rosario Dawson, qui a lancé un appel à la désignation d’un candidat représentatif du vote populaire : « Ils essaient de faire croire que nos voix n’ont plus de poids, que les jeux sont faits. Mais nous pouvons amplifier une dynamique, nous pouvons avoir un poids dans la suite des événements. »
« Je ne suis pas là pour la victoire, a estimé de son côté Bill Velazquez. Ce qui me gêne souvent en politique c’est que l’on se focalise sur le nom du gagnant. Mais la démocratie ne se résume pas à une compétition. Ce qui compte c’est ce que vous ferez ce soir avec la clôture des inscriptions sur les listes électorales, ce que vous ferez le 7 juin lorsque vous serez amenés à vous expimer dans le cadre de la primaire et surtout ce que vous ferez dans un mois, dans un an, en continuant de vous engager. »
« Qu’importe l’issue de la primaire démocrate, acquiesce, dans le public, Sylvie Shain. Le mouvement impulsé par Bernie Sanders est réel. Ce qu’il a réussi à faire ces derniers mois, l’engouement qu’il a suscité auprès des électeurs va s’inscrire dans la durée. Il gardera le pouvoir de faire changer les choses. » Et Jesús « Chuy » García d’appeler à construire un mouvement au-delà des élections, « pour ensemble redéfinir ce que sont les Etats-Unis ».