Après les inondations, la pollution
Après les inondations, la pollution
Par Eva Gomez
A la suite des crues des dix derniers jours, les lieux sinistrés font face à une pollution aux hydrocarbures et à des monceaux de déchets.
Nemours (Seine-et-Marne), frappée par les inondations le 3 juin. | Markus Schreiber / AP
Les dix jours d’intempéries qui ont frappé la France font maintenant place à une décrue qui dévoile un dépôt de déchets matériels et toxiques. Pour pompiers et experts, il est temps d’assainir ces lieux sinistrés.
Le Syndicat intercommunal d’aménagement, de réseaux et de cours d’eau de Corbeil-Essonnes a dû traiter plus de 22 000 mètres cubes d’eau par jour, contre 15 000 habituellement. Mais le directeur des réseaux et de l’assainissement, Pierre Arnaud, constate que la qualité des eaux usées est restée la même malgré le flux. « Grâce à la création d’interconnexions entre les différentes unités de distribution, l’accès à l’eau potable n’a pas été interrompu », précise-t-il.
Une expertise compliquée
Pour évaluer les conséquences des intempéries sur la pollution de l’eau, le ministère de l’environnement a mobilisé 4 des 6 agences de l’eau françaises. Le Centre de documentation, de recherche et d’expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre) et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) doivent également aider les préfectures et les communes dans leur lutte contre la pollution après les crues.
Mais pour le directeur adjoint du Cedre, Christophe Rousseau, « l’estimation des dégâts sur l’environnement va être compliquée à établir » car elle dépend des types de milieux. « La typologie des zones touchées est très variée. On a des zones urbaines, semi-urbaines et rurales. Parfois, une cuillère à café d’hydrocarbures suffit à infecter l’équivalent de la surface d’un stade de football », souligne-t-il. Il est donc trop tôt pour évaluer les conséquences de ces fuites sur la nature. Mais pas trop tard pour essayer de limiter les dégâts. L’urgence, dans l’immédiat, est de récupérer le maximum d’hydrocarbures à la surface de l’eau – à l’aide d’absorbants ou de barrages – pour les empêcher de s’infiltrer dans le sol.
Pollution aux hydrocarbures
Des exemples de ces dégâts sont notamment visibles à Nemours (Seine-et-Marne) et à Palaiseau (Essonne), où des flaques de fioul se sont répandues dans les rues : des marées rouge sang, issues des cuves des habitants qui ont cédé à la pression de l’eau. A Palaiseau, la mairie cherche à préserver les sols d’une infiltration, tout en veillant à ce que ces hydrocarbures n’atteignent pas l’Yvette, rivière en crue de la commune. Le fioul domestique, mélange d’hydrocarbures, d’additifs et de colorants, peut en effet être très dangereux. Il s’agit d’un produit fossile, inflammable, nocif et possiblement cancérogène. Sa combustion délivre de nombreuses substances polluantes, pour l’air comme pour l’eau.
Toujours dans l’Essonne, à La Ferté-Alais, c’est la station-service d’un supermarché inondée durant la crue qui laisse s’échapper des litres d’essence dans la rivière. Non loin de là, le maire d’Itteville, Alexandre Spada (UDI), s’inquiète de la menace que représente pour sa ville Rodanet, une ancienne usine de régénération de solvants. Après sa fermeture en 1992, 500 tonnes d’hydrocarbures ont été enfouies dans le sous-sol, près du lit de l’Essonne, qui vient taper contre les planches de sécurité. Alexandre Spada craint que « la crue d’un débit de 40 m3 par seconde ne fissure l’édifice de confinement de Rodanet ».
Et la météo ne le rassure pas. « La décrue a commencé mardi matin, mais de nouveaux épisodes orageux risquent de la freiner », explique-t-il. Dans ce contexte d’urgence, le ministère de l’environnement et la préfecture ont promis à la ville d’investir 4,7 millions d’euros pour assainir le site et pomper les hydrocarbures.
Décrue et déchets
Des déchets laissés par la crue, à Montargis, le 7 juin. | GUILLAUME SOUVANT / AFP
En plus de la pollution, des monceaux de détritus et de déchets ménagers sont drainés par les eaux là où la décrue est déjà avancée. Tables, chaises, tentes, morceaux de clôture ou encore véhicules s’entassent dans les rues. Pour le ministère de l’environnement, il faut impérativement nettoyer ces déchets et les stocker dans « des zones temporaires de transit ».
Il faudra cependant attendre l’estimation des experts pour pouvoir chiffrer les dégâts environnementaux de ces intempéries. Mercredi 8 juin, l’état de catastrophe naturelle a été déclaré pour 782 communes dans 16 départements.