Depuis 2011, Sanergy a installé 625 toilettes Fresh Life dans les bidonvilles de Nairobi. | Picasa

A Nairobi, la capitale du Kenya, plus de 60 % de la population vit dans des bidonvilles. Sans eau courante ni égouts, ces millions d’habitants n’ont souvent, pour leurs besoins, le choix qu’entre trois solutions : des toilettes insalubres, qui relâchent les déchets directement dans les égouts de surface, des latrines lointaines, parfois près de 15 km, où les femmes et jeunes filles risquent des agressions sexuelles, ou les flying toilets, ces simples sacs plastiques dans lesquels les gens font leurs besoins avant de les lancer le plus loin possible.

La pollution des eaux de surface est une cause majeure de maladies diarrhéiques, qui causent plus de 700 000 morts d’enfants en bas âge chaque année dans le monde. Pour les bidonvilles de Nairobi, et en particulier Kibera, le plus grand d’entre eux avec entre 500 000 et un million d’habitants, d’innombrables initiatives ont cherché des solutions, émanant des agences des Nations unies, des ONG ou du secteur privé. Celle de Sanergy, une entreprise sociale d’origine américaine, est originale : ses toilettes Fresh Life, en béton, de taille modeste – environ 1,5 m2 et deux mètres de haut –, sont fabriquées localement et vendues environ 450 euros aux particuliers ou aux petits entrepreneurs, qui peuvent ensuite faire payer quelques shillings aux usagers.

Pas besoin d’un raccordement au tout-à-l’égout (de toute façon inexistant) ni de fosse septique (très chère à mettre en place) : les toilettes Fresh Life fonctionnent avec un système de conteneurs indépendants changés quotidiennement par les équipes de l’entreprise, qui valorisent ensuite ces déchets.

http://abonnes.lemonde.fr/afrique/article/2011/03/31/kibera-la-plaie-de-nairobi_1501272_3212.html

A ce jour, 625 toilettes Fresh Life ont été installées à Nairobi, utilisées quotidiennement par plus de 30 000 personnes. Sanergy récupère ainsi près de 10 tonnes d’excréments par jour, qu’une usine transforme en engrais biologique ou en biogaz.

Engrais bio et biogaz

« Cette activité est essentielle pour notre développement, estime David Auerbach, cofondateur de Sanergy, invité à Paris au printemps par l’Agence française de développement (AFD, partenaire du Monde Afrique) pour sa conférence sur l’entreprenariat social. Le gouvernement kényan recommande l’utilisation de 10 tonnes d’engrais bio par hectare de culture et par an. Or il y a 27 millions d’hectares de culture dans le pays et une production domestique d’engrais très restreinte. C’est donc une très bonne opportunité économique. »

En 2016, l’entreprise prévoit de vendre à 220 fermiers les 4 200 tonnes d’engrais qu’elle espère produire, à 0,35 euro le kilo, beaucoup moins cher que les engrais traditionnels, inaccessibles à la plupart des Kényans. Sanergy, dont les premières toilettes avaient été inaugurées le 19 novembre 2011 à l’occasion de la Journée mondiale des toilettes, n’est pas encore rentable. Elle estime qu’avec 4 000 toilettes actives, un objectif atteignable d’ici deux à trois ans, elle devrait être dans le vert. David Auerbach pense qu’il sera alors en mesure d’exporter son modèle aux capitales des pays voisins qui font face aux mêmes problématiques : Dar es-Salam (Tanzanie), Kampala (Ouganda), Kigali (Rwanda) et Addis-Abeba (Ethiopie). Avant de s’attaquer au reste du monde. Selon l’ONU, un milliard de personnes sur terre « pratiquent la défécation en plein air ».