Bluesy Amy Winehouse
Bluesy Amy Winehouse
Par Jacques Mandelbaum
A l’aide de nombreuses images d’archives inédites, Asif Kapadia évoque la vie tragique de la chanteuse (mercredi 8 juin à 21 heures sur Canal+).
AMY Bande Annonce #1 VOST (2015) - Amy Winehouse Documentaire HD
Durée : 02:03
A l’aide de nombreuses images d’archives inédites, Asif Kapadia évoque la vie tragique de la chanteuse.
Remarqué en 2010 pour Senna, portrait du pilote automobile Ayrton Senna mort dans un accident de voiture à 34 ans, le documentariste Asif Kapadia remet d’une certaine façon son ouvrage sur le métier en s’attaquant cette fois à la chanteuse Amy Winehouse. En dépit du talent indéniable du réalisateur, qui vaut pour les deux films, il n’échappera à personne que le second semble vouloir rééditer les recettes qui ont fait le succès du premier. Même tropisme pour la star précocement foudroyée, même goût pour les images d’archives patiemment dénichées, même dextérité à organiser un récit à la fois sensible et sensationnel à partir de ce matériau.
« Amy », un documentaire d’Asif Kapadia sur la chanteuse Amy Winehouse. | MARS DISTRIBUTION/© 2015 PROKINO FILMVERLEIH GMBH
Si d’aventure Asif Kapadia triplait la mise, il s’exposerait probablement à se voir épinglé pour la brillante morbidité de ses sujets. En attendant, tous ceux qui ont aimé Amy Winehouse, qui ont admiré son talent, qui ont été chavirés par sa voix rageuse, qui ont goûté son intensité vitale et qui ont été, in fine, bouleversés par son destin tragique, peuvent et doivent voir ce film. Moins pour l’histoire, hélas très prévisible, qu’il nous raconte (naissance, assomption, déchéance et chute d’une rock star) que pour la richesse du matériau qui nourrit cette histoire, non moins que la fluidité de son agencement.
Esthétique et biographique
Refusant la voie traditionnelle du documentaire comme assemblage de « têtes qui parlent », Asif Kapadia a réalisé un film qui donne l’illusion d’éviter la reconstitution et la médiation, et d’être en prise directe avec la vie, et conséquemment avec la mort du personnage.
Il s’est servi, pour ce faire, de nombreuses images d’archives inédites, notamment privées, n’a sélectionné en matière musicale que les enregistrements live et a cantonné les multiples témoignages (de proches, de collaborateurs, d’amis…) nourrissant la narration, au demeurant non filmés pour beaucoup d’entre eux, à la seule bande sonore.
Amy Winehouse - Back To Black
Durée : 04:08
Il en ressort un film total, embrassant aussi bien la question esthétique que biographique, et poursuivant sans relâche la question insoluble de la mort d’une toute jeune femme à ce point douée et couronnée de succès, mais porteuse d’une souffrance dont personne ne connaîtra le fin mot. A cet égard, on peut se demander si le film a raison de mettre en cause aussi continûment les deux hommes qui furent ses plus proches aimés en même temps que ses mauvais génies.
Il s’agit de Blake Fielder, son petit ami, qui lui fait découvrir la drogue, puis souffle sur les braises quand la maison brûle. Et Mitch Winehouse, père longtemps absent, père longtemps manquant, puis soudain hyperprésent, s’immisçant dans la gestion de la carrière de sa fille lorsque la gloire est au rendez-vous. Mitch Winehouse, arguant du soutien qu’il aurait apporté, même tardivement, à sa fille, a contesté, y compris par la voie juridique, cette interprétation de son rôle qu’il juge fallacieuse.
Or, qui dira l’ultime vérité de cette affaire ? Refusant la situation peu enviable de l’arbitre, le spectateur sera plus sûrement touché par l’immense sentiment de gâchis et de perte que la mort de cette jeune chanteuse suscite.
Amy, d’Asif Kapadia (EU, 2015, 127 min). Suivi de « Amy by Canal »,une émission réalisée par Don Kent et Jean-Pierre Devillers, qui propose de revoir onze chansons interprétées par la chanteuse lors de « L’Album de la semaine » du 29 janvier 2007, ainsi que des extraits de l’interview qu’elle avait accordée à cette occasion.
Amy Winehouse, en 2007, aux Eurockéennes de Belfort. | CREATIVE COMMONS