A Paris, un premier festival de films en réalité virtuelle pour « défricher le terrain »
A Paris, un premier festival de films en réalité virtuelle pour « défricher le terrain »
Propos recueillis par Morgane Tual
Une quinzaine de films sont présentés jusqu’au samedi 18 juin au Forum des images. Rencontre avec l’organisateur de ce premier Paris Virtual Film Festival.
Environ 90 casques de réalité virtuelle étaient disponibles lors du premier Paris Virtual Film Festival. | Nathalie Prebende
Le Forum des images, à Paris, organise, vendredi 17 et samedi 18 juin, un festival consacré aux films en réalité virtuelle (VR). Le Paris Virtual Film Festival a ainsi sélectionné une quinzaine de films en 360°, visibles grâce à des casques de réalité virtuelle comme l’Oculus Rift, le Samsung Gear VR ou encore le HTC Vive, qui ont été commercialisés ces derniers mois. Quelles opportunités représente cette nouvelle technologie d’immersion pour le cinéma ? Eléments de réponse avec Michael Swierczynski, directeur du développement numérique du Forum des images et organisateur de l’événement.
Pourquoi avoir décidé de lancer un festival de films consacré à la réalité virtuelle ?
Le Forum des images doit s’intéresser à toutes les images, pas seulement le cinéma, mais tout type d’expérience narrative. Depuis deux ans, nous développons le Forum numérique, au sein duquel nous travaillons sur les webséries par exemple. Mais comment, avec le numérique, faire revenir les gens dans les salles ? La VR apporte une réponse.
Plus personnellement, j’ai testé il y a un an et demi des films immersifs qui ont changé mon regard sur la VR. Un an plus tôt, j’avais eu une expérience malheureuse, avec un casque qui ne marchait pas, un film sans queue ni tête... Un cauchemar. Mais ensuite, j’ai découvert The Enemy, un film qui renverse le documentaire. On est placés dans une pièce où sont présents deux soldats, un Israélien et un Palestinien. On est plongés dans la scène. Depuis, ma conviction est qu’une révolution va se produire, qu’il ne faut pas qu’on rate. A partir de là, on s’est dit qu’il fallait faire un festival.
Ce festival arrive quelques mois seulement après l’apparition sur le marché des premiers casques de VR. Pourquoi l’avoir lancé maintenant, alors que le secteur n’en est qu’à ses balbutiements ?
Nous voulions être les premiers, défricher le terrain. 2015, c’était trop tôt : il n’y avait pas assez de films et pas assez de capacité d’accès aux technologies. 2017, ça aurait été trop tard : on serait arrivés après les autres. Il fallait trouver le moment opportun. Là, de nouveaux talents émergent, les studios créés il y a un an et demi accouchent de leurs premiers films, que le public n’a pas encore découverts. Le but est d’être un festival pour le grand public, auquel on veut montrer des créations. Quand tout le monde sera équipé de masques, les gens ne viendront plus par curiosité, mais pour une sélection de films en avant-première.
Michael Swierczynski, directeur du développement numérique du Forum des images et organisateur du Paris Virtual Film Festival. | Nathalie Prébende
Comment avez-vous sélectionné les films présentés ?
Nous avons essayé de trouver les meilleures expériences narratives de fiction. Nous avons exclu les documentaires, les contenus de presse ou les jeux vidéo, même s’il y a certains contenus hybrides. Nous voulions un point de vue d’auteur, pas seulement du divertissement servant à montrer toutes les expériences possibles de la VR. Tous ces films ont une histoire assez forte. Avec DMZ, par exemple, vous êtes dans la zone démilitarisée entre les deux Corées : c’est un film magnifique, entre l’imaginaire et le documentaire, sur un sujet fascinant, qui vous immerge dans une zone où personne ne va.
Quels sont les atouts de cette technologie pour les cinéastes, pour raconter des histoires ?
Vous n’êtes plus spectateur, vous êtes dans l’écran. Pour moi, c’est la VR qui reproduit le mieux ce que l’on ressent dans le monde réel. Cela ouvre un nouveau champ de narration. Il existe trois catégories de films en réalité virtuelle aujourd’hui : ceux dans lesquels vous êtes une sorte de fantôme et vous observez, ceux dans lesquels vous êtes le personnage central, et enfin ceux dans lesquels vous pouvez agir.
Pour un réalisateur, c’est le Far West, on découvre un nouveau monde. C’est pourquoi pendant ce festival, nous avons réuni une dizaine de réalisateurs français pour être formés et réfléchir ensemble sur la réalité virtuelle.
A l’inverse, quelles sont les limites de la réalité virtuelle aujourd’hui ?
Le frein numéro 1, c’est le prix du matériel, si on veut de la bonne qualité. Le deuxième, c’est que c’est vécu comme une expérience personnelle et solitaire. Mais pour moi, ce n’est pas le cas, cette vision va exploser en vol. Déjà, quand tout le monde voit un même film en même temps, c’est déjà une expérience collective. La phase 2, ce sera de se retrouver à plusieurs dans un monde virtuel, où on apparaîtra en avatars. Pendant un cours d’histoire, par exemple, tous les élèves pourraient visiter une pyramide ensemble en étant guidés par le professeur.
Le Forum des images attend un millier de visiteurs pour son Paris virtual film festival. | Morgane Tual / Le Monde
Quels sont vos coups de cœur parmi les films présentés dans ce festival ?
J’aime beaucoup I, Philip, une première fiction assez « cinéma », où on est plongés dans la peau de Philip K. Dick. Il y a aussi La Péri, où on danse dans un ballet, c’est magnifique, ça joue sur l’émotion. Je pense aussi à Sens, qui mélange le film, le jeu vidéo et la bande dessinée... Sinon Allumette est fantastique, on est comme dans une maison de poupées, il y a de la fantaisie et de la poésie, on dirait le Miyazaki de la VR.
Quels défis représente l’organisation d’un tel festival ?
C’est très compliqué. Je ne pensais pas que la logistique serait si difficile. Tout est différent d’un festival de cinéma classique : il faut des fauteuils qui tournent, les 90 masques, les applis qui marchent une fois sur deux... Il faut avoir presque autant de bénévoles que de masques pour qu’ils accompagnent le public, qu’ils s’assurent qu’il reste de la batterie. Et il faut les former ! C’est 100 salles de cinéma qu’il faut préparer, c’est énorme. Sur deux jours, c’est tenable. Mais dans deux ans, peut-être que le public viendra avec ses propres masques !