Porte par laquelle Mohamed Ali est entré dans le stade Tata-Raphaël pour son combat contre George Foreman. | John bompengo / AP

A Kinshasa, les amoureux de boxe sont sonnés. Mohamed Ali s’est éteint vendredi 3 juin à Phoenix, aux Etats-Unis, des suites d’une insuffisance respiratoire. La légende de la boxe avait 74 ans, et en avait passé trente-deux à se battre contre la maladie de Parkinson. Mais dans la capitale de la République démocratique du Congo, on évoque rarement les ravages de la maladie. On garde plutôt en tête l’image d’un maître du ring. D’un roi qui avait remporté chez eux le « combat du siècle ».

C’était le 25 septembre 1974. Mobutu Sese Seko, chef de l’Etat qu’il avait rebaptisé Zaïre, a organisé un combat historique entre Mohamed Ali et son compatriote George Foreman. La joute s’est déroulée dans l’actuel stade Tata-Raphaël, dans le nord de Kinshasa. Beaucoup d’enfants y ont assisté et en sont ressortis changés.

A l’image de ce militaire, qui s’exprime sous anonymat. « Mon père nous a amenés pour voir ce combat-là, et ça m’a donné vraiment l’envie de faire de la boxe. C’est à partir de Mohamed Ali que j’ai pris la conscience et l’amour de faire de la boxe. J’étais vraiment amoureux de Mohamed Ali », confie-t-il.

« Ali, tue-le »

Francine, commerçante, n’est pas une fan de boxe mais elle reconnaît, elle aussi, l’héritage de Mohamed Ali. « Il a fait la fierté de notre pays. Tout le monde en parle ! Tout le monde parle de ça, qu’il a combattu ici », raconte-t-elle. Puis elle renchérit en affirmant qu’il sera un « modèle pour ceux qui sont restés ».

Un modèle, surtout pour les jeunes boxeurs qui s’inspirent de lui. A l’image de Philip, boxeur amateur, qui se dit atterré par la nouvelle. « Ah… Nous sommes en train de pleurer Ali ! Nous avons perdu un grand homme ! Cet homme-là, lorsque vous le regardez… C’est la référence même de la boxe ! J’aimais la façon dont il se déplaçait, sa façon d’attaquer… C’est ce qui nous inspire, c’était incroyable ! », raconte-t-il. Pamela est elle aussi boxeuse amatrice ; elle a appris la mort du champion à 4 heures du matin à la télévision : « Ça m’a fait très mal. Très, très mal, vraiment ! C’est un grand boxeur qui nous a quittés. »

Le stade Tata-Raphaël, lieu de la rencontre entre Mohamed Ali et George Foreman, le 25 septembre 1974. | John bompengo / AP

Aujourd’hui encore, à Kinshasa, des touristes se pressent pour voir le stade mythique où Ali et Foreman se sont affrontés au cœur de la nuit kinoise. Mais pour le quarantième anniversaire du « combat du siècle », alors que la presse internationale s’emballait, rien d’officiel n’a été organisé.

Dans les écoles et certains foyers, on raconte encore ce combat. Mais certains regrettent la difficulté de transmettre ces souvenirs aux plus jeunes générations. « Nos enfants ne connaissent même pas qui est Ali, juste parce qu’on n’a rien à leur raconter, juge Eddy, cadre dans la publicité, la communication et le marketing. Pas de photos de ce combat au musée, pas d’histoire enseignée à l’école, pas de documentaire à la télé, le film concernant son combat est une denrée rare sur nos chaînes. »

Malgré tout, un cri semble traverser le temps : « Ali, boma ye » (« Ali, tue-le », en lingala). C’est ce qu’entonnaient les Congolais pour encourager Mohamed Ali à vaincre George Foreman. Eddy n’était pas né alors, mais comme bien d’autres, il a été marqué par ce slogan – que le boxeur s’était approprié : « Je n’ai rien retenu du “combat du siècle”, à part Ali, boma ye ! »