Devant le Stonewall Inn, le bar de Greenwich Village emblématique de la lutte pour les droits des homosexuels, à New York, le 12 juin 2016. | BRYAN R. SMITH / AFP

En novembre 1978, le conseiller municipal de San Francisco Harvey Milk, 48 ans, l’un des premiers hommes politiques américains à revendiquer son homosexualité, fut assassiné dans le bureau du maire, George Moscone. Dimanche 12 juin, quelques heures après la fusillade d’Orlando, c’est sur la place Harvey-Milk, à Castro, le cœur « gay » de San Francisco, que plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées en signe de deuil, avec smartphones allumés en guise de bougies et drapeaux arc-en-ciel en berne.

« Nous pensons que le travail est fini parce que nous avons obtenu le droit au mariage. Ce n’est pas le cas », s’est désolé David Campos, membre du conseil municipal de San Francisco. Comme lui, nombre de victimes de la discothèque Pulse, à Orlando, étaient gays et latinos. « Soyons clairs, c’est une attaque contre la communauté LGBT, s’est lamenté Scott Wiener, un autre conseiller municipal, représentant Castro, le quartier où les passages pour piétons sont peints aux couleurs de l’arc-en-ciel. Cette haine anti-gays doit cesser. »

Un homme arrêté avec fusils d’assaut
et produits chimiques

De l’assassinat d’Harvey Milk à celui de Matthew Shepard, un étudiant de 21 ans martyrisé en 1998 à Laramie dans le Wyoming, la longue marche des homosexuels vers l’égalité a été émaillée d’actes de violence. Mais la communauté n’avait jamais dû faire face à une attaque aussi brutale et meurtrière que celle d’Orlando. Elle a érodé le sentiment de sécurité acquis avec les conquêtes de la dernière décennie, entre l’acceptation pleine et entière des gays dans l’armée, la légalisation du « same sex marriage » par la Cour suprême en juin 2015 et cette année la reconnaissance des droits des personnes transgenres à choisir leur identité et leurs toilettes dans les lieux publics, un choix contesté par plusieurs Etats républicains du Sud. « C’est l’illustration tragique des craintes qu’éprouvent légitimement les membres de notre communauté LGBT pour leur sécurité », a estimé le maire de Dallas, Mike Rawlings, en annonçant le renforcement de la vigilance dans la ville.

Plusieurs festivals homosexuels se tenaient dimanche, quelques heures après la fusillade d’Orlando. A Boston et à Washington, la police a augmenté les effectifs. A Los Angeles, la marche a été sombre : avant le départ de la 46e Gay Pride à West Hollywood, le maire, Eric Garcetti, a indiqué qu’un homme de 20 ans, James Howell, originaire de l’Indiana, avait été arrêté à Santa Monica en possession d’une voiture contenant trois fusils d’assaut et des produits chimiques susceptibles d’être utilisés comme explosifs. Son intention était d’« assister » à la marche, a indiqué la chef de la police de Santa Monica, Jacqueline Seabrooks, qui avait d’abord indiqué qu’il entendait « faire du mal ». Le maire a assuré que l’incident n’avait aucun lien avec l’attaque d’Orlando. La parade a eu lieu et rassemblé plusieurs milliers de personnes.

La Gay Pride annuelle de San Francisco – l’une des plus fréquentées du monde – est fixée au 26 juin. Plus d’1 million de personnes sont attendues. Dès dimanche, les organisateurs ont rencontré les responsables de la police et du département de la sécurité intérieure pour renforcer le dispositif de vigilance.

Emotion a Greenwich Village

A New York, c’est un autre haut lieu symbolique de la lutte pour l’égalité qui a accueilli plusieurs centaines de personnes : Stonewall Inn, le bar de Greenwich Village devenu un symbole des droits homosexuels après qu’une intervention policière, le 28 juin 1969, eut déclenché des émeutes spontanées. Dès l’année suivante eurent lieu les premières Gay Pride, à New York et à Los Angeles, en commémoration des émeutes. Deux élus de New York ont proposé que l’endroit entre au registre des parcs et monuments nationaux. Le président Barack Obama y serait favorable.

Dimanche, en signe de solidarité, les manifestants portaient des fleurs rouges, des signes de paix et des pancartes : « We are Orlando » ou « NRA = Death », associant la National Rifle Association, le lobby des armes à feu, à la mort.

En s’attaquant à une boîte de nuit comme le Pulse d’Orlando, Omar Mateen a aussi frappé ce qui a toujours été un refuge pour les homosexuels, loin des jugements réprobateurs de la société : les night-clubs, décrits sur Facebook par le chroniqueur Paul Raushenbush comme « ces endroits où nous pouvions aimer et être aimés pour nous-mêmes et ce que nous voulions être ».