Changement d’état civil pour les « trans » : un amendement qui ne satisfait pas les associations
Changement d’état civil pour les « trans » : un amendement qui ne satisfait pas les associations
Par Simon Prigent
La procédure votée jeudi par l’Assemblée nationale resterait trop judiciarisée, selon les associations LGBT.
« C’est le plus mauvais projet de loi sur le sujet depuis dix ans ! » Stéphanie Nicot, présidente de la fédération LGBT, est très remontée après l’adoption à l’Assemblée, jeudi 19 mai, d’un amendement au projet de loi sur la modernisation de la justice, visant à faciliter le changement d’état civil pour les transsexuels et les transgenres à l’Assemblée nationale. Même son de cloche pour Delphine Ravisé-Giard, présidente de l’ANT (Association nationale transgenre), qui parle de « pire loi votée dans un pays d’Europe ».
Avec cet amendement, les personnes transsexuelles (qui ont subi des transformations physiques pour changer de sexe) et transgenres (qui vivent avec le sentiment d’appartenir à l’autre sexe que celui de leur naissance) n’auront plus à apporter la preuve « irréversible et médicale d’une transformation physique » pour changer d’état civil. Elles devront en revanche démontrer l’appartenance sincère et continue au sexe opposé à celui mentionné dans l’acte de naissance par « une réunion suffisante de faits ».
Si le projet porté par les députés socialistes Erwann Binet et Pascale Crozon a le mérite de doter la France d’un texte de loi pour combler un vide législatif à l’égard des 10 000 à 15 000 personnes trans en France, souvent victimes de discriminations, des associations ont réagi avec virulence au vote. En cause, l’amendement initial, déposé mardi 17 mai, « qui n’était déjà pas bon », commente Stéphanie Nicot, mais surtout trois sous-amendements proposés par le gouvernement.
Le TGI plutôt que le procureur
Au départ, les associations militaient pour que la procédure de changement d’état civil se fasse devant un officier d’état civil plutôt que devant le procureur. Mais l’amendement qui allait dans ce sens a été rejeté. Pis, pour les associations de défense des droits LGBT, le premier sous-amendement déposé par le gouvernement, jeudi, prévoit que la requête s’effectue devant le tribunal de grande instance, faisant craindre des procédures longues.
Le député Erwann Binet (PS) comprend leur déception mais avance l’argument de l’impartialité du juge : « Le procureur obéit au garde des sceaux. En cas de changement de majorité gouvernementale, ce dernier peut lui imposer des directives plus restrictives. » Ce qui risquerait d’annihiler l’esprit du texte selon le parlementaire.
Autre point de désaccord entre législateurs et associations de défense des droits LGBT : la nécessité de prouver l’appartenance au sexe opposé par « une réunion suffisante de faits », quand les associations voudraient se contenter d’une simple déclaration.
« “Réunion” implique qu’il y a plusieurs critères, “suffisante” implique que la décision est soumise à un juge et “de faits” implique que des preuves sont exigibles », commente Stéphanie Nicot. Inadmissible pour la présidente de la fédération LGBT, « quand des pays comme la Colombie ou l’Argentine se satisfont d’une simple déclaration pour justifier un changement d’état civil ! »
Seulement « on n’est pas propriétaire de son état civil en France », objecte Erwann Binet. Selon le député PS, l’objectif de créer une procédure « démédicalisée, rapide et gratuite » est rempli et constitue déjà une avancée importante.
Une démédicalisation en demi-teinte
Enfin, le troisième sous-amendement déposé par le gouvernement n’a pas convaincu les associations qui souhaitaient voir disparaître toute prise en compte de l’aspect médical du changement de sexe. « Le seul fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne pourra fonder un refus de faire droit à la demande », indique ce sous-amendement.
Si l’association inter-LGBT a salué le fait que le projet tende vers une démédicalisation du processus, la fédération LGBT estime que le texte ne va pas assez loin. « Si l’aspect médical n’est plus suffisant, seul, pour refuser une demande de changement d’état civil, il reste néanmoins un critère d’appréciation et ça, on ne l’accepte pas », argumente Stéphanie Nicot.
Pour Erwann Binet au contraire, le maintien de cet aspect est important « car certaines personnes isolées ne disposent que d’un argument médical pour prouver le bien fondé de leur demande de changement d’état civil devant un tribunal ». Le député PS reconnaît malgré tout qu’un texte plus militant aurait pu être porté, « mais on en discuterait encore à l’heure qu’il est, d’ailleurs les lois militantes sur ce sujet n’ont jamais abouti ».